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La rééducation dans la SpA axiale : pour qui ? Quand ? Comment ?

La prise en charge rééducative dans le cadre de la spondyloarthrite de forme axiale (SpA axiale) est un outil important de la prise en charge thérapeutique, mais cet élément est parfois sous-estimé ou méconnu par le praticien. Plusieurs études confirment son intérêt en complément des traitements médicamenteux en particulier les biothérapies (1, 2).

Intégration au projet thérapeutique

Comme de nombreux traitements de rééducation, il est souvent difficile de mener des travaux scientifiques rigoureux en l’absence de véritable bras placebo comparateur. Ainsi, les études associent souvent plusieurs thérapeutiques pour tenter de discerner des effets bénéfiques (3, 4).
De plus, la prise en charge rééducative associe le cadre de la réadaptation fonctionnelle intégrant l’activité physique adaptée. Les effets positifs de cette dernière ne sont plus à démontrer avec, comme dans de nombreuses pathologies chroniques, un bénéfice sur le contrôle de la maladie, tant sur le nombre de poussées inflammatoires que sur les données de mobilité articulaire. De même, la qualité de vie, le sommeil et le niveau de douleur sont améliorés. Cette composante active de la rééducation fait ainsi partie du projet thérapeutique avec une éducation nécessaire du patient, une sensibilisation et une responsabilisation sur la gestion des activités de rééducation.
Le rythme de vie est également à considérer car tout stress environnant peut être un facteur déclenchant de poussée inflammatoire et de déséquilibre de cette maladie chronique. Une éducation plus générale doit donc être diffusée sur le rythme de vie, la qualité du sommeil ainsi que l’alimentation. Le thérapeute peut être amené à proposer dans certains cas des techniques complémentaires de relaxation.

Autonomie du patient

Il est important pour le patient d’être, au moins pour partie, autonome dans le cadre de cette rééducation avec une activité souvent quotidienne à relayer au domicile. La régularité est un paramètre primordial dans la réussite de ce projet. La prise en charge est souvent intensive, initialement encadrée par un kinésithérapeute, puis un accompagnement régulier plus ou moins espacé peut être proposé par la suite. Seules les périodes de poussées inflammatoires justifient un arrêt transitoire ou une limitation relative à cette prise en charge. Pour autant, les postures articulaires sont à poursuivre de même que les techniques physiques antalgiques telles que l’utilisation de la cryothérapie localisée ou corps entier.
Le projet de rééducation doit être individualisé après un bilan clinique faisant état principalement :
– d’un examen des mobilités articulaires,
– de l’évaluation de la force des groupes musculaires surtout du tronc, des ceintures scapulaire et pelvienne, ainsi que de la racine des membres pelviens,
– de l’équilibre postural statique et de tests proprioceptifs dynamiques.

Projet de rééducation

En fonction des résultats de ce bilan initial ainsi que de l’évaluation de la douleur, le projet de rééducation intégrera les différentes composantes de rééducation au sein desquelles il pourra être décliné des techniques adaptées à la problématique individuelle du patient.

Récupération ou maintien des mobilités articulaires

Les postures ont un effet sur l’articulation. Elles sont fréquemment utilisées pour limiter les déformations articulaires ou rachidiennes. Elles sont maintenues plusieurs minutes tout en insistant sur un travail respiratoire mis en parallèle. Ce dernier permet d’optimiser l’ampliation thoracique. Les auto-postures sont enseignées par le thérapeute. Pour le rachis, la posture du sphinx est bien connue tout comme le fait de conseiller des positions prolongées en procubitus. Dans le même esprit, les techniques de McKenzie (5) (Fig. 1) sont un outil intéressant proposant d’alterner des séquences de postures en extension croissante (procubitus) et des séquences alternées en extension et en flexion (ortho-statisme), toujours dans un esprit de gain de mobilité et de recrutement des différents étages rachidiens en particulier lombaire et thoracique.


Les étirements ont un effet sur les structures musculo-tendineuses. Ils intègrent classiquement les étirements passifs sur les différents groupes musculaires. Ils sont maintenus généralement 30 secondes en insistant sur le travail d’expiration. Les étirements posturaux (Fig. 2) s’intéressent à la chaîne postérieure mais peuvent être également adaptés aux fléchisseurs de hanche. Ils sont prolongés de 2 à 10 minutes.


Pour la chaîne postérieure, le triceps ainsi que les ischio-jambiers sont sollicités. La technique de contracter-relâcher est utilisée par le kinésithérapeute au cas par cas, soit au niveau rachidien, soit au niveau d’une articulation proximale des membres, le plus souvent. Cette technique consiste à utiliser la phase d’inhibition musculaire suivant une contraction volontaire, pour l’étirement d’un muscle hypo-extensible. Les mobilisations manuelles passives et actives peuvent être associées dans le cadre de ce travail de récupération de mobilité que ce soit sur une articulation des membres ou sur le rachis.

Renforcement musculaire

Ce travail rééducatif impose la participation active du patient et repose sur le travail musculaire soit analytique, soit global. Les muscles du tronc et des ceintures sont à cibler. Les exercices en charge sont à privilégier sauf si des dégâts articulaires venaient limiter la tolérance de cette pratique. Ainsi, les auto-agrandissements, le travail de gainage abdominal, le renforcement des rotateurs latéraux d’épaule (pour limiter l’enroulement des épaules) et l’entretien des muscles fessiers sont certainement les principales cibles (Fig. 3). Des exercices dans l’axe et avec des appuis latéraux peuvent être fléchés.


Les exercices sollicitant dans le plan antérieur sont sûrement à délaisser au profit du renforcement du plan postérieur et des muscles de la ceinture pelvienne. Les sauts et les gestes de lancer font partie de la rééducation fonctionnelle. Ces séances de renforcement doivent être pratiquées au minimum deux ou trois fois par semaine sur une durée de 20 à 30 minutes précédées d’un échauffement. Les études intégrant ce travail de renforcement musculaire, souvent associé à des étirements et à une combinaison d’exercices physiques en aérobie, ont montré un bénéfice modéré mais probablement plus significatif sur les formes plus avancées de SpA (6).
L’électrostimulation peut être une aide, en particulier sur les muscles abdominaux et sur le quadriceps. Elle justifie une contraction musculaire volontaire synchrone de la part du patient et ce travail est ainsi véritablement actif sur les groupes musculaires concernés.

Techniques physiques à visée antalgique

La cryothérapie focale ou corps entier est à privilégier en période de poussée inflammatoire. Par contre, la chaleur par son effet myorelaxant est certainement plus utilisée au quotidien, en particulier après les séances de renforcement musculaire.
La physiothérapie, par les massages superficiels (effleurages, pincer-rouler) ou profonds (pétrissage) et par l’électrothérapie, peut être un complément intéressant. Les basses fréquences ou l’électrostimulation antalgique transcutanée (TENS) (7) sont à utiliser au cas par cas. Les ultrasons ou les ondes électromagnétiques n’ont pas démontré d’efficacité dans ce cadre de maladie inflammatoire.
La balnéothérapie, outre son action souvent antalgique, favorise la mise en confiance, facilite le travail actif et les étirements au moins initialement (7).

Travail proprioceptif

Le travail d’équilibre est primordial, intégrant des exercices sollicitant pour les muscles posturaux (sangle abdominale et muscles paravertébraux). Le travail d’appui, avec des exercices de plus en plus sollicitant, trouve sa place dans l’entretien musculaire en particulier des muscles stabilisateurs pelviens.

Appareillage

Il doit être discuté au cas par cas. Il peut être fléché sur une articulation périphérique ou éventuellement sur le tronc. Les colliers cervicaux au même titre que les ceintures de contention, voire les corsets rigides peuvent être prescrits pour optimiser ponctuellement le contrôle des douleurs lors des poussées inflammatoires. De même, ils gardent un rôle postural pour limiter les déformations. Ils ne peuvent à eux seuls limiter l’évolution et sont dans cet esprit un complément potentiel des techniques d’assouplissement et de renforcement musculaire.

Reconditionnement cardiopulmonaire par l’activité physique

Les recommandations générales concernant l’activité physique sont applicables chez les personnes atteintes de SpA. Les activités d’endurance sont à privilégier en complément d’un travail de musculation. La planification justifie de tenir compte des capacités physiques, des contre-indications et des préférences du patient. Outre les bénéfices sur la douleur, la fonction, la fatigue, le sommeil, l’humeur et la qualité de vie, il est important de signaler des effets bénéfiques sur la fonction ventilatoire et l’ampliation thoracique, ce que le rééducateur cherche à optimiser par des exercices spécifiques (ouverture costale, mobilités costo-vertébrale et sterno-costale, respiration abdomino-diaphragmatique, renforcement des muscles suspenseurs de la cage thoracique, intercostaux, abdominaux et paravertébraux) (8, 9).

Conclusion

La prise en charge rééducative de la Spa axiale est probablement sous-estimée. Elle doit être enseignée au patient et intégrée dans la construction du projet thérapeutique individualisé. Dans ce sens l’éducation thérapeutique est un des paramètres importants de réussite de cette prise en charge rééducative. Elle insistera particulièrement sur l’enseignement des postures, le travail d’étirement en particulier les étirements posturaux, le renforcement musculaire (exercices analytiques et globaux), le travail d’endurance sur des activités diversifiées, le travail d’équilibre ainsi que la gestion de ces programmes en fonction du contrôle de la maladie. 

 

Les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt en relation avec cet article.

Bibliographie

1. Zochling J, Van Der Heijde D, Burgos-Vargas R et al. ASAS / EULAR recommendations for the management of ankylosing spondylitis. Ann Rheum Dis 2006 ; 65 : 442-52.
2. Masiero S, Bonaldo L, Pigatto M et al. Rehabilitation treatment in patients with ankylosing spondylitis stabilized with tumor necrosis factor inhibitor therapy: a randomized controlled trial. J Rheumatol 2011 ; 38 : 1335-42.
3. Sharan D, Rajkumar JS. Physiotherapy for Ankylosing Spondylitis: Systematic Review and a Proposed Rehabilitation Protocol. Curr Rheumatol Rev 2017 ; 13 : 121-5.
4. Millner JR, Barron JS, Beinke KM et al. Exercise for ankylosing spondylitis: An evidence-based consensus statement. Semin Arthritis Rheum 2016 ; 45 : 411-27.
5. Rosu OM, Ancuta C. McKenzie training in patients with early stages of ankylosing spondylitis: results of a 24-week controlled study. Eur J Phys Rehabil Med 2015 ; 51 : 261-8.
6. Regnaux JP, Davergne T, Palazzo C et al. Exercise programmes for ankylosing spondylitis. Cochrane Database Syst Rev 2019; 10 : CD011321.
7. Gunay SM, Keser I, Bicer ZT. The effects of balance and postural stability exercises on spa based rehabilitation programme in patients with ankylosing spondylitis. J Back Musculoskelet Rehabil 2018 ; 31 : 337-46.
8. Verhoeven F, Guillot X, Prati C et al. Aerobic exercise for axial spondyloarthritis. Its effets on disease activity and function as compared to standard physiotherapy : a systematic review and meta-analysis. Int J Rheum Dis 2019 ; 22 : 234-41.
9. Saracoglu I, Kurt G, Okur EO et al. The effectiveness of specific exercise types on cardio-pulmonary functions in patients with ankylosing spondylitis : a systematic review. Rheumatol Int 2017 ; 37 : 409-21.