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EULAR 2018 – Polyarthrite rhumatoïde : physiopathologie et comorbidités

• Tendance à la normalisation de la mortalité des patients PR comparativement à la population générale par la stratégie thérapeutique intensive initiale.

• Une stratégie d’adaptation thérapeutique en utilisant l’IRM permet de mieux contrôler l’inflammation résiduelle visualisée par l’IRM mais sans bénéfice sur la dégradation structurale.

• L’hydroxychloroquine a des propriétés métaboliques favorables dans la PR.

• Le risque cardiovasculaire avec le tocilizumab apparaît comparable à celui des autres agents biologiques.

• Des spécificités moléculaires à l’échelon synovial sont présentes chez des sujets sans arthrite et qui développeront une PR.

1 Mortalité et polyarthrite récente : données de la cohorte COBRA suivie pendant 23 ans

Il existe une surmortalité dans la polyarthrite rhumatoïde (PR) comparativement à la population générale. Celle-ci est bien établie et associée à des causes essentiellement cardiovasculaires (CV). Les données de suivi de cohortes récentes indiquent que cette surmortalité a tendance à baisser, du fait du diagnostic plus précoce et de la prise en charge qui s’est modifiée ces 15 dernières années. Il n’est pas établi si les stratégies de traitement intensif selon le principe du treat to target (T2T) et du tight control ont un impact positif sur cette mortalité dans les PR récentes.
L’essai de stratégie COBRA (COmbinatie therapie Bij Rheumatoide Artritis) montrait qu’après 10 ans de suivi, cette mortalité diminuait dans le groupe combinaison thérapeutique (COMB) comparativement au bras sulfasalazine (SSZ) en monothérapie.
L’effet de cette stratégie sur la mortalité est ici présenté avec un recul de 23 ans. Les patients inclus dans l’essai COBRA étaient comparés à une population de référence hollandaise. Pour rappel, les patients avec une durée d’évolution < 4 mois inclus dans COBRA recevaient soit la SSZ en monothérapie soit une combinaison SSZ, méthotrexate, et une corticothérapie à dose dégressive. La population de référence était appariée sur l’âge et le sexe des patients de COBRA.
Le suivi sur 23 ans concernait 154 des 155 patients de COBRA. 44 patients (26 %) de cet essai étaient décédés : 20/75 (27 %) dans le groupe COMB et 24/79 (30 %) dans le groupe SSZ (SMR 0,80 IC95% : 0,59-1,06) sans différence significative entre ces deux groupes. Dans le groupe de sujets issus de la population générale, 36 % décédaient.
Commentaire : cette analyse sur une population de PR récente suivie longitudinalement donne des arguments pour une tendance à la normalisation de la mortalité comparativement à la population générale du fait d’une stratégie thérapeutique intensive initiale (Fig. 1). Ces résultats sont cependant limités par un effectif de patients qui reste faible.

• Poppelaars PBM, van Tuyl LHD, Boers M. Mortality of the cobra early rheumatoid arthritis trial cohort after 23 years follow up. Eular 2018 ; OP0015.

2 Une stratégie treat to target guidée par l’IRM chez des patients en rémission améliore l’inflammation, mais pas les atteintes érosives. Résultats de l’essai randomisé IMAGINE

L’IRM permet de visualiser des signes inflammatoires (œdème osseux, ostéite, synovite) et les modifications structurales (érosions). Les signes d’inflammation en IRM sont des facteurs prédictifs de progression radiographique dans la PR. La stratégie T2T améliore globalement le pronostic de la PR. Qu’en est-il d’une stratégie T2T guidée par l’IRM ?
L’essai IMAGINE (Clinicaltrials.gov NCT01656278) est un essai randomisé qui a évalué l’impact d’une stratégie de rémission guidée par l’IRM avec comme objectif la rémission IRM définie par l’absence d’œdème osseux. Cette stratégie permet-elle d’obtenir une négativation des signes inflammatoires en IRM et au final de préserver les articulations sur le plan structural ?
Il s’agit d’un essai sur 2 ans, randomisé en ouvert. 200 patients en rémission (selon le critère DAS28-CRP < 3,2 et sans articulation gonflée) recevaient des csDMARDs et étaient randomisés en un groupe T2T guidée par l’IRM qui prévoyait la rémission selon le DAS28-CRP et l’absence d’œdème osseux en IRM ou dans le groupe T2T selon le DAS28-CRP et sans articulation gonflée, sans prise en compte du paramètre imagerie. Les patients étaient suivis tous les 4 mois pendant 2 ans et étaient explorés par IRM des mains et poignets à l’inclusion, 12 et 24 mois et de façon plus rapprochée dans le bras T2T IRM (tous les 4 mois). Si la rémission n’était pas maintenue, les investigateurs avaient la possibilité d’intensifier leur traitement selon un algorithme prédéfini. Les résultats montrent une réduction significative à 2 ans de tous les paramètres inflammatoires (ostéite, ténosynovite et score d’inflammation total) dans le bras T2T IRM comparativement au bras conventionnel (p < 0,018) (hormis pour les synovites). En revanche, le score de progression structurale (selon le score de Sharp modifié) à 2 ans était identique entre les 2 bras de la stratégie (Tab. 1).


Commentaire : ces résultats indiquent qu’une stratégie d’adaptation thérapeutique en utilisant l’IRM permet de mieux contrôler l’inflammation résiduelle visualisée par l’IRM, mais n’apporte pas de bénéfice sur la dégradation structurale. Cette stratégie apporterait du bénéfice si l’on prend en compte le fait que l’inflammation est prédictive d’une dégradation structurale, mais les résultats négatifs sur ce point de l’étude IMAGINE indiquent peut-être qu’il faut prendre plus de recul pour le démontrer.

• Møller-Bisgaard S, Hørslev-Pedersen K, Ejbjerg B et al. The value of adding mri to a clinical treat-to-target strategy in rheumatoid arthritis patients in clinical remission: clinical and radiographic outcomes from the imagine-ra randomised controlled trial. Eular 2018 ; OP0018.

3 Hydroxychloroquine : un effet favorable sur la mortalité globale et la mortalité d’origine cardiovasculaire, selon une analyse du registre danois

La PR est associée à une morbidité et mortalité d’origine cardiovasculaire (CV). Certaines données suggèrent un effet favorable de l’hydroxychloroquine (HCQ) sur le plan métabolique, en diminuant le risque de diabète de type II et les paramètres lipidiques. L’analyse effectuée ici a porté sur le registre danois des PR en examinant si l‘HCQ a un effet sur l’incidence des maladies CV, du diabète de type II et la mortalité globale et celle d’origine CV. Les patients sous HCQ ont été comparés à ceux sans HCQ avec une stratification selon la présence de facteurs rhumatoïdes et un appariement selon le score de propension en prenant en compte les variables et comorbidités influant sur le risque CV. Les deux groupes, HCQ versus non HCQ comportaient chacun 3 742 patients. La mortalité globale et la mortalité CV étaient réduites dans le groupe HCQ avec un hazard ratio de 0,83 (IC95% : 0,71- 0,97) et 0,78 (0,61-0,99) respectivement. Mais il n’y avait pas de diminution de l’incidence de nouveaux cas de diabète et d’événements CV ischémiques (Fig. 2).


Commentaire : ces données issues de la vraie vie et portant sur une large population de PR indiquent un effet favorable pour un traitement un peu délaissé dans la PR en dehors de son utilisation en tant que combinaison de traitements synthétiques. L’HCQ a cependant des propriétés métaboliques favorables dans la PR comme cela est également constaté dans d’autres maladies auto-immunes (lupus). Un essai d’intervention randomisé serait cependant nécessaire pour démontrer ce bénéfice CV et son impact global sur la mortalité.

• Soeltoft K, Hallas J, Wasko MCM et al. All-cause mortality and cardiovascular death in hydroxychloroquine users in rheumatoid arthritis patients – a population based danish cohort study. Eular 2018 ; OP0191.

4 Événements cardiovasculaires sous tocilizumab dans la PR : résultats d’une analyse de vraie vie

L’effet du tocilizumab (TCZ) sur le risque CV est discuté en tenant compte des variations des paramètres lipidiques entraînées par cet agent. Les analyses poolées des essais cliniques n’indiquent cependant pas de surrisque d’événements CV avec ce traitement. L’analyse réalisée dans cette étude a comparé le risque CV sous TCZ à celui des autres agents biologiques. L’analyse a été réalisée à partir des bases de données nord-américaines Medicare et MarketScan sur les patients avec une PR ayant débuté un agent biologique après 2010 avec une prise du traitement sur au moins un an. Le critère évalué (composite) prenait en compte le risque d’infarctus du myocarde, d’accident vasculaire cérébral et d’événement CV fatal. L’analyse multivariée prenait en compte par stratification les facteurs de risque CV.
La base de données comportait 354 486 patients PR (Medicare 206 275 + MarketScan 148 211) et 463 446 (Medicare 271 832 + MarketScan 191 614) patients pour lesquels était initié un agent biologique (bDMARD). La cohorte finale comprenait 88 463 PR. Comparativement aux patients sous anti TNFα, les patients traités par TCZ avaient plus fréquemment certains facteurs de risque (antécédent CV, insuffisance cardiaque, trouble du rythme), mais étaient moins souvent diabétiques.
Il n’y avait pas de différence dans le risque d’événements CV entre le groupe TCZ et le groupe autre agent biologique (Fig. 3).

Comparativement au TCZ, les hazard ratio de risque CV étaient de 1,03 (0,83-1,82) pour l’abatacept, 1,25 (0,96-1,61) pour le rituximab, 1,13 (0,84-1,52) pour l’étanercept, 1,33 (0,99-1,80) pour l’adalimumab et 1,57 (1,21-2,05) pour l’infliximab.
Commentaire : le risque CV avec le tocilizumab apparaît donc comparable aux autres agents biologiques selon cette analyse à partir d’une large base de données de patients traités en vie réelle aux États-Unis. Ces résultats ont tendance à confirmer ceux de l’essai d’intervention ENTRACTE (comparaison des événements CV majeurs sous TCZ et étanercept ; ClinicalTrials.gov NCT01331837).

• Xie F, Yun H, Levitan E et al. Tocilizumab and the risk for cardiovascular disease events among rheumatoid arthritis patients: a direct comparison in real world setting. Eular 2018 ; OP0193.

5 Profil d’expression synovial chez les sujets à risque de développer une polyarthrite

Les sujets à risque de développer une PR (ou « pré-PR ») ont des caractéristiques cliniques (arthralgies sans synovite) et immunologiques (ACPA positifs). Les mécanismes conduisant à la PR sont encore en grande partie inconnus. L’identification des modifications cellulaires ou moléculaires synoviales permettrait de mieux comprendre les mécanismes sous-jacents. Des travaux antérieurs ont montré une infiltration synoviale avec des lymphocytes T chez ces sujets pré-PR. L’étude effectuée ici consistait en une analyse du profil d’expression moléculaire au niveau de la biopsie synoviale chez des sujets répondant aux critères de pré-PR.
67 sujets avec facteurs rhumatoïdes et/ou ACPA positifs et sans arthrite ont fait l’objet d’une biopsie synoviale au genou sous (mini)-arthroscopie (geste qui présente cependant un caractère invasif). L’analyse portait sur le profil transcriptionnel (réalisé chez 13 sujets) avec identification des transcrits associés au développement ultérieur d’une (poly)arthrite. Des analyses complémentaires étaient également effectuées pour identifier des gènes candidats. 6/13 sujets développaient une PR après un délai médian de 20 mois. 3 151 transcrits étaient associés à un risque élevé de développer une PR alors que 2 437 à un faible risque. Les gènes associés au développement d’une PR concernaient ceux codant pour des protéines impliquées dans le contrôle de la réponse immunitaire B ou T, de cytokines et chémokines et la présentation de l’antigène. Inversement, il existait une faible expression des gènes impliqués dans les interactions de la matrice extracellulaire, la voie Wnt, le métabolisme lipidique. Les analyses complémentaires identifiaient une expression abondante de CXCL12 et CXCR4 chez les sujets qui développait une PR (Fig. 4).


Commentaire : des spécificités moléculaires à l’échelon synovial sont présentes chez des sujets sans arthrite et qui développeront une PR avec des modifications sur les gènes contrôlant le fonctionnement du système immunitaire et le métabolisme lipidique.

• Van Baarsen LG, de Hair MJ, Semmelink JF et al. Synovial tissue profiling in autoantibody positive at risk individuals reveals gene signatures associated with later development of rheumatoid arthritis. Eular 2018 ; OP0266.

L’auteur ne déclare pas de conflits d’intérêts avec la rédaction de cet article.