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POST-ACR 2025 replay
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Santé mentale et rhumatismes inflammatoires chroniques – La dimension psychique du patient souvent sous-estimée

Bien que la prise en charge des rhumatismes inflammatoires chroniques (RIC) ait considérablement évolué sur le plan thérapeutique, la dimension psychique du patient reste souvent sous-estimée dans le parcours de soin. Pourtant, les données sont sans appel : l’anxiété et la dépression sont deux fois plus fréquentes chez les patients atteints de RIC que dans la population générale (1), avec une incidence tangible sur l’adhésion aux traitements, la douleur perçue, la qualité de vie, et même l’évolution clinique (2, 3).

Cette souffrance psychique n’est pas uniquement réactionnelle : elle est en partie biologiquement médiée. La neuro-inflammation, aujourd’hui bien décrite, induit des altérations neurochimiques (baisse de la sérotonine notamment) qui favorisent l’émergence de troubles de l’humeur indépendamment du retentissement fonctionnel de la maladie (4).

En tant que rhumatologues, nous sommes donc en première ligne pour repérer ces signaux faibles. Il ne s’agit pas de devenir thérapeutes, mais d’intégrer la santé mentale à notre raisonnement clinique, de mieux orienter nos patients, de travailler en réseau, et de renforcer une relation soignant-soigné qui, au-delà de l’acte technique, reste profondément humaine.

Qu’est-ce que la santé mentale ?

Selon l’OMS, la santé mentale est un « état de bien-être qui permet à chacun de réaliser son potentiel, de faire face aux difficultés normales de la vie, de travailler avec succès et de manière productive, et d’être en mesure d’apporter une contribution à la communauté » (www.who.int/fr). Il s’agit selon ce point de vue d’un équilibre entre identité, potentiel, et sentiment d’appartenance utile à un univers social. Chaque individu serait un funambule qui recherche, dans un quotidien souvent mouvementé, un point d’ancrage lui permettant de maintenir une stabilité dans sa vie, pour préserver son équilibre psychique et souvent physique, car les deux sont liés.

La santé mentale est élastique puisque l’état d’équilibre est subjectif et évolutif. Elle peut se travailler, qu’il existe chez une personne des troubles mentaux ou pas. Il est nécessaire d’identifier l’état psychique du patient, pour comprendre sa réalité et sa manière de l’appréhender.

 

Lien entre RIC et santé mentale : les chiffres clés

Les liens entre santé mentale et RIC sont aujourd’hui bien établis, tant sur le plan épidémiologique que physiopathologique.

Épidémiologie

Plusieurs études ont mis en évidence que les personnes atteintes de maladies rhumatismales et musculosquelettiques présentent des taux significativement plus élevés de troubles anxieux et dépressifs que la population générale. Selon la Ligue européenne contre le rhumatisme (Eular), ces troubles sont deux fois plus fréquents chez les patients souffrant de RIC. Ils peuvent survenir dès l’annonce du diagnostic, se majorer lors des poussées inflammatoires, et persister indépendamment de l’activité de la maladie.

Une enquête menée par l’Association française des polyarthritiques et des RIC (AFPric) en 2023, auprès de 1 754 patients, confirme l’ampleur du phénomène (www.polyarthrite.org/wp-content/uploads/2023/12/Infographie-sante-mentale.pdf) :

• 80 % des personnes interrogées estiment que leur santé mentale a été affectée par leur pathologie ;

• leur score moyen de bien-être mental est passé de 8,1/10 avant la maladie à 5,4/10 après ;

• 38 % déclarent avoir reçu un diagnostic médical de dépression ;

• 91 % attribuent leur état psychique, au moins en partie, au RIC.

Présentation clinique

Les symptômes sont variés et souvent sous-estimés : fatigue persistante, troubles du sommeil, baisse de motivation, troubles de la concentration, diminution de la vie sociale, voire isolement. L’enquête révèle également que 29 % des patients présentent au moins cinq symptômes compatibles avec un épisode dépressif caractérisé, avec une durée moyenne de plus de 3 mois chez deux tiers d’entre eux. Cette souffrance psychique a des conséquences directes sur l’évolution de la maladie :

• 47 % des patients déclarent avoir présenté des poussées inflammatoires déclenchées par un stress émotionnel intense ;

• 62 % ont cessé certaines activités de loisirs ;

• 31 % ont rompu des liens sociaux.

 

Neuro-inflammation : une clé explicative biologique

L’inflammation chronique au cœur des RIC ne se limite pas aux structures ostéo-articulaires : elle affecte également le système nerveux central (SNC), en favorisant des modifications neurobiologiques contribuant à l’émergence de symptômes dépressifs et anxieux. Ce phénomène, connu sous le nom de neuro-inflammation, implique une activation anormale des cellules gliales (microglies, astrocytes) par des signaux inflammatoires circulants.

Rôle de l’IL-6 et de TNF-α

Deux cytokines majeures, l’IL-6 et le TNF-α, sont directement impliquées dans ce processus (4). Leur rôle ne se limite pas à la médiation de l’inflammation périphérique : elles franchissent la barrière hémato-encéphalique, altérée dans un contexte inflammatoire, et induisent une réponse locale dans les structures cérébrales régulant l’humeur, notamment le cortex préfrontal et l’hippocampe. Il a été démontré que l’IL-6 peut induire des troubles de la neurotransmission sérotoninergique en modifiant l’expression du transporteur SERT via la voie STAT3, et que son inhibition restaure des comportements normaux chez l’animal.

Altération du métabolisme du L-tryptophane

Sur le plan biochimique, l’un des mécanismes majeurs en cause est l’altération du métabolisme du L-tryptophane, acide aminé essentiel à la synthèse de la sérotonine. Sous l’effet des cytokines proinflammatoires, notamment l’IL-1β, l’IFN-γ et l’IL-6, la voie de la kynurénine est favorisée au détriment de celle de la sérotonine. Cela aboutit à une diminution des taux sérotoninergiques cérébraux, altérant la régulation de l’humeur et favorisant l’émergence de symptômes dépressifs indépendants du vécu psychologique. De plus, certains métabolites de la kynurénine comme la quinoléine ont eux-mêmes des effets neurotoxiques reconnus.

Rôle de la voie de signalisation JAK-STAT

Au cœur de cette cascade, la voie de signalisation JAK-STAT apparaît comme un pivot intégrateur des signaux inflammatoires et neuropsychiatriques. Activée par IL-6, TNF-α ou l’IFN-γ, elle régule l’expression de gènes pro-inflammatoires dans les cellules cérébrales. Le couple JAK2-STAT3 est particulièrement actif dans les astrocytes et microglies, et contribue au maintien d’un environnement neuro-inflammatoire de bas grade. Cette activation prolongée est désormais reconnue comme l’un des moteurs biologiques des troubles dépressifs liés au stress chronique et à l’inflammation systémique (5).

Des travaux récents ont même mis en évidence que cette voie intervient dans les réponses aux antidépresseurs : certaines molécules (fluoxétine, paroxétine) exercent une partie de leurs effets via la modulation de JAK-STAT3, en réduisant les cytokines pro-inflammatoires et en restaurant l’homéostasie neuronale. En contexte rhumatologique, cela ouvre une perspective fascinante : les inhibiteurs de JAK (JAKi), prescrits pour leur efficacité anti-inflammatoire articulaire, pourraient également exercer un effet neuroprotecteur et antidépresseur indirect, via la réduction de la signalisation IL-6/JAK/STAT dans le cerveau.

La neuro-inflammation constitue donc une passerelle biologique entre inflammation périphérique et symptômes psychiques. Ces données confortent l’idée que la souffrance mentale dans les RIC n’est pas uniquement réactionnelle, mais structurellement inscrite dans les mécanismes pathogéniques de la maladie.

 

Quand l’équilibre de la santé mentale se rompt…

L’apparition de symptômes physiques d’une maladie, l’annonce d’un diagnostic, l’aggravation de la maladie, une phase de recherche de traitements, tous ces éléments sont vécus comme des traumatismes pour le patient auxquels le psychisme doit s’adapter. En effet, nous ne sommes plus dans le spectre des difficultés considérées comme normales de la vie. Il faut à cet instant gérer une source de ce qui peut devenir un mal-être profond. Un patient peut perdre, selon les ressources développées lors de la construction de son chemin de vie, partiellement, et même éventuellement tous les éléments qui l’aidaient à maintenir son état de santé mentale. Il ne s’investit plus dans ses passions, ses liens sociaux, son travail, ses activités sportives ou de loisirs.

Restaurer l’équilibre

Il est alors nécessaire pour le soignant d’être vigilant afin d’accompagner son patient ou de l’orienter vers un spécialiste après une discussion approfondie en toute confiance, voire un second avis ou même un pré-diagnostic.

L’idée sera alors de restaurer le patient dans cet équilibre, différent de celui connu avant, car celui-ci aura traversé des états psychiques ayant affecté toute son identité. La santé mentale retrouvée reposera sur les mêmes fondements, mais adaptés aux nouvelles conditions de vie du patient.

La manière dont le patient encaisse ce choc dépend de sa construction psychique, de son histoire, et de ses ressources internes. C’est dans cette zone de fragilité que s’activent les premiers mécanismes de défense psychologiques, souvent inconscients, qui peuvent être un levier de protection ou un facteur d’évitement.

 

Les mécanismes de défense psychologiques

Chaque être surmonte les épreuves que la vie lui impose d’une manière qui lui est propre, suivant son parcours et son élaboration psychique. Le médecin aura donc face à lui différentes réactions, et peut être désarçonné face aux divergences de résultats obtenus d’un patient à un autre. À même traitement, la finalité ne concordera pas nécessairement avec l’analyse clinique du malade et son vécu de la maladie. En effet, le psychisme joue un rôle important dans la gestion du traumatisme vécu à travers celle-ci.

Le refoulement émotionnel

Le refoulement émotionnel est le premier élément que le patient va mettre en place pour pouvoir gérer le choc de l’annonce de sa maladie. Ce dernier ne va pas comprendre tout de suite ce dont il souffre et ce que cela va engendrer pour lui. Il lui faudra du temps pour appréhender les aspects de son nouveau quotidien et les traitements mis en place avec leurs conséquences.

Il existe alors un risque de déni, avec toutes les exigences et même parfois l’agressivité et le renoncement qui en découlent. Voir le regard de l’autre changer sur soi n’est pas évident à assumer, et la pudeur est aussi à prendre en compte. C’est une situation de détresse face à l’injustice ou l’incompréhension de la maladie. L’acceptation de sa pathologie n’est pas une phase évidente. Le deuil de sa vie d’avant peut être un obstacle important du fait du changement qui s’opère dans le corps, dans le quotidien, ainsi que dans la place sociale. Il est également difficile d’avoir l’impression d’être un poids pour son entourage et de leur en parler.

Le syndrome psychosomatique

Il arrive que, malgré le succès d’un traitement adapté et un état médical stabilisé du patient, le vécu de ce dernier soit tout autre. Les douleurs sont persistantes, l’état de fatigue est intense et visible, mais ce n’est pas expliqué à l’auscultation qui est très positive. C’est alors qu’il faut être à l’écoute des perceptions du malade, de ce qu’il traverse dans sa vie personnelle et de ses ressentis. Si toute hypothèse médicale est travaillée en profondeur, avec éventuellement un second avis pour s’assurer du bon état physique du patient, l’hypothèse d’un syndrome psychosomatique est à envisager et à prendre au sérieux. Il ne s’agit pas là d’une défaillance mentale du patient, mais d’un symptôme psychique à travailler pour alléger son vécu de la maladie. L’orientation vers un spécialiste de la prise en charge de ce syndrome est alors nécessaire, pour compléter l’équipe de soin entourant le patient, qui montre bien à travers ce mécanisme, qu’il ne comprend pas lui-même, le fait qu’il soit démuni dans la gestion de sa maladie.

 

Les conséquences sur la relation du médecin avec son patient

Le rôle du médecin est alors très complexe, car il doit compléter son expertise médicale par un rôle plus étendu afin de répondre aux symptômes du patient. Il n’est toutefois pas évident ni pertinent pour le soignant de répondre à toutes les questions, car certaines attendent des réponses à des sources d’angoisses dues à une anticipation du patient sur ses craintes d’un futur qu’il n’arrive pas à projeter. Cela n’est toutefois pas anodin et peut déjà alarmer sur son état psychique. Voilà pourquoi un soutien paramédical de spécialistes formés au bien-être mental peut lui être d’une grande aide.

Les problématiques du patient

En effet, aux yeux du patient, le médecin est à la fois celui qui va lui apporter les réponses, et celui qui ne comprend pas les enjeux de sa vie privée, physique, psychique. Il y a là un clivage qui ne peut être solvé que par la liaison de ces deux hémisphères avec de la communication. Pour le patient, établir une liste de ses questionnements sur ses incertitudes ou ses symptômes peut être un bon départ pour entamer un dialogue efficace. Il deviendra alors plus simple pour lui de s’exprimer auprès du soignant qui gère au plus près sa pathologie. Laisser des problématiques en suspend est néfaste lorsqu’il a besoin de réponse afin d’avoir une vision plus claire de ce qui l’attend. Il ne faut pas qu’il ait peur là non plus d’exprimer ses difficultés, cela permet au contraire au soignant de pouvoir plus efficacement évaluer l’état psychique de son patient et de l’orienter au mieux.

Les attentes médicales du soignant

Le soignant a des attentes médicales précises dans le suivi d’une maladie, notamment chronique, mais il est souvent pertinent pour ajuster son observation de bien vérifier que le patient le suive dans sa démarche. Par exemple, un changement de traitement peut être perturbant. Il serait bon de s’assurer de la compréhension du patient, d’écouter ses craintes sur les effets secondaires qui peuvent être lourds, afin que ce changement de méthode ou de procédure soit accepté. Il y a ici un enjeu de fonctionnement plus efficace du traitement qui sera mieux suivi, avec un état psychologique plus confiant.

Il serait opportun de sensibiliser le corps médical à des formations qui permettraient de mieux remarquer les signes de mal-être des patients. Ces signes peuvent prendre plusieurs formes, comme le mutisme, les questions incohérentes ou d’anticipation, voire des signes de détresse psychologique plus évidents. Écouter son patient, s’entourer d’une équipe avec qui faire le point sur son cas est un gain de temps lors d’une consultation, car il est probable que cela aide à mieux évaluer les effets des traitements et la gestion de la douleur. Être conscient de ce qui se joue dans la réalité du patient est une vraie valeur ajoutée dans l’observation de l’évolution de la maladie.

 

Et l’entourage dans tout ça…

Afin de répondre à la détresse du patient et de l’aider à la gérer au mieux dans sa vie quotidienne et familiale, il est possible de mettre en place un suivi qui peut prendre plusieurs formes selon ses besoins. Pour cela, il faut les identifier en consultation et prendre en compte le mode de vie du patient, surtout dans le cas d’un isolement qui a un effet désastreux sur le suivi des traitements et sur la santé mentale de celui-ci, et peut être la source d’un renoncement total face à la maladie.

Les groupes de parole et la place des aidants

Les groupes de parole entre patients, mais aussi entre aidants, trop souvent négligés et dont la voix a aussi besoin de se faire entendre par le corps médical, peuvent être mis en place. Les rencontres entre patients, entre aidants, le partage entre ces sphères permet à tous de se sentir soutenus et moins seuls dans ce combat. Chacun doit trouver sa place et être entendu, car l’aidant souffre aussi. Il joue un rôle crucial dans la gestion de la maladie, dans les soins, le soutien émotionnel et le relais avec les proches. Cela lui demande beaucoup d’investissement et d’énergie, qui peuvent l’affecter physiquement et psychologiquement. Il est important pour le patient d’accepter que son entourage n’ait pas toutes les clés en main pour comprendre seul les mécanismes physiques ou psychologiques qu’il traverse, et qu’il ne doit pas pour autant s’en détacher, ou même le rejeter, en pensant être perçu comme un fardeau. Avec l’aide d’un spécialiste, la parole se libère, chacun peut s’entendre dans ses difficultés, l’aidant composant autant que le patient avec la maladie.

La thérapie de couple

Une thérapie de couple pour les patients concernés peut également être proposée. Cela permet à chacun de redéfinir son rôle au sein du couple et de rompre les non-dits. C’est un pas essentiel pour que le conjoint du patient puisse comprendre ce à quoi celui-ci fait face, poser des questions, entendre son mal-être tout en étant soutenu par un tiers, puis exprimer aussi ses interrogations, ses doutes et ses peurs. La notion de sexologie est trop souvent négligée dans un couple au milieu duquel s’immisce la pathologie. Il est important de travailler cet aspect de la vie afin que les difficultés à s’approcher se dissipent, que les limites et les nouvelles ouvertures dans ce domaine soient comprises. Trop souvent, une séparation intervient, car personne ne se retrouve, que ce soit psychologiquement ou physiquement, autour de la maladie et de la douleur engendrée. La psychologie et la sexologie sont des univers vers lesquels aiguiller les concubins pour recréer un équilibre et une cohésion qui est cruciale dans l’état mental du patient et la santé du couple.

Le lien patient-soignant

C’est pourquoi le lien patient-soignant doit être l’amorce d’une prise en main plus large par l’intermédiaire des consultations. Il est également nécessaire pour le corps médical et paramédical de travailler de concert pour assurer un suivi de qualité pour les patients et leur entourage. Il est encourageant pour un patient de prendre contact avec des spécialistes paramédicaux engagés dans leur mission et parfois conseillés par le médecin référent qui peut aussi s’appuyer sur leur expertise.

Pour accompagner cette dynamique de reconstruction, encore faut-il savoir vers quels professionnels orienter les patients, selon leurs besoins spécifiques et leur degré de souffrance. Les métiers de la santé mentale sont nombreux, souvent mal différenciés dans l’esprit des patients. D’où l’intérêt de clarifier leurs rôles respectifs.

 

Les intervenants en santé mentale (Tab. 1)

Il peut être difficile pour les patients, comme pour certains soignants, de s’y retrouver parmi les nombreux “psys”. Or tous n’exercent pas le même métier et leurs champs d’action, bien que parfois complémentaires, sont différents. Une orientation judicieuse repose donc sur une bonne compréhension de leurs rôles, de leurs formations, et de ce que l’on peut attendre de chacun.

Tableau 1 – Tableau récapitulatif des intervenants en santé mentale.

Le psychiatre

Le psychiatre est un médecin, spécialiste des troubles psychiques. Il est habilité à poser un diagnostic sur une pathologie, à prescrire des traitements médicamenteux (antidépresseurs, anxiolytiques, neuroleptiques, etc.) et à assurer un suivi médical. Il intervient particulièrement lorsque la souffrance mentale est sévère ou invalidante. Cependant, son action est généralement couplée à une psychothérapie, car les traitements médicamenteux, s’ils soulagent les symptômes, n’agissent pas sur les causes profondes du mal-être.

Le psychologue

Le psychologue a suivi 5 années d’études universitaires en psychologie. Il n’est pas médecin, mais il possède une approche globale du fonctionnement psychique. Il peut réaliser des bilans, poser un diagnostic psychologique, et accompagner le patient par la parole. Il ne prescrit pas de médicaments. Certains psychologues se forment à des approches spécifiques comme les TCC (thérapies cognitivo-comportementales), l’EMDR (désensibilisation par mouvements oculaires), l’hypnothérapie, ou encore l’art-thérapie, selon les besoins.

Le psychothérapeute

Le psychothérapeute est un titre protégé. Il peut être médecin, psychologue ou psychanalyste, mais doit obligatoirement être inscrit au registre national des psychothérapeutes (décret n° 2010-534). Il propose une prise en charge structurée, fondée sur un cadre théorique reconnu. Toute personne portant ce titre est enregistrée auprès de l’Agence régionale de santé (ARS) dans le répertoire Adeli, bientôt remplacé par le RPPS, garantissant ainsi la traçabilité de sa formation.

Le psychanalyste

Le psychanalyste ne relève d’aucune réglementation officielle. Il s’est généralement lui-même engagé dans une psychanalyse approfondie, et son approche repose sur l’exploration de l’inconscient, souvent selon les courants de Freud ou de Lacan. Sa pratique est fondée sur l’écoute, parfois silencieuse, du discours du patient. Il est sollicité dans les troubles complexes ou durables, où la parole libre permet de reconstruire du sens.

Le psychopraticien

Le psychopraticien n’est pas un titre reconnu par l’État. Il s’agit d’un professionnel formé à une ou plusieurs méthodes psychothérapeutiques (ex. : Gestalt-thérapie, analyse transactionnelle, PNL, hypnose ericksonienne, approches psychocorporelles). Son exercice n’est encadré par aucun ordre professionnel, ce qui appelle à une certaine vigilance de la part du patient.

Les différents types de thérapies

Ces intervenants peuvent proposer différents types de thérapies. On distingue généralement :

• les thérapies au long cours, centrées sur la parole du patient, comme la psychothérapie psychanalytique, qui s’adressent à des problématiques profondes, anciennes ou diffuses ;

• les thérapies brèves, comme les TCC, l’EMDR, l’hypnose, qui ciblent un symptôme précis ou un événement récent et sont en général limitées à une dizaine de séances.

Les groupes de parole représentent une autre modalité d’accompagnement. Animés par des psychologues ou psychothérapeutes, ils rassemblent plusieurs patients autour d’un thème partagé (la douleur, la fatigue, le vécu du diagnostic…). Ce cadre collectif favorise l’expression, la reconnaissance de l’expérience de l’autre, et la reconstruction de liens sociaux.

Bien connaître les différents professionnels de la santé mentale permet de mieux orienter les patients selon leurs besoins, leurs préférences et la nature de leur souffrance. Mais au-delà de l’orientation vers un spécialiste, de nombreuses actions concrètes peuvent être encouragées dès la consultation de rhumatologie. Qu’elles relèvent de l’éducation, du soutien relationnel ou de l’hygiène de vie, ces mesures ont un effet réel sur le bien-être psychique. Le rôle du médecin est alors de soutenir, valoriser et parfois initier ces démarches, en fonction des ressources et des possibilités du patient.

 

Prendre soin de sa santé mentale : recommandations pratiques

Dans le cadre des RIC, la santé mentale ne peut plus être considérée comme une dimension secondaire. Son retentissement sur l’adhésion thérapeutique, la perception de la douleur, l’énergie disponible et la capacité d’adaptation est désormais bien documenté. Il existe heureusement des leviers concrets, validés scientifiquement, pour favoriser un mieux-être psychique.

Encourager
la verbalisation des émotions

Le simple fait de mettre des mots sur la souffrance, la peur de la progression de la maladie ou la culpabilité vis-à-vis de l’entourage, a un effet apaisant documenté. En consultation, accorder quelques minutes à l’écoute non médicale du patient peut favoriser cette mise en mots. Hors du cabinet, les groupes de parole animés par des psychologues ou des associations de patients offrent un espace sécurisé d’échange.

Maintenir, ou restaurer, le lien social

L’isolement est un facteur aggravant des troubles de l’humeur. Encourager la préservation de liens familiaux, amicaux ou associatifs est essentiel. Il peut s’agir d’activités de loisirs adaptées, de participation à des ateliers collectifs, ou d’engagement dans des associations de patients.

Favoriser l’activité physique adaptée

L’exercice physique, même modéré, agit sur le moral par la libération d’endorphines, mais aussi via une amélioration de la perception corporelle. Des activités régulières, comme la marche douce, l’aquagym, le yoga, ou les programmes d’activité physique adaptée (APA) encadrés, sont recommandées, en lien avec le kinésithérapeute ou le médecin du sport. Les plateformes sport-santé ou maisons sport-santé

peuvent aiguiller les patients vers des APA locales.

Promouvoir une hygiène de vie bénéfique au psychisme

• Sommeil : le repérage des troubles du sommeil et leur prise en charge (éducation, relaxation, thérapies cognitivo-comportementales) sont prioritaires.

• Alimentation : un régime de type méditerranéen (riche en oméga-3, fibres, antioxydants) a montré des effets bénéfiques sur l’humeur et l’inflammation systémique.

• Addictions : tabac, alcool ou surconsommation d’anxiolytiques doivent être abordés sans jugement, avec l’aide de thérapeutes adaptés.

Apprendre à réguler le stress

Plusieurs techniques validées peuvent être proposées selon la sensibilité du patient :

• cohérence cardiaque : respiration rythmée (3 x/jour) ;

 relaxation musculaire progressive : pour décharger les tensions physiques ;

• méditation de pleine conscience (mindfulness) : pour observer ses pensées sans jugement ;

• thérapies cognitivo-comportementales (TCC) : efficaces sur l’anxiété et les pensées négatives associées à la maladie.

Identifier le moment où un soutien spécialisé devient nécessaire

Il est important de repérer les signes d’alerte justifiant une orientation vers un professionnel de santé mentale : repli social marqué, idées noires, troubles prolongés du sommeil ou de l’appétit, discours de désespoir ou de mésestime de soi, addictions qui apparaissent.

Les professionnels à mobiliser doivent être choisis en fonction de la sévérité du mal-être, de la nature du trouble et de la motivation du patient (Tab. 1).

Associer l’entourage à la démarche de soins

Lorsque cela est possible, inclure le conjoint ou la famille dans le suivi permet de restaurer un climat de compréhension mutuelle. Les thérapies de couple ou familiales peuvent être proposées en cas de tensions majeures ou de rupture du dialogue.

Bibliographie

1. Marrie RA, Hitchon CA, Walld R et al. Increased burden of psychiatric disorders in rheumatoid arthritis. arthritis. Care Res 2018 ; 70 : 970-8.

2. Fiest KM, Hitchon CA, Bernstein CN et al. Systematic review and meta-analysis of interventions for depression and anxiety in persons with rheumatoid arthritis. J Clin Rheumatol 2017 ; 23 : 425-34.

3. Abdel-Ahad P, El Chammai M, Fneich A et al. [Psychiatric aspects of rheumatoid arthritis: Review of literature]. Encephale 2016 ; 42 : 172-6.

4. Liu Q, Nie B, Cui X et al. Inflammatory Factors: a key contributor to stress-induced major depressive disorder. Cells 2025 ; 14 : 629.

5. Sarapultsev A, Gusev E, Komelkova M et al. JAK-STAT signaling in inflammation and stress-related diseases: implications for therapeutic interventions. Mol Biomed 2023 ; 4 : 40.

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêt en rapport avec cet article.