Dans cette session dédiée à la santé de la femme, trois grands axes ont été développés : la contraception, la fertilité et la grossesse chez les femmes atteintes de rhumatismes inflammatoires chroniques (RIC).
Contraception et RIC
Pourquoi s’y intéresser ?
Il s’agit d’un sujet souvent négligé, voire tabou, en consultation de rhumatologie, peut-être par peur de poser la question de la part des patientes ou parce que le rhumatologue ne se sent pas forcément concerné. Nous nous y intéressons principalement en cas de prise de méthotrexate, c’est pourtant essentiel, quel que soit le traitement observé.
En effet, l’objectif de la contraception est d’éviter les grossesses non planifiées, qui sont associées à une augmentation des événements indésirables tant pour la mère (hospitalisations pendant la grossesse, arrêts de travail inopinés, syndrome dépressif prénatal ou post-natal) que pour le fœtus (prématurité, petit poids à la naissance). Ces risques médicaux sont encore plus accrus chez les patientes atteintes de RIC.
Le fait d’aborder la question de la contraception n’a pas pour vocation d’être dans le contrôle absolu, mais permet, en amont, de prévoir un parcours de parentalité sécurisé et anticipé.
Quelle contraception ?
Tous les traitements contraceptifs sont possibles chez les patientes présentant un RIC. La prudence est cependant de mise chez les patientes sous traitement œstroprogestatif en cas de prise d’anti-inflammatoire prolongée ou continue en raison d’un risque thromboembolique augmenté.
Fertilité et RIC
Pourquoi s’y intéresser ?
Les patientes qui ont un RIC ont un délai de conception plus long que celui observé dans la population générale. De plus, elles ont un taux de fausses couches plus élevé.
Les facteurs de risque
Les traitements
Les facteurs de risque associés à cette altération de la fertilité sont notamment la prise de traitements dont certains sont présentés ci-après de façon non exhaustive. Les anti-inflammatoires peuvent avoir un effet iatrogène en période ovulatoire ; ils réduisent le nombre d’ovocytes et retardent la rupture folliculaire. De même, la prise prolongée de corticoïdes peut également nuire à la fertilité, et ce, de manière dose-dépendante.
L’activité de la maladie
Un rhumatisme actif affecte négativement l’ovulation et la qualité des ovocytes, ce qui a été démontré dans plusieurs études.
• L’étude PARA en 2015, par exemple, montrait qu’il y avait une corrélation entre l’activité de la maladie et l’allongement du délai conceptionnel (1).
• L’étude plus récente de Valdeyron et al., chez des patientes suivies pour une polyarthrite rhumatoïde (PR) issues de la cohorte ESPOIR, a mis en évidence un taux d’hormones anti-müllériennes diminué chez les patientes avec un RIC, et corrélé à l’activité de la maladie (2). En d’autres termes, les patientes qui étaient plus actives avaient moins de réserve ovarienne.
La stratégie treat-to-target
L’étude preCARA, présentée à l’ACR en 2024, a montré qu’en cas de stratégie treat-to-target et de consultation préconceptionnelle, il y avait une diminution significative du délai de conception (délai médian : 84 versus 196 jours sans stratégie treat-to-target) (3).
Il y a donc un vrai bénéfice à la stratégie treat-to-target chez nos patientes atteintes de RIC : intensifier le traitement jusqu’à obtenir une rémission, ou au moins une faible activité, pour bénéficier d’un climat favorable pour un projet de grossesse.
La consultation préconception doit être systématiquement proposée aux patientes qui ont un RIC pour préparer au mieux le projet parental. Le rhumatologue ne remplace pas le gynécologue ou la sage-femme, mais ils peuvent travailler de pair ; le premier maîtrisant les traitements rhumatologiques et le second la conception.
Grossesse et RIC
C’était le thème le plus attendu de la session et qui a fait l’objet de nombreuses questions.
Pourquoi s’y intéresser ?
Si l’on apprenait encore récemment que les rhumatismes sont en “lune de miel” pendant la grossesse, des études récentes viennent porter un regard neuf sur cette période “à risque”, notamment au regard du faible pourcentage de patientes réellement en rémission durant cette période. Seules 20 à 30 % des patientes avaient une PR en rémission pendant leur grossesse dans l’étude prospective menée par De Man et al. en 2008, soit moins d’un tiers des patientes, ce qui est peu compte tenu des risques associés à une activité persistante durant cette période (4).
La stratégie treat-to-target
En revanche, en cas de stratégie treat-to-target et de consultation préconceptionnelle, le pourcentage de rémission est multiplié par deux, avec un maintien post-grossesse (5).
Le Pr Anna Molto conseille par ailleurs d’anticiper cette approche intensive avant la grossesse, car si les relais thérapeutiques sont nécessaires, il est préférable de les réaliser en amont de la conception pour ne pas risquer une poussée inflammatoire en attendant que la nouvelle molécule soit efficace.
Quels traitements pendant la grossesse ?
Les traitements synthétiques
• Le méthotrexate reste contre-indiqué pendant la grossesse.
• Le léflunomide est à éviter.
• En revanche, la salazopyrine reste possible, mais avec une supplémentation quotidienne en acide folique pendant la grossesse et une surveillance étroite.
Les traitements biologiques
Concernant les traitements biologiques, les dernières recommandations de l’Eular (2024) sont très claires (6).
• Les anti-TNFα peuvent être utilisés et constituent la classe à privilégier avec, pour chef de file, le certolizumab, pour lequel on rappelle qu’il n’y a pas de passage transplacentaire et il n’est pas nécessaire d’adapter le schéma vaccinal du nouveau-né.
• Peuvent également être utilisés, si besoin, l’abatacept, l’anakinra, le bélimumab, le canakinumab, l’ixékizumab, le rituximab, le sarilumab, le sécukinumab, le tocilizumab et l’ustékinumab.
Ces recommandations récentes ouvrent plusieurs options thérapeutiques en cas de rhumatisme difficile à équilibrer, en gardant en tête que l’on privilégiera les anti-TNF.
Les traitements non recommandés
D’après ces recommandations, en l’absence de données disponibles, certains traitements restent à éviter : l’anifrolumab, l’éculizumab, le guselkumab, le mépolizumab et le risankizumab, qui ne sont pas tous utilisés en rhumatologie.
En pratique
Chez une patiente sous méthotrexate et en rémission, doit-on effectuer un changement de thérapie avant la grossesse ou doit-on simplement l’arrêter ? Pour le Pr Anna Molto, réaliser une fenêtre thérapeutique, c’est prendre le risque de décompenser son RIC. Même en cas de rémission, pour éviter une interruption thérapeutique qui pourrait compromettre la stabilité de la maladie ou pour éviter la prise répétée de corticoïdes, on peut envisager un relais par biothérapie avant la grossesse. Ces conseils pratiques s’appliquent bien sûr au cas par cas, et n’empêchent pas de reprendre le méthotrexate seul après la grossesse.
Le Pr Anna Molto rappelle que nous avons à disposition ces recommandations, mais aussi le site du CRAT (www.lecrat.fr) en cas de doute, un outil pratique indispensable pour s’assurer de la possibilité de prescription chez nos patientes. Il ne faut pas hésiter à leur imprimer les fiches conseils, à en discuter avec les gynécologues au besoin, puisque le désir de grossesse chez les patientes RIC n’est pas une situation rare, avec des questions sur la poursuite ou non des traitements.
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêt en rapport avec cet article.
Bibliographie
1. Brouwer J, Hazes JMW, Laven JSE, Dolhain RJEM. Fertility in women with rheumatoid arthritis: influence of disease activity and medication. Ann Rheum Dis 2015 ; 74 : 1836‑41.
2. Valdeyron C, Soubrier M, Pereira B et al. Impact of disease activity and treatments on ovarian reserve in patients with rheumatoid arthritis in the ESPOIR cohort. Rheumatol 2021 ; 60 : 1863-70.
3. Quaack C, Röder E, Wintjes H et al. Improved fertility in women with rheumatoid arthritis and a wish to conceive when treated according to a treat-to-target approach aimed at remission. Arthritis Rheumatol 2024 ; 76 : abst. 1647.
4. de Man YA, Dolhain RJ, van de Geijn FE et al. Disease activity of rheumatoid arthritis during pregnancy: results from a nationwide prospective study. Arthritis Rheum 2008 ; 59 : 1241-8.
5. Smeele HT, Röder E, Wintjes HM et al. Modern treatment approach results in low disease activity in 90% of pregnant rheumatoid arthritis patients: the PreCARA study. Ann Rheum Dis 2021 ; 80 : 859-64.
6. Götestam Skorpen C, Hoeltzenbein M, Tincani A et al. The EULAR points to consider for use of antirheumatic drugs before pregnancy, and during pregnancy and lactation. Ann Rheum Dis 2016 ; 75 : 795-810.

