Souffrance de petits nerfs invisibles en imagerie, mais à l’origine des lombalgies chroniques
L’imagerie, incapable de montrer les principales sources des lombalgies chroniques
L’imagerie en coupes (scanner puis IRM) a été un progrès majeur pour l’étude des parties molles du rachis (disques, synoviales des articulaires postérieures, ligaments jaunes), et de son contenu (espace péridural, méninges, moelle et racines). Ceci a été encore plus le cas pour les non-médecins, dont journalistes, qui ont pu ainsi se « figurer » des lésions qu’ils ne pouvaient auparavant abstraire (à la différence des professionnels du rachis qui peuvent, ou pourraient, se passer de ces examens dans la majorité des cas pour faire un diagnostic précis de lombalgies ou de radiculalgies).
La fascination induite par ces examens a toutefois induit une surestimation de leurs performances pour le diagnostic positif des lombalgies et radiculalgies, a fortiori quand ils ne sont pas pratiqués de manière optimale. Ceci a pu avoir des conséquences néfastes pour beaucoup de patients, dont les lombalgies chroniques n’ont pas été prises au sérieux du fait de l’absence d’anomalies majeures en scanner ou IRM (sans parler du surcoût de ces examens superflus).
Ces imageries en coupe ont en effet beaucoup de défauts, et peuvent même être moins informatives que les clichés standard du rachis pour comprendre le mécanisme des lombalgies, voire des radiculalgies.
Premier défaut : détection des lésions discales imparfaite
Le premier des défauts des scanners et IRM est que leur détection des lésions discales reste imparfaite.
Même en IRM, le pourcentage de faux négatifs pour la détection de saillies/hernies discales lombaires (en prenant comme gold standard les constations per-opératoires) reste d’environ 12 % pour les débords dans le canal central (1), et d’environ 32 % pour les débords foraminaux (2). Ceci n’est pas toujours connu, dont des radiologues.
Deuxième défaut : la réalisation en position allongée
Le deuxième défaut des scanners et IRM est que ces imageries « en coupe » ne sont réalisées qu’en position allongée.
Le fait que les scanner et IRM ne se fassent qu’en position allongée est une limite importante quand les débords discaux ne se révèlent qu’en position debout ou assise, et encore plus quand les douleurs résultent d’une instabilité rachidienne (que ces imageries statiques ne peuvent que suspecter). Dans ces situations, la radiographie standard ou le système EOS peuvent être bien plus appropriés, non seulement parce qu’ils peuvent être réalisés dans la position où la douleur survient le plus, mais encore plus parce qu’ils se prêtent à des clichés « dynamiques ». Ces clichés dynamiques peuvent être pratiqués en flexion-extension (avec parfois l’aide de « billots » à placer sous l’abdomen pour majorer d’éventuels antélisthésis ou rétrolisthésis), mais aussi en latéroflexions, qui démasquent parfois des spondylolisthésis rotatoires marqués à un étage (lesquels « tordent » un disque sur lui-même, et mettent en tension ou en distraction les facettes à cet étage bien plus qu’aux autres).
Troisième défaut : l’interprétation sans les mécanismes
Le troisième défaut tient aux interprétations des scanners et IRM, qui ne prennent souvent pas en compte le mécanisme essentiel d’induction et d’entretien des douleurs nerveuses que sont les stress de traction.
Beaucoup de radiologues (mais aussi de médecins non radiologues) continuent sans doute de penser, à tort, qu’une lombalgie ou radiculalgie chronique doit forcément avoir comme corrélat radiologique une quelconque « compression » (avec au moins saillie discale, ou présence d’une synovite des articulaires postérieures). Cette vieille croyance encore très partagée peut être pardonnée aux chirurgiens, qui n’ont que des techniques permettant de lever des compressions, et dont les gestes peuvent au contraire favoriser des adhérences. Elle est moins compréhensible désormais pour les autres professionnels du rachis.
Traction répétée sur une structure nerveuse
En effet, une simple traction répétée sur une structure nerveuse, invisible sur l’imagerie, peut largement suffire à induire de vives douleurs, comme connu depuis longtemps (3). Les douleurs dues aux adhérences des racines et nerfs innervant les faces postérieures des disques et les ligaments longitudinaux postérieurs ne sont toutefois en général évoquées par les radiologues (et chirurgiens) que pour expliquer les douleurs pouvant persister, voire s’aggraver, après certaines chirurgies rachidiennes, du fait d’une « fibrose » péridurale (fixant ces structures nerveuses au canal rachidien de manière parfois définitive). Les autres causes de traction sur les nerfs sont scotomisées, dont les arachnoïdites. Ces agglutinations des racines nerveuses entre elles dans le sac dural (les nouilles collent entre elles), ou accolement des racines au sac dural (les nouilles collent à la casserole), ne sont que rarement suspectées ou mentionnées dans les comptes rendus de radiologie.
Fixations acquises des racines et nerfs proches du canal rachidien
Il est pourtant probable que la majorité des lomboradiculalgies chroniques soient surtout dues à des fixations acquises des racines et nerfs au sein ou à proximité immédiate (foramen) du canal rachidien, leur faisant perdre leur « mou-marge de sécurité », même si certaines, voire la plupart, de ces adhérences sont invisibles sur l’imagerie (3). Ceci a d’autant plus de risques d’arriver quand l’espace péridural est déjà rétréci, par exemple par un sac dural trop large qui, en plaquant les veines péridurales sur le canal osseux, peut induire parfois une symptomatologie de « canal lombaire étroit », même quand la taille du canal osseux est normale, voire supérieure à la normale (syndrome du sac dural large).
Tests de reproduction de radiculalgies
Il suffit pour s’en convaincre de se rappeler que la plupart des tests de reproduction de radiculalgies sont soit des efforts de marche engorgeant les veines péridurales (claudication des sténoses lombaires), soit des stress de mise en traction des racines (signes de Lasègue et de Léri, signe de Braggard, signe de la corde de l’arc, signe de Slump) (4) en cas de sciatique discale, ceci s’expliquant par l’adhérence au disque de la racine à son émergence, et/ou son soulèvement par le billot discal. On peut aussi mentionner que les manœuvres de « compression » (rares signes de la sonnette en paravertébral, points de Valleix sur le trajet du nerf, tant à la fesse (BUAS sign) (5) qu’au creux poplité (signe de la corde de l’arc ou bowstring sign) majorent en fait la tension sur le nerf et induisent aussi des stress de traction (4).
Rôle majeur des adhérences invisibles en imagerie
Le rôle majeur de la perte de mobilité des nerfs par des adhérences invisibles en imagerie a été particulièrement bien démontré dans les sciatiques tronculaires à la fesse, lesquelles ne sont le plus souvent pas dues à des « compressions » du tronc du nerf sciatique du fait de sa traversée du muscle piriforme (comme enseigné à tort pendant des décennies). Les endoscopies de la fesse réalisées chez les patients souffrant de syndromes de la traversée pelvi-fémorale (équivalent à la fesse des syndromes de la traversée thoraco-brachial par tractions nerveuses et/ou congestions veineuses répétées) ont montré la présence quasi constante chez ces patients d’adhérences du tronc du nerf sciatique aux fascias des muscles fessiers, le plus souvent du fait de brides fibreuses invisibles sur les IRM, mais très bien vues en endoscopie (6). La section de ces fibres induit le plus souvent une amélioration marquée des sciatiques tronculaires à la fesse, avec la réserve qu’il s’agit aussi d’une chirurgie à risque (certaines de ces brides fibreuses contiennent des artérioles à destination du nerf sciatique, et ces endoscopies fessières peuvent aussi aggraver certains patients, jusqu’à la paralysie).
Les branches postérieures des nerfs rachidiens
Ce racornissement du raisonnement aux seuls mécanismes de « compression nerveuse », faisant fi des tractions par adhérences, vaut aussi pour les petits nerfs, dont les branches postérieures des nerfs rachidiens, autre étiologie de lombalgies chroniques que les lésions discales et arthroses facettaires.
La souffrance de ces branches postérieures n’est en effet également envisagée par la plupart des médecins du rachis que si une étiologie possible de « compression » de ces branches postérieures est décelable sur une imagerie en coupe.
Il existe pourtant au moins trois défilés au sein desquels les branches postérieures des nerfs rachidiens (rameaux médians surtout) peuvent finir par trop adhérer, ceci favorisant des tractions excessives sur ces branches postérieures :
i) le foramen, et ses divers ligaments foraminaux (que l’imagerie en coupes ne montre également que peu ou pas) ;
ii) les ligaments mamillo-accessoires, qui peuvent se durcir ou s’ossifier avec l’âge (Fig. 1) ;
iii) les muscles courts du rachis (muscles rotateurs courts, rotateurs longs, et intertransversaires, tendus respectivement entre les transverses, ou entre les transverses et les épineuses sus-jacentes) (Fig. 2), entre lesquels les branches postérieures doivent « slalomer », juste après leur origine (Fig. 3), et auxquels elles pourraient finir par adhérer en l’absence d’une physiothérapie appropriée.
Ces diverses structures anatomiques ne sont peut-être pas connues de la majorité des médecins prenant en charge des lombalgiques chroniques, entre autres car elles ne sont guère enseignées dans les facultés de médecine, et qu’elles ne sont pas visibles sur les imageries (en l’absence d’ossification).
Souffrances par traction des rameaux médians des branches postérieures
Des souffrances par traction de ces rameaux médians des branches postérieures pourraient rendre compte de certaines des lombalgies attribuées jusque-là à des souffrances des « facettes ». En effet, même si la capsule de celles-ci est la deuxième (et dernière) structure innervée du rachis après la face postérieure du disque plus le ligament longitudinal postérieur (comme vérifié lors de la pratique de chirurgie discale chez des vétérans américains éveillés sous simple anesthésie locale ! (7)), toutes les douleurs émanant des arcs postérieurs ne sont pas soulagées électivement par l’injection d’un anesthésique au sein des synoviales (et de la capsule) des articulations « postérieures ». Comme il n’y a pas de preuves que l’anesthésique traverse la capsule, il est probable que certaines douleurs de lombalgies chroniques attribuées aux arthroses facettaires (banales avec l’âge) soient aussi, voire surtout, la conséquence de mise en traction de rameaux des branches postérieures lorsque les facettes glissent l’une sur l’autre, ce qui tend davantage ces rameaux (Fig. 1).
Quatrième défaut : la place excessive accordée aux phénomènes d’inflammation et/ou aux œdèmes
Le quatrième défaut dans l’interprétation des IRM est la place excessive accordée aux phénomènes d’inflammation et/ou aux œdèmes dans la genèse des douleurs rachidiennes et radiculaires.
Beaucoup de radiologues (mais aussi de médecins non radiologues) ne connaissant pas bien la pathogénie des douleurs chroniques peuvent aussi penser à tort qu’une lombalgie chronique discale doit toujours avoir un corrélat radiologique, au moins à type d’œdème ou d’autres signes d’une inflammation (prise de gadolinium, aspects MODIC, etc.). S’il est vrai que des processus inflammatoires sont souvent présents lors de l’initiation des douleurs, dont rachidiennes, ils ne sont qu’une des composantes de celle-ci, et ces anomalies peuvent ensuite disparaître alors que les lombalgies chroniques perdurent.
La promotion des AINS dans les années 1990
La part trop belle faite au concept d’inflammation comme source des douleurs radiculaires et rachidiennes tient entre autres au marketing très intensif fait lors de la promotion des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) dans les années 1990, en particulier dans la pathogénie des douleurs radiculaires. Celles-ci avaient été surtout attribuées aux propriétés « pro-inflammatoires » du nucleus pulposus, avec libération de prostaglandines (qu’inhibaient justement les AINS à promouvoir…). On sait désormais que les douleurs radiculaires résultent de bien d’autres stimuli chimiques, dont surtout une acidose par congestion veineuse, ainsi que de stress de traction, et de phénomènes de sensibilisation variés du ganglion spinal et de la racine par diverses « neurotrophines » ou « facteurs de croissance » du nerf (NGF, BDNF, neutroptophines N3 et N4, Gap 43) (cf. infra). Cette sensibilisation conduit à une surexpression de récepteurs nociceptifs à la surface des axones sensitifs, et parfois aussi à la synthèse excessive dans leur noyau de ces mêmes facteurs de croissance, dont le BDNF. Lesquels peuvent migrer en proximal au sein du nerf vers la corne postérieure de la moelle pour aller modifier en cascade l’épigénétique des seconds neurones (douleurs neuropathiques), voire induire de nouvelles synapses entre les neurones médullaires (douleurs neuroplastiques).
À noter que l’imagerie statique de type scanner et IRM non injectée, est aussi incapable de visualiser les nombreuses veines péridurales, foraminales, et péri-rachidiennes, et encore plus l’excès de pression régnant au sein de celles-ci (qui peut pourtant jouer un rôle majeur dans la pathogénie de beaucoup de radiculalgies d’effort ou de stase).
Cinquième défaut : incapacité à visualiser les phénomènes de néo-innervations pathologiques au sein des disques intervertébraux
La cinquième et peut-être plus importante faiblesse de l’imagerie (qui vaut aussi pour les radiographies standard) est d’être incapable de visualiser les phénomènes de néo-innervations pathologiques au sein des disques intervertébraux (ainsi que des capsules des facettes articulaires).
Face à un patient souffrant d’une rage de dents, un dentiste ne demande jamais d’IRM, d’une part car il est aisé par l’interrogatoire et l’examen de savoir de quelle dent émane la douleur, et d’autre part car ces IRM seraient considérées comme normales (malgré des douleurs à ne pas dormir), la taille du nerf dentaire étant trop petite pour qu’il puisse être bien visualisé, et/ou que les nerfs dentaires douloureux puissent être différenciés des nerfs dentaires indolents.
Or la taille des nerfs présents au sein des ligaments longitudinaux postérieurs et de la face postérieure de l’annulus des disques (se réunissant pour former les nerfs de Luschka) ou au sein des capsules des facettes articulaires, est plus petite encore que celle des nerfs dentaires.
De ce fait, de nombreuses discopathies aiguës ou chroniques peuvent, malgré de très vives, voire violentes, douleurs, n’être sous-tendues par aucune anomalie significative ou supérieure à la moyenne en scanner et/ou IRM, notamment quand les déchirures discales les générant ne sont pas bien visibles, ou ne s’associent pas à une rupture massive de l’annulus, voire à un débord discal (dont la majorité peuvent par ailleurs rester indolents).
L’excès de confiance dans l’imagerie
L’excès de confiance dans l’imagerie, utilisée pendant 30 ans à tort comme gold standard, a pu être à l’origine de beaucoup de souffrances (physiques, mais aussi morales) pour certains patients, et d’une stagnation, voire régression, de la réflexion médicale.
Le concept binaire de gold standard
Le concept binaire de gold standard devrait être abandonné au profit de techniques d’intelligence artificielle.
Le souhait louable de hiérarchiser les méthodes d’examens cliniques les plus fiables, en particulier pour éviter des chirurgies inutiles, avait conduit depuis 30 ans à utiliser comme référence (gold standard) les données de l’imagerie, à une époque où la valeur de celle-ci avait été surestimée. Le postulat que l’imagerie avait par définition toujours raison, et que la clinique ne pouvait être qu’inférieure (puisque l’imagerie était le gold standard), a abouti à des conclusions parfois absurdes. Par exemple, que les signes de sciatique cliniques les plus typiques (Lasègue serré, signes neurologiques) étaient bien moins fiables que la présence d’une franche hernie discale sur l’imagerie, alors qu’il existe de nombreux faux négatifs de l’imagerie et que la sciatique est par définition une pathologie du nerf sciatique, et non du disque (8).
Ces conclusions erronées ont été publiées par divers groupes d’auteurs ayant continué à utiliser de manière « académique » pendant des décennies le même mode d’évaluation versus un gold standard, sans se poser de questions quant à la validité de ce dernier, et quant au risque de raisonnement circulaire qu’impose cette méthodologie obsolète. En résulte dans les méta-analyses privilégiant l’exhaustivité des recueils sur la réflexion comme critères de validité (telle la méthodologie PRISMA), un dénigrement parfois très excessif de la clinique, et une valorisation souvent exagérée de l’imagerie. Cette régression pourrait perdurer très longtemps, si on n’écarte pas certains travaux aux conclusions du passé frisant l’absurde (quand on mélange trois verres d’eau sale avec sept verres d’eau propre, on a à la fin 10 verres d’eau encore sale).
Du fait des insuffisances tant de l’examen clinique que de l’imagerie, la vérité est nécessairement « entre les deux ». Il faudrait, idéalement, pour savoir à l’échelon collectif où placer le curseur entre les deux outils de jugement que sont les données cliniques et d’imagerie, faire d’abord des recueils de très grands nombres de données de ces deux aspects sur des centaines ou milliers de patients consultant pour lombalgies et/ou radiculalgies lombaires, sans préjugés quant au diagnostic final. Il faudrait ensuite demander à des intelligences artificielles nourries avec toutes ces données de déterminer les « centroïdes » regroupant des ensembles de données cliniques et/ou d’imagerie suffisamment cohérents (8), puis de dégager pour chacun de ces regroupements (par exemple sciatique d’origine discale, lombalgie d’origine discale, lombalgie d’origine facettaire, lombalgies d’autres origines) une hiérarchie pondérée des meilleurs signes permettant de rattacher un cas singulier à chacun de ces centroïdes (même si un médecin chevronné peut déjà souvent faire le va-et-vient entre la clinique et l’imagerie pour cerner assez bien l’origine anatomique, et le mécanisme le plus probable de la lombalgie et/ou radiculalgie du patient).
Le contraste entre la banalité des anomalies en imagerie et l’intensité des lombalgies
Le contraste entre la banalité des anomalies en imagerie et l’intensité des lombalgies avait conduit il y a 20 ans à évoquer comme principale explication aux lombalgies chroniques une origine « bio-psycho-sociale »
La surestimation de la valeur de l’imagerie scanner, puis de l’IRM, a poussé dès les années 1980-90 des médecins de santé publique puis algologues à inventer de nouveaux concepts pour expliquer la rémanence chez certains patients de lombalgies chroniques malgré l’absence d’anomalies supérieures à la « normale » sur ces examens (petits débords discaux, etc.).
Les deux principales explications proposées, et qui n’ont pas eu que des inconvénients pour les patients, ont été les notions (toutes deux floues, et se chevauchant en partie) de :
i) lombalgies d’origine « bio-psycho-sociale » par amplification d’origine centrale (encéphale), tant du ressenti que parfois aussi de l’expression (effets Hawthorne négatifs (9), catastrophisme) des lombalgies, attribuées à des contextes anxiodépressifs. Ces derniers étaient bien réels, mais beaucoup étaient sans doute bien plus la conséquence de ces lombalgies chroniques, que leur cause ;
ii) lombalgies « neuropathiques » : le mécanisme de ces douleurs neuropathiques diffère selon les sensations rapportées par les patients. Les douleurs à type de brûlures sont le plus souvent la conséquence de modifications épigénétiques au sein des noyaux (ganglions spinaux) de petites fibres nociceptives C, rendant ces petites fibres non myélinisées à la fois plus susceptibles à des influx nociceptifs, ou même à de simples stimuli non nociceptifs (allodynie), et plus capables de réveiller des neurones médullaires peu activés jusque-là (10). Les douleurs à type de décharges électriques proviennent plus des grosses fibres non myélinisées A-bêta, de même que les hyperpathies au tact, l’hyperpathie résultant alors d’une sensibilisation du second neurone dans la corne postérieure de la moelle, voire de phénomènes de neuroplasticité (créations de nouvelles synapses) dans la corne postérieure de la moelle, mais aussi le thalamus (10).
Ces concepts ont eu droit à une très forte publicité de la part des autorités de santé (d’abord aux États-Unis, puis dans d’autres pays) car ils visaient aussi à prévenir :
i) les répétitions inutiles et coûteuses de divers examens paracliniques dans l’espoir d’enfin documenter la cause de la lombalgie ;
ii) des surenchères thérapeutiques, notamment chirurgicales, inappropriées, car sources de bien plus de morbidités que d’améliorations.
Ces concepts ont été très bien accueillis :
i) surtout par les assureurs et employeurs (se sentant respectivement dispensés de verser des indemnisations, ou disculpés d’avoir exposés les rachis de leurs employés à des stress physiques excessifs) ;
ii) mais aussi par des médecins, dont radiologues ou algologues, appréciant le renversement de culpabilité ainsi opéré face à un lombalgique chronique venant les mettre en échec à chaque consultation ou examen (« je ne suis pas incompétent : c’est parce que la douleur est « dans votre tête » que vous avez mal »). Certains patients rapportent entendre encore ce type de phrases.
Les notions de lombalgies neuropathiques et de composantes « psycho-sociales »
Les notions de lombalgies neuropathiques et de composantes « psycho-sociales » aux lombalgies n’ont pas eu que des inconvénients.
Ces deux concepts ont eu en fait comme principal intérêt d’inciter les patients à ne pas se complaire dans le catastrophisme et la rumination, et à les inciter à rester en mouvement malgré la douleur, grâce à diverses prises en charge en kinésithérapie et/ou rééducation (bien plus utiles et bien moins toxiques que les prises médicamenteuses au long cours).
À noter qu’il est possible par un simple questionnaire en français d’assez bien détecter les patients chez lesquels les lombalgies ont surtout induit une kinésiophobie (pouvant tirer le plus bénéfice de ces rééducations), ou une détresse émotionnelle (pouvant surtout tirer bénéfice d’une aide sociale ou psychologique) (11).
Conséquence de ces deux concepts
Ces deux concepts ont toutefois contribué à souvent jeter le bébé avec l’eau du bain, au moment où la pathogénie de ces lombalgies commençait pourtant à s’éclaircir, grâce à des travaux menés à l’échelle microscopique.
Les concepts de « modèle bio-psycho-social » et de douleurs « neuropathiques-neuroplastiques » ont eu pour objectif de tenter de convaincre les patients (et à juste titre) que leur rachis était « solide », mais aussi (et sans doute plus à tort pour la majorité d’entre eux) que leurs lombalgies résultaient seulement de phénomènes d’amplification excessive (de stimuli identiques à ceux du reste de la population). Même s’ils constatent au quotidien l’efficacité seulement limitée des prises en charge rééducatives, beaucoup de médecins ont donc pu se persuader qu’il ne servait plus à rien de réfléchir aux mécanismes lésionnels contribuant au sein des disques, ou des arcs postérieurs, à la genèse des lombalgies (suivant aussi le raisonnement shadokkien « s’il n’y a pas de solution, c’est qu’il n’y a pas de problème »).
Néo-innervations pathologiques et acquises des disques
Des néo-innervations pathologiques et acquises des disques, non visibles en imagerie, participent beaucoup à la pathogénie des lombalgies chroniques. En fait, de nombreux modèles animaux et travaux menés depuis 30 ans en histologie sur les disques lombaires humains concordent pour trouver une explication infra-
radiologique à de nombreuses lombalgies chroniques (voire à la majorité de celles-ci). Bien que ceci ne se soit pas encore traduit par des progrès en termes thérapeutiques démontrés par des études en double-insu (et ne devrait pas relancer des pratiques chirurgicales ou radiologiques invasives, en dehors d’essais de hautes qualités méthodologiques avec suivi sur le long terme des conséquences de ces interventions cf. infra), le temps est sans doute venu de passer de l’échelle grossière de l’imagerie à celle bien plus fine de l’histologie, et de repartir de la base, c’est-à-dire des nerfs de petits calibres (comme ceux des dents) d’où émanent les lombalgies, et que l’imagerie est incapable de montrer.
Ceci est d’autant plus important que :
i) le degré d’innervation des disques n’est pas du tout le même selon les sites des disques étudiés, et que les phénomènes de néo-innervation (sprouting) excessive ont été démontrés, tant dans les modèles animaux qu’à l’autopsie de patients ayant souffert de lombalgies discales (ceci pourrait valoir aussi pour les facettes, mais n’a pas encore été étudié) ;
ii) un même phénomène de néo-innervation pathologique explique la fréquente absence de corrélation clinico-radiologique dans d’autres pathologies que les lombalgies (dont les épicondylites, qui ne sont pas des pathologies inflammatoires, mais paraissent aussi surtout dues à des néo-innervations cicatricielles excessives) (12) ;
iii) l’expression accrue par les cellules discales de NGF, BDNF, et autres neurotrophines, aboutit ex vivo non seulement à la prolifération de néo-fibres nerveuses mais aussi à la libération antérograde par celles-ci de nombreuses molécules à effets nociceptifs, dont le CGRP (13), qui peuvent encore plus « remettre une pièce dans la machine des lombalgies », par un phénomène d’activation autocrine des nerfs nociceptifs par eux-mêmes ;
iv) dans le contexte des hyperpathies généralisées, il est désormais estimé qu’environ la moitié des tableaux douloureux chroniques « fibromyalgies » sont surtout dus à la souffrance organique de petites fibres nerveuses C. Celle-ci a été longtemps scotomisée car elle n’est pas explorable par des méthodes usuelles d’électrophysiologie, seule la biopsie cutanée (ou le compte des petites fibres au sein de la cornée) pouvant affirmer le diagnostic de syndrome des petites fibres, avec déséquilibre entre le nombre des fibres sympathiques et celui des petites fibres polymodales C (14).
Rappel sur l’innervation physiologique des disques intervertébraux
Innervations des disques (Fig. 4)
Chez des sujets sains, seule la partie superficielle de l’annulus est innervée, et elle l’est par des fibres de nature et de fonction différentes selon la topographie : sur les faces antérieures et latérales, seules des fibres nerveuses à fonction « trophiques » ou proprioceptives sont présentes. Ceci explique la parfaite tolérance usuelle des hernies discales « antérieures », ainsi que des volumineux ostéophytes d’hyperostose, qui peuvent distendre le ligament vertébral commun antérieur sans induire aucune douleur.
Des fibres nociceptives sont en revanche présentes en grand nombre à la face postérieure du disque, à la fois dans le tiers externe de l’annulus et dans les fibres du ligament longitudinal postérieur, du moins dans la zone où ce ligament, en descendant derrière le disque lombaire, vient s’accoler et se mélanger aux fibres les plus superficielles de l’annulus (15).
En ce qui concerne la dure-mère, seules ses faces antérieures et latérales sont innervées, surtout en superficie, et surtout aux étages lombaires et cervicaux (16).
Innervations des plateaux vertébraux (Fig. 5)
Chez le sujet sain, les plateaux vertébraux ne sont innervés que par des fibres trophiques ou proprioceptives, et peu ou pas par des fibres nociceptives. On ne retrouve des fibres nociceptives en plus grand nombre qu’à mi-hauteur de la vertèbre, dans la zone de drainage de la veine centro-corporéale (17). Ceci explique d’ailleurs pourquoi près de la moitié des fractures des vertèbres de grade I (ne touchant que les plateaux vertébraux) peuvent rester indolentes.
La présence de hernies intra-spongieuses peut toutefois induire des réactions granulomateuses en provenance du centre de la vertèbre, lesquelles peuvent alors apporter avec elles des fibres nociceptives plus à proximité des plateaux. Les petites hernies de Schmörl, associées à des efforts de soulèvement d’objets lourds, ne sont certes que peu corrélées aux lombalgies. En revanche, les hernies de Schmörl plus profondes, même si elles sont associées à des lésions discales plus marquées en discographie, restent indépendamment de ces lésions discales fortement prédictives (risque multiplié par 9 à 18) de la survenue de lombalgies occasionnelles ou fréquentes (18).
Néo-innervations des disques lombaires : invisibles en imagerie, mais à l’origine des lombalgies chroniques
Néo-innervation pathologique des disques lombaires
Un sprouting excessif ne concerne que 10 % des disques lombaires dégénératifs
Les néo-innervations pathologiques de certains disques lombaires ne sont pas une vue de l’esprit, même si elles sont l’exception chez les patients présentant en imagerie des lésions dégénératives des disques. Ceci a été confirmé par une étude autopsique de 135 personnes, qui a montré que, même si des déchirures de l’annulus étaient présentes chez 50 % des personnes de plus de 35 ans, seule une minorité (5 %) était durablement douloureuse du vivant (19). Cette indolence usuelle des patients avec lésions dégénératives des disques pourrait s’expliquer surtout par le fait que seulement 10 % des déchirures de l’annulus induisent des phénomènes de néo-innervations pathologiques, c’est-à-dire d’un sprouting (néo-innervation d’un tissu après lésion de celui-ci, qui peut dépasser son but).
De fait, même si en cas d’apoptose, pyroptose, ou sénescence des cellules discales, avec dégradation de la matrice extracellulaire, on note une infiltration par des cellules immunes (qui pourrait contribuer, via une inflammation focale, à induire des lombalgies seulement transitoires, en stimulant les quelques fibres nerveuses nociceptives physiologiquement présentes à la face postérieure du tiers externe de l’annulus (20)), il a été conclu à plusieurs reprises que la première cause des lombalgies chroniques était la croissance anormale et durable, mais chez certaines personnes seulement (environ 10 % des lésions dégénératives discales et 3 à 5 % de la population), de fibres nerveuses nociceptives au sien de l’annulus, puis du nucleus pulposus (20).
Ces néo-innervations concernent normalement surtout les fissures radiales des zones les plus superficielles de l’annulus, et les zones de déchirures adjacentes du ligament longitudinal postérieur (21-25). Elles peuvent toutefois s’étendre plus en profondeur dans l’annulus, voire au sein même du nucleus. Ce sont en fait surtout ces extensions vers les nucleus qui pourraient rendre compte de beaucoup de lombalgies très chroniques.
La logique de la néo-innervation dans certains tissus comme le muscle est d’aider celui-ci à se régénérer, les nerfs ayant un rôle trophique sur les muscles, comme confirmé pour les muscles verrouillant le rachis lombaire, où une concentration élevée en facteurs neurotrophiques issus du cerveau (Brain-Derived Neurotrophic Factor ou BDNF) est associée à une meilleure trophicité (26) (et à un meilleur résultat sur la douleur des interventions de chirurgie discale).
Le sprouting n’est donc pas néfaste en soi, mais ce sont ses excès, et peut être aussi le fonctionnement anormal de ces néo-terminaisons nerveuses (induisant plus de messages nociceptifs qu’un rôle trophique), qui sont à l’origine de certaines lombalgies chroniques.
Mécanisme de ces sproutings
En cas de déchirure focale ou de soulèvement du ligament vertébral postérieur par un bombement discal, un tissu de granulation se crée (27), avec intrusion de fibroblastes, ainsi que de nerfs et/ou de vaisseaux.
Modèles murins
Dans un modèle de discopathie induite chez le rat par ponction réitérée à l’aiguille du disque L5-L6 (par les deux côtés) sur 24 rates (12 rates subissant seulement une piqûre bilatérale, et 12 rates subissant 6 piqûres bilatérales consécutives), versus 14 rates contrôles, une prolifération nerveuse a été recherchée après sacrifice, 18 semaines après l’induction de la discopathie. Cette recherche s’est faite en immuno-histochimie par un anticorps pan-neuronal (PGP9.5), ainsi qu’un anticorps spécifique de la chaîne lourde des neurofilaments (NF-H), et un anticorps spécifique des fibres nerveuses de petit diamètre (anti-périphérine). Chez les rates contrôles, seule la présence de quelques fibres nerveuses à la face profonde de l’annulus a été notée. Chez les rates dont les disques L5-L6 avaient été lésés par des ponctions répétées, une prolifération nerveuse partant de la partie postérieure de l’annulus pour aller parfois jusqu’au nucleus pulposus a été observée chez toutes les rates. La pénétration en profondeur de la néo-innervation dans le disque était plus marquée dans le groupe des 12 rates ayant enduré 6 ponctions (bilatérales) dans les disques L5-L6 (allant alors jusque dans le nucleus). Comme attendu, cette néo-innervation était du vivant de ces rates associée à l’importance du pincement discal, et surtout à un comportement bien plus douloureux (avec de plus perte de force des muscles érecteurs du rachis à hauteur du disque lésé) (27).
De mêmes constats ont été faits dans des travaux similaires chez le rat, où une décharge des nerfs intra-discaux a pu être mesurée, très corrélée au comportement douloureux. Un doublement de la synthèse locale de NGF (2 à 2,5 fois plus) y a été aussi observé (28).
Dans certains travaux, une partie de la néo-innervation pathologique des disques intervertébraux douloureux semble satellite d’une néovascularisation de ces disques. Cette néovascularisation semble se faire surtout à partir des plateaux vertébraux, où les néovaisseaux libèrent du NGF (nerve growth factor), facteur de croissance nerveux qui peut attirer d’autant plus les terminaisons nerveuses en provenance de la face superficielle de l’annulus quand celles-ci expriment beaucoup le récepteur de haute affinité au NGF trk-A (29).
Sensibilisations de la racine
Toutefois, cette néovascularisation en provenance des plateaux (favorisée par de minimes hernies de Schmörl) ne paraît pas indispensable au sprouting dans la majorité des cas, car des cellules discales du nucleus pulposus sont aussi capables de synthétiser en excès des facteurs de croissance nerveux et attracteurs comme le NGF et le BDNF (autre facteur de croissance des neurones). Il est par ailleurs possible que les sensibilisations de la racine (douleurs « neuropathiques ») induite par la mise en contact du cœur du nucleus pulposus avec les ganglions spinaux soient dues à la libération par le nucleus de NGF et BDNF, car un excès de ces molécules a été retrouvé au sein des ganglions spinaux dans des modèles murins, favorisant ensuite un sprouting de l’extrémité « proximale » du neurone au sein de la moelle épinière (30).
Progression nerveuse
Une étude immunohistochimique de 61 disques humains a confirmé, que, comme chez le rat, les nerfs présents dans la couche superficielle de l’annulus se faufilaient entre les cercles concentriques des lamelles de celui-ci pour progresser en direction des chondrocytes du nucleus pulposus (22). Cette progression vers le nucleus pouvait se faire bien plus profondément chez les patients souffrant de lombalgies chroniques (22). Il a aussi été noté dans cette étude que la corrélation entre ce sprouting et la dégénérescence discale (telle que plus ou moins vue en imagerie) était loin d’être parfaite : 13 % des disques correspondaient à des disques non dégénérés (6 % sans vaisseaux ni nerfs, et 7 % sans vaisseaux et avec seulement quelques nerfs). Dans 15 % des cas, les disques, bien qu’un peu dégénérés, ne contenaient que peu ou pas de néovaisseaux et de nerfs. Dans 4 % des cas, ce sont seulement des néovaisseaux qui ont été identifiés. Dans 52 % des cas, on ne notait à l’inverse que des nerfs et pas de vaisseaux, et dans 16 % des cas on retrouvait à la fois des néovaisseaux et des nerfs. Cette étude confirme qu’un phénomène de néo-innervation au sein des disques peut survenir indépendamment de la présence d’une néovascularisation (22). Ceci pourrait être le cas à tous les âges, car l’expression des neurotrophines n’augmente pas, mais ne baisse pas non plus, avec l’âge, et est seulement un peu supérieure dans les disques cervicaux par rapport aux disques lombaires (31).
Expression de BDNF
En conditions normales, l’expression de BDNF est surtout marquée dans l’annulus périphérique, et elle est trois fois moindre dans l’annulus central et le nucleus pulposus, où est aussi exprimé le récepteur au BDNF (32). Dans un disque dégénéré non opéré, ce sont en effet les cellules chondrocytes-like de l’annulus, et parfois seulement du nucleus, qui expriment tant du NGF que du BDNF. La dégénérescence discale semble surtout associée à une synthèse accrue dans les disques de lombalgiques, dont les cellules discales du nucleus pulposus en voie de dégénérescence (21), du BDNF (32), plus qu’à celle du NGF (33) ; l’expression des récepteurs à ces deux facteurs de croissance sur les terminaisons nerveuses paraissant elle constante, tant pour le récepteur au BDNF (Trk-B) que celui au NGF (Trk-A) (33). En culture cellulaire, l’expression par les cellules du nucleus pulposus tant du NGF que du BDNF est majorée par l’addition d’interleukine-1 (33).
Le BDNF est un des facteurs de croissance des nerfs contribuant à leur différentiation et survie, en particulier lors des processus de cicatrisation (32). Ce rôle dans la cicatrisation explique en partie pourquoi le BDNF a, et sans doute plus que le NGF, pour rôle accessoire de recruter des cellules endothéliales, et de favoriser une néovascularisation parallèlement à la néo-innervation (32). Ceci contribue à expliquer pourquoi cette néovascularisation accompagne souvent (mais non toujours, comme déjà évoqué) la néo-innervation. Il est sans doute important de souligner également que le BDNF participe aussi à la sensibilisation des nerfs aux stimuli inflammatoires, et surtout à la régulation de la fonction nociceptive (modification de l’épigénétique au sein du premier neurone sensitif, puis des neurones relais dans la moelle épinière, voire le cerveau) (34). Son blocage précoce pourrait peut-être éviter la survenue de douleurs neuropathiques durables. Pour l’instant seul le blocage du NGF a donné lieu à des essais cliniques, aux résultats mitigés (cf. infra).
Développement des neurites
Si les facteurs de croissance nerveuse comme le NGF et le BDNF favorisent le développement des neurites (« pousse des axones »), le guidage de ces neurites se fait aussi par diverses molécules, dont les sémaphorines de classe 3 et leurs récepteurs (plexines et neuropilines) (23). Dans les cellules du nucleus pulposus humain ont été retrouvées des sémaphorines 3A, 3C, 3D, 3E, et 3F, ainsi que leurs récepteurs. Leurs expressions sont aussi apparues plus majorées par l’IL-1 que par l’IL-6 et le TNF (23). La corrélation la plus forte retrouvée l’a été entre le sprouting de nerf dans les disques humains dégénérés, et une surexpression de sémaphorines 3Cet 3D, et de leur récepteur la neuropiline-2 (23).
Cofacteurs pouvant majorer-aggraver le sprouting
Il faut sans doute une sommation de cofacteurs chimiques, mécaniques, et génétiques, pour qu’un excès de libération de BDNF et de NGF induise un sprouting anormal (trop en profondeur dans le disque). Ceci cadre bien avec l’observation que des disques très dégénérés peuvent rester indolents, alors que certains lombalgiques chroniques ont des disques qui semblent peu altérés sur l’imagerie. Il a de fait été confirmé que le degré d’expression intra-discal de fibres fixant le BDNF n’était que peu ou pas corrélé au degré de dégénérescence discale vu en imagerie (35).
Inflammation à bas bruit au sein du disque, ou autour du disque
Un premier cofacteur majeur de sprouting plus intense que ne l’évoquerait l’imagerie est une inflammation durable au sein des disques, laquelle induit un excès de synthèse locale des neurotrophines (dont le NGF, le BDNF, et la neuromoduline (GAP-43) ainsi que la neurotrophine 3 (NT3)), par les chondrocytes mais aussi mastocytes intra-discaux (35), ceci pouvant aboutir à une néo-innervation pathologique, source de douleurs (36).
Ex vivo (cocultures de cellules discales de l’annulus et de nerfs), l’addition d’IL-1bêta et de TNF-alpha majore la synthèse par les cellules discales des trois principales neurotrophines (IL-1, TNF et NT3 (neurotrophine 3)). Elle majore de ce fait la croissance des terminaisons nerveuses (34). La synthèse accrue de NGF par les cellules discales est aussi majorée par l’activation des récepteurs de danger TLR-2 (et la voie NFkB) (37).
Ces réactions inflammatoires dans le disque peuvent être induites par la présence de signaux de danger variés : calcifications, acidose chronique, défauts de nutrition du disque en cas d’altération des échanges avec les plateaux vertébraux (35). Alors qu’il n’y a pas de macrophages dans un disque sain, la présence de macrophages de type M1 est associée avec à la fois des signes de dégénérescence discale, et d’une néo-innervation, laquelle, dans les disques cervicaux, pourrait être en partie due à la libération de NGF, BDNF, et de neurotrophine 3, tant par les cellules discales et mastocytes que par des cellules endothéliales (quand une néovascularisation s’y rajoute de manière contingente, en provenance des plateaux vertébraux (38)).
Certaines réactions inflammatoires à bas bruit au sein des disques pourraient aussi être dues à un excès de migration au sein du disque de bactéries du microbiote (encore vivantes, ou déjà mortes, mais toujours à même d’induire une réponse « immunitaire »). Une étude en ARN-16S de disques intervertébraux de huit sujets jeunes et sains (prélevés sur des jeunes patients en état de mort cérébrale), versus huit disques dégénérés et huit disques avec hernies discales, a en effet retrouvé des séquences d’ADN de 424 espèces de bactéries du microbiote différentes, qui se distingueraient un peu entre disques normaux et pathologiques (355 espèces dans les disques normaux, dont des bactéries usuellement « protectrices » de l’intestin ; 346 dans les discopathies, et 322 dans les hernies discales, dont des bactéries considérées comme plus pathogènes) (39). Une translocation intra-discale pourrait donc peut-être contribuer à une inflammation à bas bruit, et au vieillissement prématuré de certains disques. Cette inflammation à bas bruit pourrait aussi favoriser le sprouting. Ceci reste à prouver, mais il a déjà été montré que l’infection in vitro de cellules de nucleus humain dégénératif par Cutibacterium acnes induit une surexpression d’IL-1, et également de NGF et BDNF, le niveau d’expression étant abaissé par un pré-traitement par clindamycine avant l’exposition à Cutibacterium acnes (40).
La libération de particules de polyéthylène de haut poids moléculaire peut induire en périphérie des prothèses discales (ligament longitudinal postérieur), des réactions inflammatoires, ainsi qu’une néovascularisation avec néo-innervation. Ceci peut contribuer à la rémanence de douleurs (par mise en tension des ligaments longitudinaux postérieurs et d’autres structures néo-innervées), malgré la pose de la prothèse discale (41). L’expression de NGF pourrait y être surtout le fait de la prolifération de néovaisseaux induite par la libération par les macrophages de VEGF (41).
Excès de charge sur les disques
Les excès de charge sur le disque pourraient être un autre cofacteur de néo-innervation pathologique des disques, et ceci pourrait avoir de fortes conséquences « médico-légales ». En effet, des disques murins sains exposés ex vivo à des stress de compression d’un tiers de leur hauteur libèrent du NGF, et leur surnageant, mis au contact de cellules neuronales (PC12), induit un sprouting (42). Le rôle pathogène d’un excès de charge répété sur des disques en voie de dégénérescence pourrait donc être un cofacteur de néo-innervation excessive encore plus important dans l’espèce humaine, où les disques lombaires, du fait de la position debout, sont plus sujets à la compression que les disques murins (42). Il a aussi été vérifié que la compression chronique des disques murins majorait durablement la synthèse au sein du disque de médiateurs pro-inflammatoires (IL-1, IL-6, TNF), avec activation du ganglion spinal correspondant (synthèse de neuromédiateurs nociceptifs) (43). Il a surtout été confirmé que cette compression chronique entretenait un état d’hyperréactivité du nerf, et amplifiait la migration au sein du disque (sprouting) de nouvelles fibres afférentes (43).
Souffrance métabolique des disques
Les conditions biochimiques au sein du disque (dont son état d’hydratation) sont un autre cofacteur pouvant contribuer à un sprouting excessif. Par exemple, l’expression de BDNF par les cellules discales est accrue lors de cultures en conditions hyperosmolaires (32).
Autres effets néfastes du sprouting que la transmission excessive de signaux douloureux
Les nerfs et leurs neurotransmetteurs ont également un rôle trophique sur les chondrocytes du nucleus. Un déséquilibre dans le type de neurotransmetteurs libérés pourrait aussi perturber le fonctionnement des chondrocytes, et aggraver la dégénérescence discale (20). La présence excessive de certaines terminaisons nerveuses dans les disques n’est en effet pas seulement pathogène par sa capacité à transmettre les signaux douloureux du fait de la présence de molécules nociceptives dans le disque dégénéré (44). Certaines de ces fibres de néo-innervation pathologique ont aussi un rôle trophique « aberrant », contribuant plus à détériorer encore davantage le tissu discal (par épuisement des cellules discales, avec synthèse d’une matrice pathologique) (44).
Corrélations entre lombalgies chroniques et sprouting
Dans le travail pionnier de Freemont et al. (45) (réalisé en partie par le professeur Philippe Goupille), il avait été confirmé que chez le sujet sain, seul le tiers postérieur de l’annulus pouvait (et inconstamment seulement) être innervé (Fig. 6). Les disques avaient été prélevés lors de la réalisation d’arthrodèses lombaires, ce qui avait permis de recueillir 30 disques dégénératifs à l’étage présumé douloureux et 16 disques peu dégénérés aux étages adjacents présumés peu ou pas douloureux. Les disques de 34 personnes assez jeunes et n’ayant pas souffert de lombalgies chroniques de leur vivant avaient aussi été recueillis dans les 8 heures suivant leur décès. Le niveau de pénétration des nerfs au sein des disques avait été apprécié en utilisant comme marqueurs la substance P, et une protéine exprimée durant l’axonogenèse (la growth-associated protein 43 ou GAP43) (45).
Dans les 80 disques présumés indolents, des fibres nerveuses n’avaient donc été retrouvées que dans 60 % des prélèvements, en périphérie des disques, et elles ne dépassaient pas la moitié de l’épaisseur de l’annulus (Fig. 6). En revanche, chez les patients souffrant de lombalgies chroniques, des nerfs pénétraient jusqu’au tiers interne de l’annulus dans 46 % des cas, et même jusque dans le nucleus pulposus dans 22 % des cas, ce phénomène étant plus fréquent aux étages présumés douloureux (57 % des étages motivant l’arthrodèse versus 25 % des étages adjacents) (Fig. 7). Le plus souvent, ces nerfs suivaient le trajet de petits vaisseaux (exprimant tous la substance P), mais dans 14 prélèvements ils ont pu être retrouvés isolés dans la matrice discale (ces terminaisons isolées exprimant aussi toutes la substance P, mais aussi la molécule GAPR43 servant de guide à l’axonogenèse, ce qui n’était pas le cas des terminaisons nerveuses accompagnant les vaisseaux) (45).
Des travaux ultérieurs de la même équipe ont confirmé qu’une expression aberrante de NGF au sein du disque (en profondeur de l’annulus, voire le nucleus) n’était observée que dans les disques de sujets lombalgiques, et avec reproduction de la douleur lors de la discographie, et pas dans les disques de patients lombalgiques à discographies négatives, ou sur des disques de cadavres de patients non lombalgiques (21, 29) (même si dans certains de ces disques on peut observer une néovascularisation, mais alors sans expression de NGF).
Une troisième démonstration de la responsabilité probable de ce sprouting excessif dans l’entretien de certaines lombalgies chroniques a été obtenue ex vivo. Des disques intervertébraux de patients lombalgiques devant bénéficier d’une exérèse discale ont en effet été mis en culture, comparativement à des disques de sujets non connus comme lombalgiques (prélevés chez des patients encore « vivants » mais en état de mort cérébrale, et donneurs d’organes de leur vivant). Les surnageants de culture des lombalgiques contenaient plus d’IL-1bêta, TNF-alpha, NGF et BDNF. Ces mêmes surnageants induisaient plus de sprouting et d’expression de CGRP, et sans doute du fait en partie du NGF, car les deux phénomènes étaient bloqués/freinés par l’addition d’anti-NGF. Différentes protéines connues pour être des nocicepteurs ont aussi été retrouvées dans les seuls surnageants de sujets lombalgiques (13).
Pourra-t-on inhiber ce sprouting par voie systémique ?
Inhiber de manière systémique les neurotrophines et les canaux ioniques pourrait être une nouvelle piste thérapeutique, pour au moins prévenir la survenue de lombalgies chroniques (44). En effet, ce blocage a bien moins de chance d’être efficace sur une néo-innervation déjà bien installée au sein des disques, du moins si on cible une seule neurotrophine.
La synthèse des trois études randomisées versus placebo avec la meilleure qualité méthodologique, concernant l’efficacité du tanézumab (anticorps monoclonal anti-NGF), administré par voie systémique dans les lombalgies chroniques, totalisant 3 414 patients, confirme une efficacité statistiquement significative, tant pour l’EVA douleur, que pour le score de Rolland et Morris (46). Toutefois, le différentiel n’est que minime (baisse de la douleur de 0,62 sur une échelle de 0 à 10) (45), et sans doute pas assez cliniquement significatif pour mériter un développement clinique, eu égard aussi au coût de la molécule, et à ses possibles effets indésirables sur les nerfs d’autres sites, et sur les os « dénervés » (rares ostéonécroses) (46).
Manquent hélas encore des moyens de repérer la minorité de patients dont les lombalgies ont bien plus de chances de passer à la chronicité, et chez lesquels des traitements précoces par une combinaison d’inhibiteurs de neurotrophines comme le NGF, administrés de manière systémique, pourrait se discuter (après vérification dans des modèles animaux d’un profil de toxicité acceptable de ces cocktails).
Pourra-t-on inhiber ce sprouting par des injections intra-discales ?
Link-N est un peptide naturel ayant des capacités de régénérer les disques. L’expression par des cellules discales humaines de l’annulus fibrosus des gènes de NGF, de BDNF, ainsi que de leurs récepteurs respectifs (TrkA et TrkB), induite par l’ajout in vitro d’IL-1bêta ou de TNF-alpha, a été minorée par l’ajout de ce peptide Link-N, lequel a fortement antagonisé l’expression du NGF (47). Il paraît toutefois encore plus difficile d’injecter préventivement ce peptide en intradiscal au début de toute lombalgie (47). Ceci vaut sans doute aussi pour les injections intra-discales précoces d’inhibiteurs de neurotrophines (NGF, BDNF), comme le tanézumab.
Une autre limite à ces injections est que toute « agression » à l’aiguille d’un disque peut avoir par elle-même des effets sur la qualité du disque, en facilitant la « fuite » de cellules souches notochordales, et en altérant la matrice, ce qui pourrait à long terme contribuer aussi paradoxalement à la survenue ou la majoration des lombalgies, en raison de la détérioration discale induite.
Sera-t-il envisageable de dénerver des disques, comme on dévitalise des dents ?
L’injection intra-discale d’éthanol gélifié
L’injection intra-discale d’éthanol gélifié a surtout été proposée pour diminuer le volume des débords discaux en cas de lomboradiculalgies, et son effet antalgique dans les lombalgies reste à valider versus placebo. Pour remplacer les chémonucléolyses à la papaïne, trop allergisantes, et surtout trop toxiques (car induisant des pincements discaux différés parfois très marqués, et aggravant le pronostic à long terme des patients), un mélange d’éthanol et d’un dérivé de la cellulose, appelé éthanol gélifié (Discogel®), a été optimisé. Le produit est marqué au tungstène pour être radio-opaque, afin de faciliter sous contrôle radiologique son injection au sein des disques.
Son usage a été surtout pensé comme un moyen de déshydrater le nucleus, et de faire régresser la taille des débords discaux.
Les études sur la toxicité du Discogel® sur le disque à l’échelon histologique semblent n’avoir fait l’objet d’une publication que chez le porc, et avec un recul de seulement 48 heures après l’injection (48). Il n’a pas encore été publié d’études quant à la toxicité à long terme de son injection sur la hauteur des disques en radiographie standard, faute aussi d’études randomisées versus placebo, ainsi que sur la trophicité en IRM des disques précédemment injectés avec du Discogel®. Enfin, l’effet de l’injection intra-discale de Discogel® sur l’innervation intra-discale n’a semble-t-il pas été étudié (48).
Il y a encore peu de preuves que ce traitement ait sa place dans le traitement des lombalgies chroniques, car la plupart des travaux ont concerné des patients avec radiculalgies discales, comme alternative à la chémonucléolyse.
Les premières études menées en France sur 221 patients souffrant de radiculalgies par hernies discales rapportaient des taux inhabituels de bons ou très bons répondeurs (91,4 % de 221 patients) de la radiculalgie, à des injections combinées d’éthanol gélifié et de corticoïdes intra-discaux, mais sans insu, ni groupe contrôle, ni suivi à long terme des effets délétères sur les disques (49).
Hernies discales
Dans une série italienne de 94 patients avec radiculalgies par hernies discales traitées par Discogel® entre 2012 et 2015, un soulagement des radiculalgies a été obtenu dans 91 % des cas, qui persistait à 4 ans dans 89 % des cas, avec amélioration de la fonction, mais non du statut dépressif, et sans effets indésirables (50). Ces résultats sont peu convaincants en l’absence de groupe contrôle, la plupart des sciatiques guérissant à 1 an sans traitement.
Certaines études ont réalisé des évaluations plus précoces. Dans une étude rétrospective par questionnaire de 83 patients d’âge moyen 49 ans, 90 % des 60 % de répondeurs disaient avoir été améliorés nettement à 1 mois, et seulement 10 % des patients n’auraient pas accepté de recommencer l’injection si besoin (51).
Sciatiques
D’autres travaux ultérieurs, également réalisés en ouvert, mais sur des sciatiques plus rebelles, ont eu toutefois des résultats moins marqués. Par exemple, la pratique d’injections de Discogel® sous contrôle radiologique dans des sciatiques traînant depuis en moyenne 6,7 mois a été suivie d’une réduction de la douleur de seulement 44 % à 1 mois, et de 63 % à 3 mois. Le seul critère prédictif de non réponse était l’âge plus élevé des patients (52). Une amélioration chez 24/32 patients (75 %) dont les hernies discales avaient résisté à des injections d’ozone (O2-O3) a été rapportée, mais ces améliorations étaient aussi très incomplètes (53).
Lomboradiculalgies discales
Enfin, une petite étude sur 25 patients souffrant de lomboradiculalgies discales a noté que le traitement avait été un échec dans 64 % des cas, avec une nette corrélation entre ces échecs et la présence d’un aspect MODIC-2 sur l’imagerie avant intervention (54).
Une étude randomisée mais sans groupe placebo a comparé la vaporisation au laser à l’injection d’éthanol gélifié dans le traitement des radiculopathies discales sans retrouver de différences entre les deux procédés, avec baisse de moitié de la douleur de radiculalgie à 1 an (celle-ci étant passée de 8 à 4,3) (55).
Tolérance
Les injections de Discogel® paraissent dans l’ensemble plutôt bien supportées, mais, dans de rares cas (de l’ordre de moins de 1 % (56)), l’éthanol gélifié peut fuir dans la gaine radiculaire (57), ou dans le canal rachidien (chez le chien) (58), ce pourquoi certains auteurs ont suggéré de réaliser au préalable une discographie gazeuse avec prise de la pression au sein du disque (57). Des fuites dans les tissus jouxtant le disque ont été notées à plusieurs reprises, par exemple dans 19/62 cas d’injections sous-scopie d’éthanol gélifié dans des disques lombaires ou cervicaux (59). Un cas de paralysie sciatique L5 a été décrit (60). Le passage systémique dans la grande circulation d’emblée du Discogel® semble un événement très rare, mais potentiellement très grave : un décès a été rapporté (61).
Lombalgies isolées
Quelques études ont étudié plus spécifiquement l’intérêt des injections de Discogel® dans les lombalgies isolées (sans radiculalgies), mais qui étaient plus subaiguës que chroniques et en lien avec hernie discale récente ce qui ne représente qu’une portion des futures lombalgiques « chroniques ».
Une étude prospective a bien séparé les 45 patients traités pour une « simple » lombalgie d’origine discale, des 22 traités pour une radiculalgie d’origine discale (61). La baisse de la douleur (sans groupe contrôle) a été à 1 an de 53 % et 54 % respectivement dans les deux groupes (62). Dans une autre expérience, sur 29 patients lombalgiques, 19 (65 %) se sont dit soulagés d’au moins 50 % de leurs lombalgies à 6 mois (63). Les améliorations observées dans ces lombalgies par hernies discales pourraient, si elles ne sont pas dues qu’à une amélioration spontanée, autant passer par une diminution de la traction exercée sur le ligament longitudinal postérieur par le débord discal (du fait de la fonte accélérée de la hernie) que par une toxicité du Discogel® sur la néo-innervation déjà présente ou à venir.
Manquent aussi des études à long terme, pour s’assurer que la simple ponction du disque, et a fortiori l’injection de Discogel® au sein de celui-ci, n’induit pas à long terme divers effets délétères, comme un pincement discal accéléré responsable d’une sténose lombaire précoce et de lombalgies par dégénérescence discale. Il manque surtout des études randomisées versus placebo (injections simulées), pour savoir si le procédé a une réelle efficacité. La seule étude randomisée en double-insu n’a porté que sur un petit nombre de patients (36, dont seulement 32 évaluables) et a comparé la pratique de la seule injection de Discogel®, et son couplage à la pratique d’une radiofréquence (réelle ou simulée donc) chez des patients souffrant de lombalgies discales (64). Une petite supériorité de la combinaison des deux techniques sur l’injection isolée de Discogel® a été retrouvée à 6 mois et à 1 an, mais l’étude manquait de puissance pour pouvoir l’affirmer (64).
Il est dommage que la toxicité du Discogel® pour les terminaisons nerveuses au sein du disque ou ex vivo n’ait semble-t-il pas été étudiée, car des techniques d’alcoolisation de divers nerfs périphériques semblent donner de bons résultats sur certaines douleurs des membres, surtout quand les injections sont échoguidées de manière très précise (65).
Injections d’autres substances avec effet neurotoxiques dans le disque
D’autres substances ont été testées dans des modèles animaux avec pour objectif d’inhiber plus spécifiquement la survenue d’une néo-innervation pathologique : dans un modèle de discopathie induite par ponction discale chez le chien, une simple injection de NTG-101 a fortement réduit l’expression de BDNF, ainsi que l’expression des récepteurs au NGF (TrkA) et au BDNF (TrkB) (66).
Techniques de radiofréquence
Étude cadavérique des effets des radiofréquences sur les terminaisons nerveuses
Les techniques de radiofréquence visent à léser assez, par effet thermique, les terminaisons nerveuses, pour réduire les messages nociceptifs en provenance du tissu traité.
Les résultats inconstants, et seulement incomplets, des radiofréquences tentées à ce jour dans le traitement des lombalgies tiennent peut-être à la nécessité, pour détruire les terminaisons nerveuses, de monter la température dans le tissu à des seuils qui sont aussi, voire encore plus, toxiques pour la matrice, et/ou pour les cellules chondrocytaires des disques, que pour les terminaisons nerveuses.
Une première étude sur cadavres avait conclu que la radiofréquence intra-discale ne faisait monter la température qu’à 37,6 °C à la partie postérieure de l’annulus, et avec une variation de température pendant l’intervention de 3 degrés en moyenne (soit 40,6 °C pour les extrêmes de température). Si des lésions induites par la déshydratation (corolaire des effets sur les terminaisons nociceptives) étaient déjà à l’origine d’une perte de poids de 1,4 gramme par disque, avec affaissement discal moyen de 1,4 mms (67), la technique employée de radiofréquence ne paraissait rétroactivement pas assez ambitieuse en termes d’énergie utilisée et de température atteinte au sein du disque, pour permettre une dénervation efficace.
Une autre étude cadavérique de radiofréquence sur 12 rachis lombaires, mais cette fois placés au préalable dans un bain-marie à 37 °C, a été réalisée pour apprécier le degré de dénervation obtenu, et les conséquences néfastes éventuelles sur la matrice collagénique (68), grâce à des températures (bien) plus élevées. La température au sein des disques a pu être mesurée en 40 points différents. La température la plus élevée atteinte a été de 64 °C à 1 mm de la zone de stimulation, et toutes les températures au-delà de 60 °C (nécessaires à induire des lésions collagéniques irréversibles, en théorie) ont été enregistrées à moins de 2 mm de la sonde, c’est-à-dire dans moins de 2 % des points de mesure au final. Les températures au-delà de 50 °C ne concernaient que des zones à moins de 6 mm de la sonde, et 10 mm pour 45 °C. En moyenne, un échauffement assez durable et significatif (250 équivalent-minutes à 43 °C) pour induire une nécrose cellulaire, dont des neurones, n’a été atteint que dans 42,5 % des points de mesure, et rarement au niveau de l’annulus (qui est pourtant le site où il faudrait induire les destructions nerveuses (68)). Par ailleurs, au bout de 16,5 minutes de stimulation, la température n’était toujours pas répartie de manière harmonieuse dans le disque (68).
Cette seconde étude illustre bien les limites des essais de dénervation par radiofréquence au sein du disque. Des injections intra-discales de molécules ayant un effet toxique sur les seules terminaisons nerveuses nociceptives (et préservant au plus le rôle « trophique » physiologique des nerfs) pourraient donc être des procédés thérapeutiques à coupler aux techniques de radiofréquence, associées éventuellement à l’injection d’inhibiteurs de neurotrophines (pour empêcher la « repousse » de terminaisons nerveuses nociceptives).
Résultats cliniques d’études ouvertes utilisant la radiofréquence pulsée intra-discale
Certains travaux paraissent encourageants, d’autant que la persistance des lombalgies dans certains cas pourrait tenir à d’autres mécanismes de celles-ci que la seule néo-innervation intra-discale (instabilité discale mettant brutalement en tension le ligament longitudinal postérieur, étirement de la capsule des facettes articulaires, syndromes canalaires des branches postérieures, etc.).
• Une étude pilote a utilisé avec succès (amélioration de plus de 50 % chez tous) sur huit patients souffrant d’une mono-discopathie depuis 8,3 ans, une technique de radiofréquence pulsée, en utilisant une durée de 20 minutes, une sonde avec une zone d’efficacité terminale de 15 mm, et une intensité du courant de 2 x 20 ms/s pour un voltage de 60 volts (69).
Une autre modalité de radiofréquence pulsée, de 7 minutes, est apparue aussi efficace dans le traitement des lombalgies discales que pendant 15 minutes, avec réduction à 6 mois de plus de 50 % des douleurs chez 70 % des patients (70).
• L’utilisation de laser diode semble donner d’aussi bons résultats que la radiofréquence et la radiofréquence pulsée, selon une étude rétrospective du devenir à 1 an de 120 lombalgies discales traitées par chacune de ces modalités (40 dans chaque bras) (71).
• Une étude ouverte japonaise a suivi à 1 an le devenir de 23 patients de 35,3 ± 10 ans, souffrant de lombalgies chroniques d’origine discale présumée, traités par radiofréquence intra-discale, l’aiguille ayant été placée au centre du disque. La douleur moyenne a baissé de 7,47 ± 0,85 à 3,13 ± 2,58 à 1 an, et 15/23 ont eu une réduction de la douleur de plus de 50 %, le score de Rolland et Morris s’abaissant également de 11,4 ± 1,57 à 2,90 ± 2,97 (72).
• Une étude non randomisée et ouverte a comparé l’efficience des radiofréquences pulsées intradiscales réalisée chez 15 patients, avec celle de l’IDET (traitement électrothermal intradiscal) pratiquée chez 16 patients. Une amélioration marquée des douleurs a été observée dans les deux situations, avec baisse de la douleur entre J0 et 6 mois de respectivement 7,2 ± 0,6 à 2,5 ± 0,9, versus 7,5 ± 1,0 à 1,7 ± 1,5 dans le groupe IDET (73).
Toutes les études ne sont pas aussi positives : la pratique d’une radiofréquence dans des disques dégénératifs en IRM et dont l’injection avait reproduit les lombalgies a induit en ouvert une amélioration de plus de 50 % des douleurs chez 38 % des patients, et ils n’étaient plus que 29 % à 1 an (74).
Au final, neuf études ouvertes ont été consacrées à l’efficacité de la radiofréquence pulsée dans le traitement des douleurs rachidiennes d’origine discale, et 8/9 ont conclu à l’efficacité du procédé, mais la qualité méthodologique de ces travaux était le plus souvent faible, l’absence de randomisation et de groupe contrôle ne permettant pas de conclure encore définitivement à l’efficacité du procédé (75), ni à son innocuité à long terme.
Conclusion
Malgré la difficulté à traiter les lombalgies chroniques, et les risques de toutes les interventions intra-discales (qui doivent rester encore du domaine de la recherche, et devraient comporter des études randomisées en double-insu versus ponction simulée), il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Toutes les lombalgies chroniques ne sont pas seulement « fonctionnelles », et les conséquences de problématiques « bio-psycho-sociales » ou de douleurs neuropathiques/neuroplastiques (même si ces deux situations existent aussi).
Une néo-innervation pathologique participe plus que vraisemblablement à la chronicité de beaucoup de lombalgies chroniques, et aux très faibles corrélations radio-cliniques, l’imagerie étant pour l’instant incapable de montrer ces néo-innervations.
Des recherches fondamentales et cliniques futures pourraient aider à déterminer comment prévenir, voire détruire, au mieux la néo-innervation, et le passage à la chronicité des lombalgies ainsi que la survenue de douleurs « neuropathiques/neuroplastiques » secondaires à ces néo-innervations, sans induire trop d’effets indésirables. Les résultats plutôt décevants du blocage du seul NGF par voie systémique dans les lombalgies déjà chroniques ne devraient pas décourager de tester d’autres inhibitions, dont celle du BDNF, au moins dans des modèles animaux, et/ou plus précocement. Ces blocages pourraient être par ailleurs réalisés en couplage avec d’autres interventions au sein des disques eux-mêmes, mais qui soient alors elles-mêmes aussi peu toxiques que possible pour les disques. Le paradoxe des injections intra-discales est que ce seul geste peut en effet altérer à lui seul le disque, comme montré par les conséquences à long terme des nucléotomies réalisées par le passé (66).
Il pourrait être en parallèle vérifié dans des modèles animaux si la reprise précoce d’une activité physique prévient en partie une néo-innervation pathogène, du moins si cette reprise du mouvement se fait graduellement et sans excès de mise en charge ou de vélocité. En attendant ces éventuelles avancées thérapeutiques, la rééducation précoce reste en effet certainement la meilleure proposition thérapeutique à faire à des patients dont la lombalgie passe à la chronicité.
L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt.
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