L’essentiel en un clin d’œil
Un traitement hypo-uricémiant (THU) efficace est associé à une amélioration de la fonction rénale.
Un traitement par allopurinol diminue la mortalité cardio vasculaire et les artérites des membres inférieurs.
Un travail rétrospectif de Nouvelle-Zélande redonne à la benzbromarone sa place thérapeutique, notammentdans les cas d’allergies à l’allopurinol et au fébuxostat.
Pour les autres arthropathies microcristallines, la mise en évidence d’une mutation de l’ostéoprotégérine, à l’origine d’une chondrocalcinose familiale associée à une arthrose précoce, ouvre de nouvelles pistes physiopathologiques dans les maladies à dépôt de cristaux de pyrophosphate de calcium.
La goutte a connu cette année un grand bouleversement en raison de la parution dans Annals of Internal Medecine des recommandations émises par le collège américain des généralistes. Ce dernier a en effet remis en cause l’intérêt à long terme du traitement hypo-uricémiant (THU) et a préconisé surtout le traitement de la crise. Les auteurs de ce papier soulignent l’absence d’étude randomisée de longue durée (> 1 an) des THU, qui permettrait de justifier leur utilisation au long cours sans effet secondaire. C’est une prise de position incompréhensible. On voit ici l’effet délétère de l’Evidence-Based Medecine, l’absence de preuve engendrant une remise en cause des pratiques séculaires qui, lorsque l’observance thérapeutique est correcte, permettent la guérison de la goutte. Ainsi, les communications de l’ACR ont insisté sur ces données essentielles et fondamentales qui, sans être nouvelles, nécessitent d’être répétées pour une prise en charge correcte de la goutte.
1. Un traitement hypo-uricémiant est associé à une amélioration de la fonction rénale
Le traitement hypo-uricémiant (THU) efficace ralentit la progression de l’insuffisance rénale et améliore le débit de filtration glomérulaire (DFG) chez des patients avec une insuffisance rénale de stades II ou III.
Il s’agit d’un travail rétrospectif sur la base de données de Kaiser Permanente, l’organisme de santé le plus important aux États-Unis : présent dans sept états, il soigne plus de 10 400 000 patients dans 38 hôpitaux. Les résultats présentés sont issus de la base de données de Californie du Sud sur une période allant du 01/01/2008 au 31/07/2014. Les objectifs de ce travail étaient d’évaluer la proportion de patients présentant une amélioration de la fonction rénale, 12 mois après l’initiation (ou non) d’un traitement THU. Une amélioration de la fonction rénale était définie par une augmentation du DFG de plus 30 % par rapport à la valeur basale. Une détérioration était, quant à elle, définie par une baisse de plus de 30 % du DFG. Afin d’être inclus dans l’étude, les patients devaient être âgés de plus de 18 ans et souffrir d’une maladie rénale chronique (MRC) de stade II (DFG < 80 et > 60 ml/min), de stade III (DFG < 60 et > 30 ml/min) ou de stade IV (DFG < 30 et > 15 ml/min). Leur uricémie devait être supérieure à 70 mg/l (420 µmol/l) sans traitement THU dans les 12 mois précédant la date de diagnostic de l’hyperuricémie (= date index). Il leur fallait également avoir subi au moins une évaluation du DFG dans les 6 mois précédant la date index, et au moins une autre dans les 12 mois suivant cette date. Étaient exclus les patients VIH, ayant un cancer évolutif, en dialyse, ou les transplantés rénaux. Sur 4 millions de patients membres de la Kaiser Permanente, 133 265 avaient une uricémie > 70 mg/l. Au total, sur les 12 751 patients inclus (59 % d’hommes, 52 % blancs, 13 % asiatiques, 20 % hispaniques, 13 % noirs), 2 690 (63 % d’hommes, 53 % blancs, 15 % asiatiques, 17 % hispaniques, 13 % noirs) avaient reçu un THU pendant la période de l’étude, et 10 061 n’avaient pas été traités. 4 343 avaient une MRC 2, 6 299 une MRC 3 et 2 109 une MRC 4. Les comorbidités étaient élevées dans les deux groupes, quel que soit le stade de la MRC : maladies cardio vasculaires (32 à 63 %), diabète (36 à 62 %), dyslipidémie (78 à 91 %), HTA (85 à 96 %), et obésité (43 à 49 %). La goutte était présente chez 24 % des patients sans THU au moment du diagnostic d’hyperuricémie, et chez 47 % des patients qui allaient recevoir un THU. Plus important, 80 % des patients avec une MRC 3 et 74 % des patients avec une MRC 4 recevaient un AINS. Parmi les patients sous THU, 2 660 étaient sous allopurinol (781 étaient MRC 2, 1 464 MRC 3 et 415 MRC 4), 67 sous fébuxostat et 17 sous prébénécide (Tab. 1).
À 12 mois de la date de diagnostic de l’hyperuricémie, seuls 42 % des patients sous THU avaient atteint la cible thérapeutique (définie par une uricémie < 360 µmol/l). La fonction rénale était améliorée (augmentation du DFG de 30 %) chez 17,1 % des patients sous THU avec une uricémie à la cible, contre 6,7 % des patients sous THU avec une uricémie toujours haute. Le traitement THU efficace (uricémie à la cible) augmentait de 1,78 (IC 95 % [1,42-2,23], p < 0,001) les chances d’une amélioration du DFG par rapport à un traitement THU inefficace (uricémie non à la cible). En analyse de sous-groupe, l’effet était plus important chez des patients avec MRC 2 (RR 2,26 [IC 95 %
1,16-4,41]) ou 3 (RR 2,23 [IC 95 % 1,65-3,00]). Chez des patients avec MRC 4, le THU efficace n’était plus associé à une amélioration de la fonction rénale (Tab. 2). Inversement, le THU efficace était lié à un risque moins important d’aggravation de la fonction rénale (perte de plus de 30 % du DFG). 5 % des patients sous THU efficace ont vu leur DFG se dégrader, contre 6,9 % des patients avec THU inefficace (RR 0,71 [IC 95 % 0,51-1,00], p = 0,048). En analyse de sous-groupe, cet effet protecteur était uniquement présent chez des patients avec une MRC 3 (RR 0,49 [IC 95 % 0,22-0,83], p = 0,008) (Tab. 3).
Ces résultats suggèrent qu’un traitement hypo-uricémiant efficace permet une amélioration de la fonction rénale et, dans une proportion non négligeable de cas, de ralentir la progression des maladies rénales. L’effet protecteur est surtout visible dans les stades précoces de la maladie rénale chronique (stade 2 ou 3). Au stade 4, l’effet n’est plus observé, probablement en raison de l’installation de lésions fibrosantes irréversibles. Ces résultats montrent aussi que seule une faible proportion de patients atteint la cible thérapeutique. Un simple ajustement de la posologie du THU permettrait en principe à tous les patients de l’atteindre. Les limites de ce travail sont : son caractère rétrospectif avec les données manquantes, l’absence de données sur la poursuite ou non des AINS chez ces patients après la date index, et l’absence de données sur la posologie des THU.
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