En 2024, la Société française de rhumatologie (SFR) a élaboré ses premières recommandations sur la prise en charge de l’arthrose de la main, afin d’optimiser celle des patients dans cette maladie et d’harmoniser les pratiques.
Résumé
L’arthrose de la main est une maladie très fréquente et invalidante. Pour la première fois, la SFR, en partenariat avec la Sofmer, a élaboré des recommandations sur la prise en charge de cette maladie, en s’appuyant sur une revue exhaustive de la littérature. Les principes généraux soulignent l’hétérogénéité de la maladie, les objectifs du traitement (amélioration de la douleur et de la fonction sans attendre une amélioration structurale), l’importance de l’information et de l’auto-gestion du patient et l’intérêt d’un traitement médical et, en cas d’échec, d’un avis chirurgical. Onze recommandations détaillent les principes du traitement pharmacologique (AINS topiques et per os, corticoïdes, paracétamol, infiltration, chondroïtine sulfate) et non pharmacologique (exercices, conseils ergonomiques, aides techniques, orthèse, application de chaleur).
Abstract
Management of hand osteoarthritis: What should we remember from the SFR 2024 recommendations?
Hand osteoarthritis is a very common and disabling disease. For the first time, the SFR, in partnership with SOFMER, has developed recommendations for the management of this condition, based on an exhaustive review of the literature. The general principles highlight the heterogeneity of the disease, the goals of treatment (improving pain and function without expecting structural improvement), the importance of patient education and self-management, and the relevance of medical treatment, with surgical advice considered in case of failure. Eleven recommendations outline the principles of pharmacological treatment (topical and oral NSAIDs, corticosteroids, paracetamol, injections, chondroitin sulfate) and non-pharmacological treatment (exercises, ergonomic advice, assistive devices, splints, heat application).
Contexte
L’arthrose de la main est une maladie très fréquente, qui comporte l’arthrose des doigts longs et l’arthrose de la base du pouce (rhizarthrose). Une femme sur deux et un homme sur quatre souffriront d’arthrose de la main au cours de leur vie (1). Il s’agit de la deuxième localisation d’arthrose la plus fréquente après le genou.
La rhizarthrose
La rhizarthrose touche l’articulation trapézo-métacarpienne ± l’articulation scapho-trapézienne et est associée à des facteurs mécaniques et à une perte fonctionnelle importante liée à l’atteinte de la pince pouce-index avec diminution de la force de préhension et de pincement.
L’arthrose des doigts longs
L’arthrose des doigts longs, quant à elle, touche essentiellement les articulations interphalangiennes proximales et distales et peut être nodale (nodosités de Bouchard ou d’Heberben), inflammatoire (avec synovites) et/ou érosive (2).
L’arthrose de la main est associée à un handicap fonctionnel avec un retentissement important dans la vie quotidienne : plus de la moitié des patients ont des difficultés à écrire ou lors de la manipulation de petits objets (3, 4). Alors que cette maladie est très fréquente, il n’existait jusqu’alors pas de recommandations françaises. L’objectif de ces recommandations sur sa prise en charge pharmacologique et non pharmacologique, sous l’égide de la Société française de rhumatologie (SFR), en partenariat avec la Société française de médecine physique et de réadaptation (Sofmer), est d’améliorer la prise en charge des patients et d’harmoniser nos pratiques.
Méthodes
Les recommandations ont été élaborées selon les procédures standardisées de l’Eular.
Revue de la littérature
Elles ont consisté en la mise à jour de la revue de la littérature des recommandations Eular 2018 et ACR 2020 sur la prise en charge de l’arthrose de la main (5).
• Ainsi, pour chaque modalité présente dans ces anciennes recommandations, les essais contrôlés et méta-analyses publiés depuis cette date ont été sélectionnés
• alors que pour les modalités absentes des anciennes recommandations une revue exhaustive de la littérature a été réalisée pour sélectionner les essais contrôlés et les méta-analyses disponibles.
Un groupe de travail multidisciplinaire, composé de 25 participants (comprenant des rhumatologues libéraux et hospitaliers, un spécialiste en médecine physique et réadaptation, un gériatre, deux chirurgiens orthopédistes, un médecin généraliste, une méthodologiste, une kinésithérapeute, une ergothérapeute, et deux patientes (Aflar)), s’est réuni pour définir les modalités à évaluer.
Établissement des recommandations
Après un travail de bibliographie, le groupe s’est à nouveau réuni pour établir les recommandations. Chacune d’entre elles était adoptée si plus de 80 % des votants étaient en accord. Pour chaque modalité thérapeutique, une catégorie d’évidence et une force de recommandation ont été définies selon le niveau de preuve. Le groupe de travail ainsi qu’un groupe de relecture externe, composé de 28 participants multidisciplinaires, ont ensuite donné leur degré d’accord entre 0 et 10.
Quatre principes généraux et 11 recommandations ont été établis (Tab. 1).
Les principes généraux
Les recommandations 2024 de la prise en charge de l’arthrose de la main reposent sur plusieurs principes directeurs.
• L’amélioration des symptômes (douleur, raideur) et de la fonction, mais aussi de la qualité de vie en limitant la dépendance et le handicap sont les objectifs des traitements ; il n’y a pas d’effet structural attendu. En effet, à ce jour, aucun traitement n’a démontré d’effet protecteur ou ralentisseur de la maladie.
• L’hétérogénéité de la maladie doit être prise en compte dans les thérapeutiques : localisation (arthrose des doigts longs versus rhizarthrose), sévérité, présence de poussées ou non, caractère inflammatoire (synovites ?), comorbidités, attentes du patient (amélioration de la douleur, fonction, esthétique)…
• L’information du patient est cruciale, au sujet de la maladie elle-même, de son évolution, des thérapeutiques disponibles, afin de permettre une décision partagée entre le patient et son médecin en collaboration étroite, avec apprentissage de l’autogestion de la maladie.
• La prise en charge doit comporter des mesures pharmacologiques, non pharmacologiques et un avis chirurgical en cas d’échec des mesures médicales.
Les traitements non pharmacologiques
Les auto-exercices
La première modalité thérapeutique devant être proposée à tous les patients symptomatiques est la réalisation d’auto-exercices (6, 7). Ceux-ci peuvent comporter, selon l’atteinte :
• des exercices de mobilité des doigts longs ou du pouce,
• du renforcement musculaire des doigts longs ou du pouce,
• des exercices de préhension
• et un travail de proprioception.
La figure 1 en présente quelques exemples.
Figure 1 – Exemples d’exercices à réaliser en cas d’arthrose de la main.
Les conseils ergonomiques
Deuxièmement, des conseils ergonomiques peuvent être donnés aux patients :
• bien répartir les charges sur les deux mains,
• éviter certains mouvements répétitifs,
• éviter les prises prolongées dans une même position,
• utiliser une prise aussi large que possible.
Les conseils ergonomiques ont montré une amélioration de la douleur et de la fonction à moyen et long termes.
Les aides techniques
Des aides techniques peuvent également être proposées afin d’améliorer la performance et la satisfaction du patient :
• facilitation de la préhension avec aide à l’ouverture de bocaux ou bouteilles,
• élargissement de la prise
• ou assistance technique (ouvre-bouteilles à piles par exemple).
Elles peuvent être fabriquées par des ergothérapeutes ou achetées par le patient.
Tout comme les conseils ergonomiques, la balance bénéfice/risque est très favorable.
Les orthèses de repos
Les orthèses de repos sont à proposer dans la prise en charge de la rhizarthrose notamment, et peuvent l’être dans l’arthrose des doigts longs, avec là aussi une balance bénéfice/risque très favorable. Dans la rhizarthrose, il n’y a pas de preuve de différence d’efficacité entre les différents types d’orthèses, mais il est d’usage de recommander des orthèses comprenant la première métacarpophalangienne, rigides et sur mesure (8, 9).
Les approches complémentaires
En termes d’approches complémentaires, il n’est pas recommandé d’utiliser les ondes électromagnétiques, le laser, l’acupuncture ou les bandes adhésives de contention du fait d’un faible niveau de preuve. En revanche, l’application locale de chaleur, via les bains de boue ou de paraffine, peut apporter un bénéfice (faible niveau de preuve).
Les traitements pharmacologiques
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens topiques
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) topiques sont recommandés, car ils ont prouvé leur efficacité dans l’amélioration de la douleur et de la fonction. À titre indicatif, la posologie qui a montré son efficacité pour le diclofénac est une application quatre fois par jour pendant 3 à 8 semaines (10).
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens par voie orale
Les AINS par voie orale peuvent également être proposés : cependant, il faut particulièrement prêter attention aux comorbidités des patients, notamment cardiovasculaires, rénales et gastro-
intestinales, qui imposent la plus grande prudence dans cette population âgée et souvent comorbide. Dans ce contexte, ils doivent être utilisés à la posologie la plus faible et pour la durée la plus courte, et donc, en pratique, être limités aux poussées douloureuses (11). À noter qu’ils n’ont pas montré de supériorité par rapport aux AINS topiques, généralement mieux tolérés.
La corticothérapie orale
Une courte corticothérapie orale peut également être prescrite lors des poussées inflammatoires polyarticulaires, pour une durée limitée et à une posologie faible (équivalent 10 mg prednisolone). L’efficacité de ce traitement a été montrée dans un essai randomisé contrôlé de haut niveau de preuve avec amélioration à la fois de la douleur et de la fonction (12).
Le paracétamol
Peu de données sont disponibles concernant le paracétamol dans l’arthrose des mains et notamment aucune étude contrôlée contre placebo. Sur avis d’expert, il peut être donc envisagé selon une durée limitée.
La balance bénéfice/risque est en revanche défavorable concernant l’utilisation de palier 2 ou 3.
La chondroïtine sulfate
La chondroïtine sulfate fait également partie de l’arsenal thérapeutique dans l’arthrose de la main : elle peut être envisagée à la posologie de 800 mg par jour, pour améliorer la douleur et la fonction, mais sans effet structural attendu (13).
Les infiltrations intra-articulaires
La place des infiltrations intra-articulaires de dérivés cortisonés est assez faible dans l’arthrose de la main : en effet, sa seule indication est l’arthrose des interphalangiennes proximales ou distales en poussée inflammatoire avec un essai positif bien mené (14). En revanche, aucun essai contrôlé randomisé contre placebo n’est positif dans la rhizarthrose, ce qui n’a pas conduit à les recommander (15, 16). Les infiltrations d’acide hyaluronique et de plasma riche en plaquettes ne sont pas recommandées.
Autres traitements
À l’heure actuelle, la colchicine, l’hydroxychloroquine, le méthotrexate et les traitements biologiques anti-cytokiniques n’ont pas leur place dans la prise en charge thérapeutique de l’arthrose de la main. À noter cependant un essai contrôlé positif pour le méthotrexate, avec un effet taille faible nécessitant des études futures (17).
Déclaration des liens d’intérêt – Inès Kouki : conférence pour IBSA, postérieure à l’élaboration des recommandations – Alice Courties : conférence et prise en charge de frais de congrès par IBSA, postérieure à l’élaboration des recommandations.
Bibliographie
1. Qin J, Barbour KE, Murphy LB et al. lifetime risk of symptomatic hand osteoarthritis: The Johnston County osteoarthritis project. Arthritis Rheumatol 2017 ; 69 : 1204‑12.
2. Marshall M, van der Windt D, Nicholls E et al. Radiographic hand osteoarthritis: patterns and associations with hand pain and function in a community-dwelling sample. Osteoarthritis Cartilage 2009 ; 17 : 1440‑7.
3. Zhang Y, Niu J, Kelly-Hayes M et al. Prevalence of symptomatic hand osteoarthritis and its impact on functional status among the elderly: The Framingham Study. Am J Epidemiol 2002 ; 156 : 1021‑7.
4. Dillon CF, Hirsch R, Rasch EK et al. Symptomatic hand osteoarthritis in the United States: prevalence and functional impairment estimates from the third U.S. National Health and Nutrition Examination Survey, 1991-1994. Am J Phys Med Rehabil 2007 ; 86 : 12‑21.
5. Kloppenburg M, Kroon FP, Blanco FJ et al. 2018 update of the EULAR recommendations for the management of hand osteoarthritis. Ann Rheum Dis 2019 ; 78 : 16‑24.
6. Ahern M, Skyllas J, Wajon A et al. The effectiveness of physical therapies for patients with base of thumb osteoarthritis: Systematic review and meta-analysis. Musculoskelet Sci Pract 2018 ; 35 : 46‑54.
7. Østerås N, Kjeken I, Smedslund G et al. Exercise for hand osteoarthritis. Cochrane Database Syst Rev 2017 ; 1 : CD010388.
8. Buhler M, Chapple CM, Stebbings S et al. Effectiveness of splinting for pain and function in people with thumb carpometacarpal osteoarthritis: a systematic review with meta-analysis. Osteoarthritis Cartilage 2019 ; 27 : 547‑59.
9. Meireles SM, Jones A, Natour J. Orthosis for rhizarthrosis: A systematic review and meta-analysis. Semin Arthritis Rheum 2019 ; 48 : 778‑90.
10. Altman RD, Dreiser RL, Fisher CL et al. Diclofenac sodium gel in patients with primary hand osteoarthritis: a randomized, double-blind, placebo-controlled trial. J Rheumatol 2009 ; 36 : 1991‑9.
11. Grifka JK, Zacher J, Brown JP et al. Efficacy and tolerability of lumiracoxib versus placebo in patients with osteoarthritis of the hand. Clin Exp Rheumatol 2004 ; 22 : 589‑96.
12. Kroon F, Kortekaas M, Boonen A et al. Six-week treatment with low-dose prednisolone in patients with painful hand osteoarthritis (HOPE): results from a randomised Double-blind Placebo-controlled Trial. Arthritis Rheumatol 2019 ; 71 : 3150‑2.
13. Gabay C, Medinger-Sadowski C, Gascon D et al. Symptomatic effects of chondroitin 4 and chondroitin 6 sulfate on hand osteoarthritis: a randomized, double-blind, placebo-controlled clinical trial at a single center. Arthritis Rheum 2011 ; 63 : 3383‑91.
14. Spolidoro Paschoal N de O, Natour J, Machado FS et al. Effectiveness of triamcinolone hexacetonide intraarticular injection in interphalangeal joints: a 12-week randomized controlled trial in patients with hand osteoarthritis. J Rheumatol 2015 ; 42 : 1869‑77.
15. Meenagh GK, Patton J, Kynes C et al. A randomised controlled trial of intra-articular corticosteroid injection of the carpometacarpal joint of the thumb in osteoarthritis. Ann Rheum Dis 2004 ; 63 : 1260‑3.
16. Heyworth BE, Lee JH, Kim PD et al. Hylan versus corticosteroid versus placebo for treatment of basal joint arthritis: a prospective, randomized, double-blinded clinical trial. J Hand Surg 2008 ; 33 : 40‑8.
17. Wang Y, Jones G, Keen HI et al. Methotrexate to treat hand osteoarthritis with synovitis (METHODS): an Australian, multisite, parallel-group, double-blind, randomised, placebo-controlled trial. Lancet 2023 ; 402 : 1764‑72.