Alors que l’obésité induit des effets négatifs sur l’ensemble des tissus de l’organisme, la réponse est beaucoup plus complexe au niveau du tissu osseux. De nombreuses études montrent notamment qu’une surcharge pondérale a un effet protecteur sur le risque de fracture, en particulier ostéoporotique, ou encore de hanche. Cependant, quand l’IMC passe au-dessus du seuil du surpoids, l’effet protecteur persiste, mais pas de manière linéaire : ainsi, les personnes en surpoids ou obèses ont moins de fractures que celles de poids normal, mais les sujets obèses n’ont pas moins de fractures que ceux en surpoids. Cet effet protecteur n’est plus mis en évidence si les résultats sont ajustés à la densité minérale osseuse. Il s’agirait donc d’un mécanisme adaptatif induisant une augmentation de la densité minérale osseuse qui protège les patients de l’apparition de fractures.
IMC et risque fracturaire
Effet protecteur du surpoids
Plusieurs études ont montré cet effet protecteur du surpoids sur le risque fracturaire. La méta-analyse de Johansson et al., publiée en 2014, et incluant près de 400 000 femmes, a analysé de manière globale la relation entre l’indice de masse corporelle (IMC) et les fractures, en différenciant certaines fractures (1). Les résultats ont confirmé que les sujets très maigres faisaient plus de fractures que les sujets de poids normal, notamment au niveau des sites habituels des fractures ostéoporotiques (hanche, vertèbres par exemple) (Fig. 1).
Figure 1 – IMC et risque fracturaire (A. Sans ajustement. B. Avec ajustement selon la densité minérale osseuse) (1).
Complexité de la relation obésité-risque fracturaire
La méta-analyse de Johansson et al.
Ils ont également montré, pour la première fois, que les sujets obèses présentaient une incidence plus élevée, non pas de toutes les fractures (du fait de l’effet protecteur), mais seulement de certaines : humérus et coude (1).
S’agissant d’une méta-analyse (informations parcellaires et parfois peu précises), les données doivent être interprétées avec précautions, cependant, d’autres études ont montré, parallèlement et par la suite, que la relation entre obésité et tissu osseux était complexe.
L’étude de cohorte internationale GLOW
L’étude de cohorte internationale GLOW qui incluait des dizaines de milliers de femmes analysait la prévalence et l’incidence des fractures (2). Après avoir réparti les patientes en trois catégories (sous-poids, poids normal, obésité), ils ont observé que les femmes les plus maigres avaient fait plus de fractures ostéoporotiques (hanche, rachis, poignet), comme attendu, mais que les sujets obèses, comparativement aux sujets non obèses, avaient fait plus fréquemment des fractures de la cheville et de l’extrémité inférieure du tibia (fractures prévalentes). En assurant un suivi régulier, ils ont démontré exactement les mêmes résultats pour les fractures incidentes (qui surviennent dans le cadre du suivi prospectif). Bien évidemment, il y avait beaucoup plus de fractures prévalentes que de fractures incidentes.
La base de données de Catalogne
Ces données ont été reproduites dans d’autres études, notamment celles issues d’une base de données importante qui a donné lieu à de nombreuses publications. Cette base de données de la Catalogne, de type SNDS, comprend environ 5 millions de personnes. En se focalisant sur les femmes de plus de 50 ans, dont 800 000 pour lesquelles l’IMC était connu, les auteurs de cette étude ont pu le relier au risque de survenue de nouvelles fractures (3). Comme attendu, les sujets en surpoids (IMC > 25), par rapport aux sujets non obèses, faisaient moins de fractures de hanche, de poignet, de vertèbres, du bassin, mais, comme dans l’étude GLOW, plus de fractures de l’humérus (Fig. 2).
Figure 2 – IMC et localisation des fractures (3).
L’étude de cohorte One Million Women Survey
Ces résultats ont également été retrouvés dans une autre étude, cette fois-ci de cohorte, en l’occurrence la cohorte One Million Women Survey, dont l’objectif principal était de voir l’effet d’un traitement hormonal de la ménopause sur l’incidence du cancer du sein (4). Dans ce cadre, différents paramètres ont été évalués et notamment les relations entre IMC et fractures. Encore une fois, il a été montré que les sujets très maigres faisaient plus de fractures du poignet, du fémur, mais moins de fractures de l’humérus et de la cheville (Fig. 3).
Figure 3 – Analyse des fractures incidentes en fonction de l’IMC (4).
L’étude de cohorte finlandaise
Plus récemment, une large étude de cohorte finlandaise, sur un suivi de 25 ans, s’est intéressée aux relations qui existaient entre l’IMC et l’éventualité de survenue d’une fracture de hanche (5). Dans la sous-population la plus jeune de l’étude (entre 58 et 70 ans), de manière un peu inattendue et sans explication évidente, les auteurs ont montré qu’il y avait plus de fractures de hanche chez les sujets obèses par rapport aux sujets qui avaient un poids normal (Fig. 4 et 5).
Figure 4 – Obésité et fractures de hanche dans la sous-population de sujets âgés de 58 à 70 ans (vert : poids normal, orange : surpoids, rouge : obésité) (5).
Figure 5 – Obésité et fractures de hanche dans la sous-population de sujets âgés de plus de 70 ans (vert : poids normal, orange : surpoids, rouge : obésité) (5).
Le taux de fractures le plus bas, dans cette sous-population, étaient retrouvé chez ceux qui étaient en surpoids. Ces résultats laissent entendre que, comme on l’observe parfois dans certains domaines médicaux, les plus maigres font plus de fractures de la hanche que ceux avec un poids normal, ou en surpoids, et que de l’autre côté de la courbe en U, les sujets obèses en feraient également plus (Fig. 6).
Figure 6 – Fractures de hanche selon l’IMC (5).
À retenir
• L’obésité n’est pas bonne pour la santé, sans être mauvaise pour la santé osseuse.
• Les sujets obèses présentent globalement moins de fractures, mais le risque de fractures est dépendant de la localisation.
IMC et fractures vertébrales
Résultats radiographiques
Les radiographies peuvent permettre de mettre en évidence une déformation vertébrale et par analogie l’éventualité d’une fracture vertébrale selon des critères prédéfinis. Ainsi, lorsqu’il y a une diminution importante de la hauteur vertébrale, on peut considérer qu’il s’agit d’une fracture de vertèbre. Sur cette base, une étude, qui date d’une dizaine d’années, a montré des résultats “attendus” chez les hommes, à savoir que les sujets les plus maigres faisaient plus de fractures que les sujets plus gros, et que les sujets obèses en faisaient très peu (6). Cependant, chez la femme, les résultats montrent l’inverse (Fig. 7). Il faut rester prudent quant à l’interprétation de cette étude, qui est critiquable en plusieurs points :
• les résultats sont fondés sur les déformations observées en radiographie ; certaines sont des fractures, mais sans doute pas toutes ;
• il s’agit d’une étude transversale et non longitudinale ;
• qui inclut à la fois des hommes et des femmes sachant que le diagnostic de fracture vertébrale est parfois difficile chez l’homme avec un facteur de confusion, à savoir les dystrophies osseuses de croissance.
Figure 7 – IMC et déformations vertébrales (6).
L’étude de cohorte UK Biobank
La relation entre fractures vertébrales et obésité reste assez complexe. Et cette complexité est également illustrée par une étude plus récente, qui s’est intéressée à une large cohorte, la UK Biobank, d’au moins 500 000 hommes et femmes (7). Il s’agissait de savoir s’il y avait plus de fractures vertébrales chez celles et ceux qui étaient au seuil de l’obésité.
Résultats
L’étude n’a montré aucun lien entre les deux. Il était clair, en bonne concordance avec les études, que les personnes maigres faisaient globalement plus de fractures, mais les personnes obèses ne faisaient pas plus de fractures que les non obèses (Tab. 1). Encore une fois, cette étude comporte des limites, avec en premier lieu le recueil des données : sur la base d’un questionnaire collectant les éventuels antécédents de fractures de vertèbres. Il faut donc rester prudent avant de conclure.
Association aux facteurs de risque classiques d’ostéoporose
Afin de répondre à cette critique, les auteurs ont également étudié un certain nombre de facteurs de risque classiques de fractures de vertèbres, comme l’âge, le sexe, le fait d’avoir un antécédent chez un parent du premier degré de fracture de hanche, le fait de fumer, d’avoir une polyarthrite, etc. Au total, dans toutes ces catégories, on retrouvait des résultats cohérents. En d’autres termes, les personnes qui avaient un antécédent de fracture de hanche d’un parent du premier degré avaient un risque très augmenté avec un odds ratio à quatre de faire une fracture de vertèbre selon les critères définis ; de même pour celles qui fumaient, et pour celles qui avaient une polyarthrite rhumatoïde. Ce qui laisse entendre que, certes, il n’y avait pas une certitude diagnostique de fracture de vertèbres, mais que certainement la majorité d’entre elles devaient avoir une fracture de vertèbres puisque celles qui avaient des facteurs de risque classiques d’ostéoporose avaient, dans cette population, un risque beaucoup plus important de fractures de vertèbres.
L’indice de fragilité
Li et al. se sont intéressés aux fractures ostéoporotiques majeures (vertèbre, hanche, poignet et extrémité supérieure du fémur) et ont essayé de les corréler à un indice de fragilité validé dans la littérature (8). Ils ont remarqué que la relation entre le poids et le risque fracturaire était dépendante de cet indice de fragilité : plus un sujet est fragile (avec des comorbidités), plus son risque de fracture est augmenté, même en cas d’obésité (Fig. 8).
Figure 8 – Obésité, fractures ostéoporotiques majeures et fragilité (8).
Ces relations sont-elles les mêmes chez les hommes et chez les femmes ?
La majorité des études présentées précédemment se sont intéressées assez logiquement à des femmes, puisque les fractures de fragilité sont plus fréquentes chez les femmes que chez les hommes. Cependant, les résultats observés sont-ils également retrouvés chez les hommes ? La réponse est oui.
Par exemple, au sein de la cohorte de Catalogne, les mêmes études ont été réalisées sur la population masculine, et les résultats étaient similaires (9) : les hommes obèses présentaient plus de fractures d’humérus que les hommes non obèses. Les hommes obèses faisaient néanmoins moins de fractures de vertèbre cliniques, moins de fractures du poignet et moins de fractures du bassin (Fig. 9).
Figure 9 – Obésité et fractures chez l’homme (9).
Quels sont les effets de la perte et de la prise de poids ?
En résumé, la prise de poids protège le squelette alors que la perte de poids a tendance à le dégrader (Fig. 10) (10).
Figure 10 – Obésité et fractures chez l’homme (9).
À retenir
Sur un plan de l’épidémiologie des fractures au cours de l’obésité (Tab. 2) (2, 3, 9) :
Chez la femme, l’obésité :
• expose à une augmentation du risque de fractures de cheville, de l’extrémité inférieure du tibia, de l’humérus, peut-être de vertèbres ;
• a contrario, elle protège quant à l’apparition d’une fracture du poignet, de la hanche et du bassin.
Chez l’homme, les résultats sont un peu identiques, mais moins documentés. L’obésité dans la population masculine :
• expose à une augmentation du risque de fractures de cheville et de l’humérus, et peut-être de côtes ;
• réduirait le risque de fractures de hanche, du poignet et du bassin.
Quelle conséquence sur la mortalité ?
Certaines fractures, indépendamment de l’obésité, sont associées à une mortalité plus importante comparativement aux mêmes sujets avec les mêmes antécédents mais qui n’ont pas fait ces fractures. Ce surrisque de mortalité a globalement été démontré tant chez l’homme que chez la femme pour les fractures de hanche, de vertèbre, de l’humérus et du bassin.
Cas de la fracture de hanche
La fracture de hanche nécessitant systématiquement une hospitalisation, il existe de nombreuses données épidémiologiques dans le monde entier, et notamment en France. Il a ainsi été observé une surmortalité après une hospitalisation pour fracture de hanche par rapport à la même population hospitalisée pour un autre motif, avec environ 25 % de décès dans l’année qui suit (30 % chez l’homme, 20 % chez la femme).
Effet de l’obésité
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, chez les sujets obèses (qui présentent donc de nombreuses comorbidités), cette surmortalité est moindre que chez les sujets les plus maigres (IMC < 18-19) (11). Et ceci est vrai pour toutes les fractures qui induisent une surmortalité (humérus, hanche, vertèbres), pas les autres (Tab. 3 et 4).
La densitométrie osseuse
Densitométrie osseuse et fractures ostéoporotiques
La densitométrie osseuse est un outil de pratique quotidienne remboursé qui permet de caractériser la fragilité osseuse. D’après de nombreuses études épidémiologiques, il existe un lien étroit entre le fait d’avoir, à un moment t, une densité osseuse basse, et le fait de voir apparaître, quelques mois ou quelques années plus tard, une fracture typiquement ostéoporotique comme une fracture de vertèbres, de bassin, ou encore du poignet.
Densitométrie osseuse et obésité
Les sujets obèses ont globalement une densité osseuse plus élevée que les sujets non obèses comme indiqué antérieurement. Plusieurs études de cohorte se sont intéressées au lien entre abaissement de la densité osseuse et probabilité de voir apparaître ultérieurement une fracture en situation d’obésité. De plus, ces études montrent qu’un sujet obèse fracturé a une densité osseuse plus basse qu’un sujet obèse non fracturé (Tab. 5) ; mais qu’un sujet obèse fracturé a une densité osseuse plus élevée qu’un sujet fracturé non obèse (12).
Les contraintes du poids
La mesure de la densité minérale osseuse est donc un outil prédictif, y compris en cas d’obésité. Cependant, techniquement, cette mesure chez le sujet obèse est compliquée. Premièrement, la table utilisée ne résiste pas au-delà de 250 kilos. De plus, par définition, quand on est obèse, on a un pannicule adipeux très important, notamment au niveau abdominal ; et ce pannicule gêne la mesure, au niveau de la hanche (doit-on le mettre devant la hanche ou sur le côté ?).
L’indice FRAX
Nous avons à notre disposition un indice permettant d’évaluer la probabilité de fracture majeure (hanche, vertèbre, poignet, humérus) à 10 ans : l’indice FRAX. Il s’agit d’un score facile à mesurer, qui tient compte du poids, de la taille, des antécédents de fractures, des antécédents familiaux de fractures, de la consommation d’alcool… Plus il est élevé et plus la probabilité de faire une fracture est grande. Les études ont montré que l’indice FRAX est également prédictif en cas d’obésité (13).
Fragilité osseuse et obésité : quels sont les mécanismes ?
Le fait que le surpoids soit protecteur du risque fracturaire est lié certainement à un ensemble de facteurs. Actuellement, nous n’en maîtrisons pas complètement les raisons. Nous émettons donc des hypothèses dans les deux sens :
• pourquoi les personnes en surpoids sont-elles protégées ?
• Et pourquoi ce phénomène n’est-il pas infini, et que, quand on atteint le seuil de l’obésité, la protection est-elle moins nette ?
Un mécanisme adaptatif
Le premier aspect est qu’il existe un mécanisme adaptatif qui induit une augmentation de la densité osseuse, pour des raisons certainement mécaniques. Il y a une conversion, chez la femme particulièrement, mais également chez l’homme, au niveau du tissu adipeux entre les androgènes et les œstrogènes. Des études ont démontré que, quand l’œstradiolémie résiduelle est faible, le risque de fracture est plus élevé. Ce qui est le cas notamment des femmes ménopausées en l’absence de sécrétion ovarienne. Par ailleurs, l’œstradiolémie résiduelle est très corrélée au poids.
Les propriétés sécrétoires du tissu adipeux
Le tissu adipeux n’est pas un tissu inerte qui se remplit uniquement de gras.
La leptine
En effet, il possède des propriétés sécrétoires, il secrète notamment des adipokines ; la plus connue étant la leptine. Or plusieurs études ont montré que le taux de leptine mesuré en périphérie au niveau du sang circulant est corrélé positivement avec la densité osseuse. En d’autres termes, plus le taux de leptine est élevé (plus le poids est important et plus il va être élevé) et plus la densité osseuse est élevée et moins le risque de fractures est élevé.
L’adiponectine
Par ailleurs, l’adiponectine, une autre adipokine, qui intervient essentiellement dans les phénomènes inflammatoires et également au niveau du métabolisme cardiovasculaire, a certainement aussi un effet au niveau osseux avec des résultats “inverses” par rapport à la leptine. En d’autres termes, plus le taux d’adiponectine est bas et plus on serait protégé contre l’éventualité de survenue d’une fracture.
Si le raisonnement est poussé à l’extrême, un sujet obèse par rapport à un sujet en surpoids secrète plus de leptine, donc théoriquement il devrait être encore plus protégé. Or nous avons vu que ce n’était pas tout à fait le cas. Deux éléments pourraient expliquer le fait que certaines fractures surviennent chez les obèses.
Les cytokines inflammatoires et les chutes
La sécrétion de cytokines pro-inflammatoires, toujours les mêmes, IL-6, TNF,α pourrait être dépendante du poids. Une trop importante sécrétion pourrait être délétère pour la santé osseuse.
L’hypothèse mécanique
Quand un sujet obèse tombe, l’énergie cinétique dépensée au niveau du sol est beaucoup plus importante que chez un sujet non obèse, pouvant induire des fractures.
Il s’avère par ailleurs que le pannicule graisseux présent en cas d’obésité est moins important au niveau de l’humérus qu’au niveau de la hanche. Ce qui expliquerait le risque de fractures de l’humérus par rapport à la hanche. Les raisons sont moins claires au niveau de l’extrémité inférieure du tibia.
À retenir
Fragilité osseuse et obésité : quels mécanismes ?
• Augmentation du risque de chute
• Impact supérieur des chutes
• Diminution des mesures de protection
• Forces biomécaniques altérées
= Trauma
• Adipokines/cytokines
• Diminution de la mobilité
• Insuffisance en vitamine D
• Hyperparathyroïdie secondaire
= Réduction de la résistance osseuse
Les traitements anti-ostéoporotiques sont-ils aussi efficaces, moins efficaces ou plus efficaces chez les sujets obèses ?
Peu de données sont disponibles pour répondre à cette question. Des résultats, issus d’études post-hoc de grands essais thérapeutiques, montrent globalement qu’il n’y a pas de différence d’efficacité, ce qui est assez logique. Il est important de préciser que la posologie des traitements anti-ostéoporotiques n’est pas adaptée en fonction du poids du patient. En effet, ce sont des molécules très particulières, qui n’ont qu’un tropisme osseux (il n’y a pas d’accumulation ailleurs dans l’organisme), et un sujet qu’il soit obèse ou non obèse, a une masse squelettique relativement équivalente.
À retenir
• L’obésité ne protège pas de la totalité des fractures.
• L’obésité ne “contre-indique” pas la réalisation d’une densitométrie osseuse.
• Les sous-analyses des essais thérapeutiques ne semblent pas mettre en évidence une moindre efficacité des traitements chez les sujets obèses.
• Il n’y a pas d’étude ayant évalué l’effet des traitements chez des sujets obèses dont la densité minérale osseuse est normale.
Bernard Cortet n’a pas de liens d’intérêt en rapport avec cet article.
Bibliographie
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Retentissement osseux de la chirurgie bariatrique
Présentation des recommandations françaises concernant la prévention et le traitement de l’ostéoporose secondaire à la chirurgie bariatrique
Résumé
Les mesures générales sont applicables chez tous les patients ayant une indication à la chirurgie bariatrique ou ayant déjà été opérés : normaliser les apports en calcium et en protéines, obtenir une concentration en 25(OH) vitamine D entre 30 et
60 ng/ml, prévenir le risque de chute et promouvoir une activité physique adaptée. Une première évaluation du risque de fracture (idéalement avant une première chirurgie bariatrique) doit être systématique (i) quel que soit l’âge en cas de RYGB et de dérivation biliopancréatique, (ii) quel que soit l’âge pour les patients à haut risque fracturaire, et (iii) chez toutes les femmes ménopausées et les hommes ≥ 50 ans quelle que soit la procédure chirurgicale. L’évaluation du risque de fracture repose sur le recueil des facteurs de risque d’ostéoporose et la mesure de la densité minérale osseuse. Un traitement antiostéoporotique (acide zolédronique en première intention) est indiqué chez les femmes ménopausées et les hommes ≥ 50 ans en cas d’antécédent (i) de fracture sévère quel que soit le T-score, (ii) de fracture non sévère et d’un T-score ≤ -1, et en l’absence de fracture si T-score ≤ -2.
Abstract
Bone impact of bariatric surgery
The following generally recommended measures apply to all patients with an indication for bariatric surgery or who have already undergone bariatric surgery: normalize calcium and protein intake, attain a 25(OH) vitamin D concentration of between 30 and 60 ng/mL; prevent the risk of falls, and introduce a suitable regimen of physical activity. An initial assessment of fracture risk should be routinely performed – ideally before the first bariatric surgery procedure – (i) in the case of RYGB and biliopancreatic diversion, regardless of age, (ii) in patients at high risk of fracture, regardless of age, and (iii) in all menopausal women and all men ≥ 50 years old, regardless of the type of bariatric surgical procedure. The fracture risk assessment is based on a determination of osteoporosis risk factors and bone mineral density measurements. Anti-osteoporosis treatment – zoledronic acid as the first line of treatment – is indicated for menopausal women and men ≥ 50 years old with (i) a history of severe fracture, regardless of T-score, (ii) a history of non-severe fracture and a T-score ≤ -1, and (iii) no history of fracture and a T-score ≤ -2.
Introduction
Épidémiologie
Environ 40 à 50 000 actes de chirurgie bariatrique sont réalisés en France par an (1). Il y a eu, en 2016, 59 300 actes avec la répartition suivante :
• sleeve gastrectomie (SG, 58,5 %),
• Roux-en-Y gastric bypass (RYGB, ~ 25 %),
• gastroplastie par anneau gastrique (AG, < 5 %)
• et dérivation biliopancréatique (DBP, < 100 procédures/an).
Actuellement, en France, plus de 600 000 personnes ont déjà bénéficié d’une chirurgie bariatrique (~ 1 % de la population adulte française). Les femmes représentent plus de 80 % des patients opérés. L’âge moyen était de 41,6 ans en 2016 et la plupart des patients avaient entre 25 et 54 ans (1). Par le monde, l’âge moyen des patients pris en charge augmente (2). En France, la proportion de patients de 55 ans ou plus est passée de 9,3 à 16,2 % entre 1997 et 2016 (1).
Les bénéfices
Cette chirurgie de l’obésité permet d’obtenir une perte de poids importante et durable. Celle-ci est variable selon le type de chirurgie ainsi que la reprise de poids (3, 4). La chirurgie bariatrique permet une amélioration de la qualité de vie et une amélioration, voire une rémission, de certaines comorbidités associées à l’obésité comme le diabète, le syndrome d’apnée obstructive du sommeil ou l’hypertension artérielle (5-7). La chirurgie bariatrique permet de diminuer les risques de cancers liés à l’obésité et elle réduit même la mortalité sur le long terme (8, 9).
Les complications osseuses
En revanche, la chirurgie bariatrique a un retentissement osseux délétère (10, 11) :
(i) une augmentation des marqueurs du remodelage osseux,
(ii) une diminution de la densité minérale osseuse (DMO),
(iii) une altération des paramètres de la microarchitecture osseuse
(iv) et surtout une augmentation du risque de fracture. La physiopathologie de cette complication reste encore discutée (10-12).
La majorité des études épidémiologiques observationnelles a mis en évidence une association entre la chirurgie bariatrique et une augmentation du risque de fracture (10-13). L’augmentation du risque de fracture dépend de la procédure chirurgicale et elle est plus importante après un RYGB et une DBP qu’après une SG, et semble être faible après un AG. Les fractures de hanche et du poignet sont les plus fréquemment rapportées. Cette augmentation du risque fracturaire est retrouvée à partir de la troisième année, et le risque à long terme reste largement méconnu (14, 15).
Les autres paramètres osseux (DMO, marqueurs du remodelage osseux et microarchitecture osseuse) sont altérés précocement (dès les 6 premiers mois) et durablement (recul disponible jusqu’à 7-10 ans) avec le RYGB (10-12). Les études comparatives entre la SG et le RYGB suggèrent un retentissement osseux moindre avec la SG, même si des données complémentaires restent nécessaires (10, 11, 16).
Les recommandations
Malgré le nombre important d’actes de chirurgie bariatrique annuel en France et son retentissement osseux, il n’existait pas jusqu’alors de recommandations relatives à la prévention et au traitement de l’ostéoporose secondaire à la chirurgie bariatrique. Des recommandations ont été récemment établies à destination des professionnels de santé, sous l’égide du Groupe de recherche et d’information sur les ostéoporoses (GRIO) et de la Société française de rhumatologie (SFR), en partenariat avec la Fédération française de nutrition (FFN), la Société française et francophone de chirurgie de l’obésité et des maladies métaboliques (SOFFCO-MM) et la Société française de médecine de l’exercice et du sport (SFMES) et une association de patients (Collectif national des associations d’obèses).
Recommandations
La figure 1 permet de résumer l’ensemble de ces recommandations.
Figure 1 – Évaluation du risque fracturaire chez les patients ayant une indication à la chirurgie bariatrique ou déjà opérés.
Qui évaluer ?
Recommandation 1
Il est recommandé d’appliquer chez tous les patients ayant une indication à la chirurgie bariatrique (ou ayant déjà été opérés) la démarche suivante :
• donner une information éclairée sur le risque de fragilité osseuse post-chirurgie ;
• rechercher un antécédent de fracture de fragilité à l’âge adulte après 40 ans ;
• mesurer la taille ;
• évaluer les apports calciques alimentaires ;
• doser les paramètres biologiques du métabolisme phosphocalcique (phosphatémie, calcémie, 25(OH) vitamine D et parathormone intacte (PTHi)), la fonction rénale et l’albuminémie.
Quand ?
Cette première recommandation est valable pour tous les patients. Cette démarche s’applique idéalement avant une première chirurgie bariatrique dans les 6 mois précédant celle-ci. Chez les patients déjà opérés, cette démarche est applicable à n’importe quel moment du suivi.
Recommandation 2
Une première évaluation du risque de fracture (idéalement avant une première chirurgie) :
• chez tous les patients en cas de RYGB et de DBP, quel que soit l’âge, compte tenu d’une perte osseuse et d’un risque de fracture particulièrement augmentés après ces deux procédures ;
• chez l’homme après 50 ans et chez la femme ménopausée, quel que soit le type de chirurgie ;
• chez tous les patients à haut risque fracturaire, quel que soit l’âge (cf. infra).
Quand ?
Cette première évaluation du risque de fracture s’applique idéalement avant une première chirurgie bariatrique dans les 6 mois précédant celle-ci. Chez les patients déjà opérés, cette première évaluation est applicable à n’importe quel moment du suivi si cette évaluation n’a pas eu lieu avant la chirurgie.
Les patients à haut risque fracturaire
Cette évaluation cible la population considérée comme étant la plus à risque de fracture de fragilité : les hommes après 50 ans, les femmes ménopausées, les patients à haut risque fracturaire (quelle que soit la chirurgie envisagée ou déjà réalisée) et tous les patients en cas de RYGB et de DBP compte tenu d’une perte osseuse et d’un risque de fracture particulièrement augmentés après ces deux procédures.
Cette première évaluation du risque de fracture comporte notamment la recherche des facteurs de risque d’ostéoporose et la réalisation d’une mesure de la DMO par absorptiométrie biphotonique à rayons X (DXA).
Les patients à haut risque fracturaire sont :
• ceux ayant un antécédent de fracture de fragilité après 40 ans ;
• ceux ayant des comorbidités fréquemment associées à une ostéoporose (certaines endocrinopathies, maladies neurologiques avec handicap neurosensoriel, cirrhose hépatique, bronchopathie chronique obstructive > stade 1, maladies inflammatoires chroniques) ;
• ceux ayant des médications fréquemment associées à une ostéoporose (corticothérapie, agoniste LH-RH, antirétroviraux, antiaromatases, chimiothérapie prolongée)
La fracture de fragilité osseuse
Une fracture de fragilité osseuse est définie comme survenant à l’issue d’un traumatisme de faible énergie telle qu’une chute de sa hauteur. Les fractures par fragilité osseuse peuvent intéresser tous les os, à l’exception du crâne, de la face, des vertèbres cervicales et au-dessus de la vertèbre thoracique n°4 (T4), des orteils, de la main et des doigts.
Les fractures sévères
Certaines fractures dites sévères sont associées à un excès de mortalité ; ce sont les fractures :
• de l’extrémité supérieure du fémur (FESF),
• de l’extrémité supérieure de l’humérus (FESH),
• des vertèbres,
• du pelvis,
• du bassin ou sacrum,
• de la diaphyse fémorale et du fémur distal,
• de trois côtes simultanées
• et du tibia proximal.
Les fractures non sévères sont représentées par les autres fractures (poignet par exemple).
Comment évaluer ?
Les outils d’évaluation doivent être employés idéalement avant une première chirurgie bariatrique dans les 6 mois précédant celle-ci. Chez les patients déjà opérés, ces outils sont utilisables à n’importe quel moment du suivi.
Recommandation 3
Le diagnostic d’ostéoporose et l’évaluation du risque de fracture ostéoporotique reposent sur la recherche des antécédents de fracture(s) non vertébrale(s) et vertébrale(s), et la réalisation d’une imagerie vertébrale à la recherche de fractures dès lors qu’il existe une circonstance clinique évocatrice de fractures vertébrales.
Le Fracture Risk Assessment Tool (FRAX®) est à réserver aux situations pour lesquelles la décision de traiter ou de ne pas traiter est difficile à prendre, chez des patients de 40 ans ou plus et pesant moins de 125 kg.
Recommandation 4
Le diagnostic d’ostéoporose et l’évaluation du risque de fracture ostéoporotique incluent la mesure de la DMO par absorptiométrie biphotonique à rayons-X (DXA) au rachis lombaire et à l’extrémité supérieure du fémur.
Recommandation 5
L’évaluation du risque de fracture doit inclure l’évaluation du risque de chute.
Recommandation 6
Chez tous les patients, il est recommandé de réaliser systématiquement le bilan biologique suivant : calcémie, phosphatémie, 25(OH) vitamine D, PTHi, albuminémie, et créatininémie.
Ce bilan biologique minimal est indispensable chez tous les patients pour :
• ne pas méconnaître des troubles du métabolisme phosphocalcique,
• calculer la calcémie corrigée et rechercher une autre cause d’ostéopathie fragilisante (ostéomalacie, hyperparathyroïdie primaire ou ostéodystrophie rénale par exemple),
• et vérifier l’absence de contre-indication à la mise en route d’un éventuel traitement anti-ostéoporotique.
Qui traiter ?
Ces recommandations sont applicables à tous les patients ayant une indication à la chirurgie bariatrique. Elles s’appliquent idéalement avant une première chirurgie bariatrique dans les 6 mois précédant celle-ci. Chez les patients déjà opérés, cette démarche est applicable à n’importe quel moment du suivi. Pour les patients ayant déjà été opérés et sans réintervention envisagée, il n’est pas possible d’aborder toutes les situations, mais ces recommandations sont également applicables tout particulièrement au cours des premières années après la chirurgie.
En cas de difficultés, le patient doit être référé à un spécialiste des maladies osseuses.
Recommandation 7
Chez l’homme après 50 ans et chez la femme ménopausée, en présence d’une fracture sévère à la suite d’un traumatisme de faible énergie et survenue après l’âge de 40 ans, un traitement anti-ostéoporotique est recommandé, quel que soit le T-score.
Cette recommandation est particulièrement justifiée si l’ancienneté de la fracture sévère est de 2 ans ou moins, compte tenu dans cette situation du risque imminent de nouvelle fracture. En effet, le caractère récent d’une fracture est un facteur de risque majeur de nouvelle fracture à court terme.
Recommandation 8
Chez l’homme après 50 ans et chez la femme ménopausée, en présence d’une fracture non sévère à la suite d’un traumatisme de faible énergie survenue après l’âge de 40 ans (poignet et cheville par exemple), un traitement anti-ostéoporotique est recommandé si le T-score est ≤ -1.
Recommandation 9
Chez l’homme après 50 ans et chez la femme ménopausée, en l’absence de fracture, un traitement anti-ostéoporotique est recommandé si le T-score est ≤ -2 et en cas de facteurs de risque de fracture ou de chute.
Ce seuil de T-score ≤ -2, et plus généralement l’utilisation d’un seuil d’intervention plus élevé qu’en population générale, est justifié par plusieurs éléments :
• les sujets en situation d’obésité ont des valeurs densitométriques plus élevées à tous les sites comparativement à des sujets sans obésité ;
• les sujets en situation d’obésité qui ont une fracture ont des valeurs densitométriques plus élevées à tous les sites comparativement à des sujets sans obésité avec fracture ;
• la perte osseuse observée en post-chirurgie bariatrique excède 5 % à
1 an notamment à la hanche totale ;
• ce seuil de T-score ≤ -2 a également été retenu dans d’autres cadres pathologiques caractérisés par une perte osseuse rapide et/ou une altération de la qualité osseuse.
Recommandation 10
Chez l’homme avant 50 ans et chez la femme non ménopausée, il est recommandé, devant la découverte d’un Z-score ≤ -2 et/ou d’un antécédent de fracture par fragilité osseuse, de référer le patient à un spécialiste des pathologies osseuses pour déterminer l’indication d’un traitement anti-ostéoporotique.
Comment traiter ?
L’objectif du traitement est de réduire le risque de fracture idéalement en prévention primaire ou alors en prévention secondaire chez les patients déjà fracturés. Les études thérapeutiques chez les patients ayant bénéficié ou devant bénéficié d’une chirurgie bariatrique sont peu nombreuses et concernent essentiellement l’effet d’un programme d’activité physique (AP), de la supplémentation vitamino-calcique et protidique.
Recommandation 11
Chez tous les patients, il est recommandé de :
• réduire les facteurs de risque modifiables de fragilité osseuse,
• veiller à avoir des apports suffisants en calcium (1 000 mg/j après SG et 1 500 mg/j après RYGB) et en protéines (minimum 60 g/j ou 1,2 g/kg/j pour un poids de référence correspondant à un IMC à 25 kg/m²),
• obtenir une concentration en 25(OH) vitamine D entre 75 nmol/L (30 ng/ml) et 150 nmol/L (60 ng/ml),
• prévenir le risque de chute
• et mettre en place un programme d’activité physique en charge avant et après la chirurgie
Recommandation 12
Si un traitement anti-ostéoporotique est indiqué, il est recommandé d’utiliser l’acide zolédronique en première intention.
Si un traitement anti-ostéoporotique est indiqué, les bisphosphonates injectables doivent être privilégiés même si nous ne disposons que d’une seule étude spécifique avec l’acide zolédronique en post-chirurgie bariatrique. À l’inverse des bisphosphonates per os, la biodisponibilité de l’acide zolédronique est de 100 %. Nous recommandons un cycle de 3 ans de traitement ce qui correspond à une perfusion annuelle pendant 3 ans d’acide zolédronique.
En l’absence de données, il n’y a pas de preuve de l’intérêt des bisphosphonates oraux dans l’ostéoporose induite par la chirurgie bariatrique. Compte tenu des risques d’hypocalcémie sous dénosumab, nous déconseillons son usage sauf situations particulières. Par ailleurs, ce traitement doit être réservé à un spécialiste des maladies osseuses dans le contexte de la chirurgie bariatrique, en particulier pour décider de la durée du traitement et de la procédure à son arrêt.
Quel suivi ?
Recommandation 13
Chez tous les patients, après chirurgie, au cours de la première année, il est recommandé de réaliser tous les 3 mois un bilan biologique comprenant : calcémie, phosphatémie, 25(OH) vitamine D, et PTHi afin de maintenir une supplémentation vitamino-calcique optimale et de ne pas méconnaître une hyperparathyroïdie secondaire.
Cette surveillance biologique peut ensuite être espacée tous les 6 mois, puis tous les 12 mois. Le dosage de la vitamine D est préconisé et pris en charge par l’Assurance maladie avant et après une chirurgie bariatrique.
Recommandation 14
En cas de mise en place d’un traitement anti-ostéoporotique, il est recommandé de réaliser un suivi clinique annuel du patient pris en charge pour une ostéoporose secondaire à la chirurgie bariatrique.
Ce suivi clinique comprendra la recherche de chutes, de fractures de fragilité, une mesure de la taille, la recherche de nouveaux facteurs de risque d’ostéoporose et il permettra également d’évaluer l’adhésion thérapeutique.
Recommandation 15
Une mesure de la DMO est recommandée après 3 ans de traitement par acide zolédronique, soit 1 an après la dernière perfusion (arrêt, poursuite par un nouveau cycle de 3 ans ou changement de traitement).
Recommandation 16
En l’absence de mise en place d’un traitement anti-ostéoporotique, il est recommandé au cours du suivi de réévaluer le risque fracturaire tous les 2 ans avec réalisation d’une ostéodensitométrie par DXA en cas de RYGB et de DBP. Pour les autres chirurgies, le délai de réévaluation est variable en fonction du niveau de risque initial et des nouveaux facteurs de risque.
Discussion
Ces premières recommandations françaises permettent de guider la prévention et le traitement de l’ostéoporose secondaire à la chirurgie bariatrique pour les soignants impliqués dans la prise en charge des patients en situation d’obésité. Elles définissent des mesures applicables à tous les patients et permettent de distinguer les patients les plus à risque nécessitant un dépistage de l’ostéoporose et la mise en place d’un traitement le cas échéant.
L’auteur déclare des interventions ponctuelles (expertises, conseils, symposiums, études cliniques, formations) : Abbvie, Amgen, Janssen, Lilly, MSD, Novartis, Pfizer, Sandoz, Sanofi, Synadiet, UCB.
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