Lors de cette session ont été présentés les liens réciproques entre l’art, les artistes et les affections musculo-squelettiques à travers le temps. L’objectif était de montrer l’influence de l’art sur la rhumatologie et vice versa.
De la découverte de l’art à la naissance de la rhumatologie
La rhumatologie exige une capacité d’observation, d’écoute, de ressenti, d’interprétation, qui la rend presque artisanale, voire artistique. Bien que scientifique, c’est aussi un art de prendre soin du patient.
L’art est l’expression créative humaine. Il reflète la perception qu’a l’individu de son monde, de son corps et de ses maladies.
Peu de maladies ont été représentées dans les arts avant les connaissances anatomiques et biologiques par méconnaissance, mais aussi en raison de leurs fluctuations épidémiologiques (beaucoup sont liées à l’âge, à l’industrialisation, au mode de vie), de leur manque de catégorisation historique, de leur invisibilité (avant leur catégorisation par imagerie ou biologie, il s’agissait de douleurs non définies) et de leur aspect parfois considéré comme inéluctable (« c’est de la vieillerie »).
Le développement de l’anatomie
L’anatomie du système musculo-squelettique s’est développée durant la Renaissance grâce aux travaux d’anatomistes tels que Berengario da Carpi et Andreas Vesalius, mais aussi d’artistes comme Léonard de Vinci et Michel-Ange, qui ont cherché à théoriser l’art en établissant ses bases scientifiques. La représentation du corps nu est passée d’une emphase sur la beauté morale à la beauté physique inspirée de la Grèce antique.
Plus tard, des artistes comme Rembrandt ont immortalisé des leçons d’anatomie. Des anatomistes comme Carter et Netter ont enfin réalisé des atlas d’anatomie, références encore utilisées aujourd’hui.
Une représentation déformée
À l’opposé, des peintres tels que Amedeo Modigliani et des sculpteurs tels que Giacometti ont déformé les corps pour exprimer leurs sentiments, rompant avec les règles de proportion de la Renaissance. Il est néanmoins difficile de distinguer une volonté d’interprétation de l’ignorance des proportions hors de contexte.
L’observation du lien avec le mode de vie
Bien que l’anatomie ait eu une incidence limitée sur la compréhension des maladies rhumatismales, elle a permis d’identifier les zones touchées. Les artistes du XIXe et XXe siècles, bien qu’ignorants des mécanismes sous-jacents, ont observé un lien entre les modes de vie malsains et les gonflements articulaires, prônant ainsi des changements de mode de vie pour les patients atteints de rhumatisme :
• au XIXe siècle, le chef Antonin Carême a tenté d’atténuer la goutte du roi George IV grâce à des pratiques culinaires plus saines ;
• l’idéalisation des bains par les peintres a conduit à la création d’établissements thermaux aux XVIIIe et XIXe siècles, évoluant en centres de loisirs et inspirant des romans tels que ceux de Marcel Proust. Les médecins thermalistes (notamment Jacques Forestier en France, qui reste considéré comme le père de la rhumatologie française) ont été les premiers à contribuer à l’essor de la rhumatologie, parce que la concentration de patients ayant des symptômes proches a permis de les séparer en sous-groupes.
On peut dire que la rhumatologie est née de l’intérêt des peintres pour la connaissance du corps humain (créant l’anatomie), du souhait des peintres et des sculpteurs de représenter des modes de vie sains à l’instar des Romains, des Grecs, des Arabes ou des Égyptiens, de la création de centres d’hydrothérapie (thermalisme et balnéothérapie) par les architectes, et du souhait des gastronomes de nourrir élégamment la population.
Effet de l’appareil musculo-squelettique et des pathologies rhumatismales sur l’art
Le biomimétisme
Le biomimétisme, inspiré par les formes organiques (animaux, plantes et corps humain), a influencé l’architecture Art Nouveau, par exemple dans les œuvres de Antonio Gaudí. Le Corbusier a développé un système de proportions universel pour harmoniser le corps humain à l’architecture. Gustave Eiffel s’est inspiré du fémur humain pour la Tour Eiffel. Des architectes modernes tel Santiago Calatrava ont illustré des organes telles la colonne ou les côtes dans leurs œuvres.
La thérapie occupationnelle
Certains artistes atteints de maladies rhumatismales, comme Pierre Auguste Renoir, Raoul Dufy et Manolo Hugué, ont su adapter leur art à leurs limitations physiques, illustrant ainsi la thérapie occupationnelle.
Des artistes souffrant de rhumatismes en ont fait un sujet. Frida Kahlo a représenté sa douleur chronique et ses souffrances psychologiques. Madame de Sévigné a décrit ses expériences avec la polyarthrite, tandis qu’Alexander Pope, Paul Scarron et Flannery O’Connor ont utilisé l’ironie, le burlesque et des éléments spirituels pour exprimer leurs conditions. Des photographes tels qu’Avsar et Riva Lehrer ont aussi illustré les conséquences des rhumatismes.
Les représentations artistiques de maladies rhumatismales
Bien que peu de descriptions de maladies rhumatismales aient été documentées dans la littérature avant 1800, des personnages souffrant de goutte apparaissent dans les pièces de Shakespeare. Plus tard, Émile Zola a exploré la goutte dans La Joie de Vivre. Après 1950, les représentations littéraires des maladies rhumatismales sont devenues plus fréquentes. Les représentations des rhumatismes au cinéma se concentrent principalement sur la goutte, la polyarthrite rhumatoïde, la spondylarthrite et le lupus dans le cadre de biographies.
Enfin, l’art numérique offre de nouvelles voies d’expression pour la représentation des maladies rhumatismales ou les séries artistiques numériques explorant la rhumatologie par des métaphores animales. Les BD sont aussi utilisées comme moyen thérapeutique pour les patients jeunes.
Le manque de personnages atteints de rhumatismes dans les œuvres d’art suggère une hésitation à représenter des affections moins connues et moins visuellement frappantes.
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêt en rapport avec cet article.
