Ce congrès de l’Eular 2023 à Milan a été l’occasion de présenter plusieurs essais thérapeutiques dans le cadre de l’arthrite juvénile idiopathique (AJI). Tout d’abord, une étude concernant l’efficacité de l’upadacitinib dans le traitement des AJI polyarticulaires ; une étude issue du registre BIKER concernant l’efficacité du tocilizumab comparativement aux anti-TNF alpha dans l’AJI polyarticulaire. En top 3, la phase d’extension de l’étude sur l’emapalumab dans les syndromes d’activation macrophagique de l’arthrite systémique ou maladie de Still. Enfin, les tops 4 et 5 concernent des études non interventionnelles. L’une d’entre elles évalue le risque de récidive au sein de l’articulation afin de savoir si l’inflammation initiale sur un site particulier est prédictive de la récidive sur cette même articulation et le top 5 propose des recommandations actuelles et de bon sens concernant l’activité physique et l’éducation dans l’AJI lors de la période de transition.
TOP 1 – Efficacité de l’upadacitinib dans le traitement des AJI polyarticulaires
Les tout premiers résultats d’une étude de phase 1 évaluant l’upadacitinib, sa tolérance et son efficacité jusqu’à la semaine 12 nous ont été présentés en communication orale. L’upadacitinib est un inhibiteur de JAK kinases qui inhibe plus particulièrement la voie JAK1 et qui est déjà utilisé chez l’adulte atteint de polyarthrite rhumatoïde. Dans cet essai ont été inclus des patients âgés de 2 à 18 ans d’un poids supérieur à 10 kg ayant une forme active polyarticulaire d’AJI (plus de cinq articulations gonflées ou douloureuses à la palpation). Les formes de type spondyloarthrite (arthrite avec enthésite et rhumatisme psoriasique de l’enfant) ont été exclues de l’étude. Trente et un centres ont participé à cette étude en Amérique du Nord, en Europe et en Asie. Les patients n’avaient pas été exposés aux inhibiteurs de JAK préalablement. Les traitements par méthotrexate et corticoïdes à doses stables étaient autorisés. Le schéma de l’étude (Fig. 1) comportait une première partie dans laquelle les patients étaient répartis en trois groupes d’âge de 2 à 6 ans, de 6 à 12 ans et de 12 à 18 ans pour recevoir une dose d’upadacitinib faible ou élevée avec deux administrations per os journalières.
La première partie de l’étude évaluait la pharmacocinétique et la tolérance et la deuxième partie de l’étude, actuellement en cours, la tolérance uniquement. Enfin, un troisième bras est prévu incluant plus de patients (70) qui bénéficieront de la faible dose d’upadacitinib. La 1re partie de l’étude dure 1 semaine les 2e et 3e 155 semaines.
Au total, 51 patients ont été inclus dans la 1re partie pharmacocinétique puis dans la 2e partie de l’étude, huit sont sortis dont trois pour manque d’efficacité (aucun pour événement indésirable). Ces patients étaient plutôt des filles (78,9 %) avec un âge moyen de 9,5 ans (± 4,4 ans) (Tab. 1).
40 % étaient toujours sous méthotrexate et 25 % avaient déjà bénéficié d’un traitement biologique. Concernant les effets indésirables rapportés, globalement 91 % n’ont pas eu d’événement indésirable et 10 % au moins un événement indésirable grave dont 3,54 % soit deux patients ont été sortis lors de la 3e partie de l’étude. Il n’y a eu aucun événement cardiovasculaire ou thrombo-embolique. La majorité des événements indésirables était une infection au Covid-19 (40,4 %), des infections des voies aériennes supérieures (40,4 %), des pharyngites (22,8 %), des gastro-entérites (17,5 %). À noter également chez 10 % des patients une augmentation des CPK.
En termes d’efficacité dans cette étude ouverte, l’amélioration pour les patients était très importante en critère ACR AJI 30 et restait également importante en critère ACR AJI 50 et 70 (Fig. 2).
Tous les groupes d’âge se sont améliorés avec une petite tendance pour une meilleure amélioration chez les groupes d’enfants les plus jeunes (2 à 6 ans ; 6 à 12 ans). Ces premières données sont tout à fait intéressantes bien sûr dans une étude totalement ouverte. Il s’agit donc du 3e JAK inhibiteur bénéficiant d’une évaluation chez l’enfant et nous vous présenterons bien sûr la suite lors des prochains congrès.
• Beesley R et al. Supporting children and young people with juvenile idiopathic arthritis in schools, colleges and other educational settings through school toolkits. Eular 2023 ; OP0160.
TOP 2 – Efficacité du tocilizumab comparativement aux anti-TNF alpha dans l’AJI polyarticulaire (Registre BiKeR)
La seconde communication orale intéressante est issue du registre BIKER. Au sein de ce registre, l’efficacité et la bonne tolérance du tocilizumab comparativement aux anti-TNF alpha dans l’arthrite juvénile idiopathique de forme polyarticulaire ont été évaluées. Le registre BIKER créé en 2000 collige les patients atteints d’arthrite juvénile idiopathique qui initient une biothérapie (Fig. 3).
Les données concernent donc les patients atteints d’une forme polyarticulaire ou de la forme étendue de l’oligoarthrite. On sait qu’environ 25 % des patients sont en échec d’un premier traitement par biologique et vont donc nécessiter un switch vers un second traitement biologique. Dans ce registre prospectif, les patients ont été comparés (tocilizumab versus anti-TNF) avec un délai de surveillance d’au moins 5 ans. L’appariement était fait de 1 pour 1 en lien avec la date de début de traitement et la région géographique du patient. 171 patients avec une AJI polyarticulaire traitée par tocilizumab (77 avec la forme sous cutanée et 94 avec la forme intraveineuse) et 171 contrôles sous anti-TNF ont été recrutés avec respectivement 278,4 et 312,6 années d’exposition. Les résultats présentés lors de ce congrès concernaient les 2 années initiales d’exposition. L’efficacité a été évaluée en critère ACR pédiatrique ou en score JADAS 10 ou en JADAS rémission (inférieure ou égale à 2,7). Les effets indésirables ont également été répertoriés. Au total, l’étude concernait plutôt des filles. Il existait une différence entre les deux groupes traités puisque les patients sous tocilizumab étaient significativement plus âgés avec une durée moyenne d’évolution de la maladie plus longue et plus de traitements biologiques préalables (Tab. 2). Concernant l’efficacité, on constate qu’en termes de JADAS 10 elle est très comparable ainsi qu’en termes de JADAS rémission (Fig. 4 et 5). Concernant l’utilisation du tocilizumab en première ou en deuxième ligne, il n’y a pas non plus de différence évidente entre un anti-TNF et le tocilizumab.
Concernant les effets secondaires, on en constate numériquement et en pourcentage autant dans les deux groupes. Les effets indésirables sévères semblent plus nombreux dans le groupe tocilizumab et notamment les cytopénies. Dix effets indésirables graves ont été rapportés sous tocilizumab et trois sous anti-TNF.
Globalement sur un suivi de 2 ans, le tocilizumab était utilisé en deuxième ligne de biothérapie pour la majorité des patients (83,6 %) alors que les anti-TNF sont utilisés le plus souvent en première ligne de traitement (86 %). L’efficacité a été démontrée avec une diminution importante du JADAS 10 dans les deux groupes de traitement à 2 ans : tocilizumab en première ligne 93 % versus anti-TNF en première ligne 80 % ; tocilizumab en deuxième ligne 80 % versus anti-TNF en deuxième ligne 90 %. Il n’y avait pas de nouveaux signaux concernant les événements indésirables. Bien sûr, il s’agit d’un registre ouvert et donc les données sont à interpréter avec précaution.
• Zimmer A et al. Golimumab for the treatment of polyarticular juvenile idiopathic arthritis – an update on safety and effectiveness from the BIKER registry. Eular 2023 ; OP0163.
TOP 3 – Phase d’extension de l’étude sur l’emapalumab dans les syndromes d’activation macrophagique de l’arthrite systémique ou maladie de Still
Dans le top 3 de ce congrès, on retiendra également l’étude sur l’emapalumab. L’emapalumab est un anticorps monoclonal complètement humanisé de type IgG I anti-interféron gamma qui se lie sur l’interféron libre ou lié à son récepteur (inhibant ainsi la dimérisation du récepteur et la traduction du signal Interféron intracellulaire), neutralisant ainsi son activité biologique. Il a bénéficié d’un développement dans l’hémophagocytose lymphohistiocytaire pédiatrique avec une publication en 2020 dans le NEJM. Il a fait l’objet d’une publication toute récente (Ann Rheum Dis 2023), dans le syndrome d’activation macrophagique et les auteurs nous ont présenté lors du congrès les résultats de l’extension sur quelques patients. Le syndrome d’activation macrophagique (SAM) est une forme secondaire d’hémophagocytose lymphohistiocytaire mettant en jeu le pronostic vital et qui complique souvent les rhumatismes inflammatoires chroniques et en particulier la maladie de Still de l’enfant ou de l’adulte. Le SAM est déclenché par une activation et une expansion excessive des lymphocytes T et des macrophages entraînant une hyperinflammation. Il se caractérise par de la fièvre, une hépato-splénomégalie, des cytopénies, une cytolyse hépatique, des anomalies de la coagulation et une hyperferritinémie et peut progressivement aboutir à une défaillance multiorganes avec un taux de mortalité de 10 à 20 %. Le traitement du SAM est fondé sur les glucocorticoïdes à fortes doses avec une réponse satisfaisante dans deux tiers des cas, le cas échéant la ciclosporine ou d’autres traitements ont été proposés (cyclophosphamide, étoposide…). Devant les taux élevés d’interféron gamma dans les modèles murins et de chémokines dépendantes de l’interféron chez les humains, l’emapalumab a fait l’objet d’une étude de phase 2 ouverte avec une durée de traitement de 28 jours et un suivi court de 4 semaines, mais les données ont ensuite été collectées à long terme à 12 mois et une partie est donc présentée lors du congrès. Dans l’étude princeps, 14 patients ont été traités et tous ont été suivis. 13 avaient eu la maladie avant l’âge de 16 ans (Fig. 6).
Tous ont été traités avant l’administration d’emapalumab par de hautes doses de corticoïdes, huit ont reçu de la ciclosporine et sept de l’anakinra. Sept patients ont été mis en rémission et ont pu stopper l’emapalumab. L’emapalumab a été administré à la dose de 6 mg/kg puis par des doses de 3 mg/kg tous les 2 à 3 jours. À la semaine 8, 13 patients (93 %) étaient en rémission à un temps moyen de 25 jours après l’initiation du traitement (Fig. 7). Les glucocorticoïdes ont pu être diminués très rapidement. Il n’y a pas eu de cas d’infection herpétique rapportée malgré la déplétion en interféron, cependant les patients ont reçu des prophylaxies par aciclovir à titre préventif. Des infections virales ont été rapportées chez six patients et toutes se sont résolues spontanément ou avec un traitement standard. À noter que cinq de ces événements étaient liés au CMV.
Au cours du suivi à long terme, 10/14 patients étaient toujours en rémission ; les quatre patients qui n’étaient plus en rémission avaient une anomalie biologique modérée (LDA). La corticothérapie restait à un taux très faible : cinq patients ne recevaient plus de corticoïdes, six patients les recevaient à une dose inférieure à 0,3 mg/kg/jour, mais deux patients ont reçu des corticoïdes entre 1 et 2 mg/kg/jour. Lors du suivi, 37 événements indésirables ont été rapportés chez les 12 patients, trois ont été considérés comme sérieux avec une poussée d’arthrite, un œdème du poignet et un nouvel épisode de SAM. Tous ces événements indésirables ont été résolus avec un traitement classique ou spontanément et tous les enfants étaient en vie à 12 mois de suivi. 9/10 événements infectieux étaient d’origine virale. À noter que six poussées d’arthrites systémiques ont été observées chez les patients qui ne recevaient plus d’anakinra pour traiter leur maladie pendant qu’ils recevaient de l’emapalumab. Pour les autres patients, il faut noter que l’emapalumab a été associé à la poursuite de l’anakinra chez cinq patients et que dans ce cas aucune poussée de maladie de Still n’a été constatée. Chez ces patients ayant les deux traitements en même temps, il n’a pas été retrouvé plus d’événements infectieux. Ces données à long terme confirment donc l’efficacité de l’emapalumab avec des patients qui restent en rémission. La plupart des infections virales se sont résolues spontanément et une étude de plus grande ampleur est en cours pour confirmer ces données qui pour l’instant ne concernent que 14 patients.
• De Benedetti F et al. Long-term follow-up of patients administered emapalumab, an anti–interferon-γ monoclonal antibody, to treat macrophage activation syndrome (MAS) secondary to systemic juvenile idiopathic arthritis (SJIA). Eular 2023 ; OP0166.
TOP 4 – Risque de récidive : l’inflammation initiale sur un site particulier est-elle prédictive de la récidive sur cette même articulation ?
Dans cette étude, les auteurs ont cherché à savoir où récidivaient les arthrites dans les AJI. Pour cela ils ont analysé dans l’étude BeST for Kids, étude visant à évaluer une stratégie de « treat to target » dans l’AJI, les articulations de 91 patients atteints d’une oligoarthrite récente (n = 11), d’une polyarthrite à facteur rhumatoïde négatif (n = 72) et de rhumatisme psoriasique (n = 8), pendant 2 ans soit environ 10 visites par patient. Ils ont évalué l’association entre l’inflammation clinique initiale et l’inflammation survenant au cours du suivi.
Pour un modèle de régression logistique ajustée à l’articulation et un modèle de poisson pour définir l’association contre l’inflammation initiale et l’inflammation récurrente (après obtention de l’inactivité clinique sur une articulation). Une analyse de permutation a été réalisée pour confirmer qu’il existait un lien entre les articulations atteintes cliniquement.
Ils ont également évalué si l’inflammation localisée au niveau d’une articulation était associée à l’atteinte structurale du poignet en utilisant le score de Poznanski. Au total, 6 097 articulations ont été évaluées. 15 % (897) étaient cliniquement enflammées (synovite) à l’inclusion. Dans 42 % des cas (377/897), l’inflammation a persisté au cours du suivi. Parmi les articulations qui sont redevenues inflammatoires après que le patient a eu une période de rémission clinique, 93 % (1 195/1 280) avaient précédemment été inflammées. L’inflammation initiale était statistiquement associée à la réapparition d’une inflammation au sein de la même articulation au cours du suivi (RR 3, 9 ; IC 95 % : 3,5 – 4,4). Cette association a été retrouvée dans tous les types d’AJI étudiées. L’inflammation initiale était positivement associée au nombre de récurrences d’épisodes inflammatoires au sein de la même articulation (IRR 1,6, IC à 95 % : 1,2 – 2,1). Le test de permutation a montré que l’inflammation au cours du suivi sur une articulation particulière était prédite par la présence d’une inflammation initiale de cette même articulation bien plus que par l’inflammation d’autres articulations (p < 0,001) confirmant donc un effet local. Il n’y avait aucune association significative entre l’inflammation des articulations et les dommages structuraux au poignet.
Cette étude montre que dans les AJI, l’inflammation initiale a tendance à récidiver de nombreuses fois au sein de l’articulation cliniquement inflammatoire au début de la maladie. Il y a donc probablement des facteurs locaux qui jouent un rôle physiopathologique et une surveillance particulière à avoir sur ces articulations.
• Heckert SL et al. Patterns of clinical joint inflammation in juvenile idiopathic arthritis. Eular 2023 ; OP0162.
TOP 5 – Recommandations actuelles et de bon sens concernant l’activité physique et l’éducation dans l’AJI lors de la période de transition
Le top 5 concerne les recommandations de l’EULAR sur la prise en charge des AJI lors de la transition, pour l’éducation, la santé et l’activité physique, lors de la transition : le projet MOVE UP.
Longtemps, l’activité physique a été considérée comme délétère dans l’arthrite juvénile idiopathique, ces concepts sont abandonnés depuis une dizaine d’années maintenant. Cependant, toutes les études montrent bien sûr que les enfants atteints d’arthrite juvénile idiopathique pratiquent moins d’activités physiques que les contrôles non malades et accèdent moins facilement aux études supérieures. Pour favoriser la transition (prise en charge de l’enfance vers l’âge adulte), et insister sur la nécessité de l’éducation et de l’éducation physique, l’EULAR a émis des recommandations qui, même si elles paraissent relativement évidentes, ont le mérite d’insister sur ces techniques de prise en charge fondées aussi sur l’e-santé et l’activité physique. Au total, quatre principes généraux et huit recommandations ont été émis avec un bon degré d’accord entre les experts (Tab. 3-6).
• Prieto-Moreno R et al. Eular points to consider for patient education, pain management and physical activity adapted to the self-management of juvenile-onset rheumatic and musculoskeletal diseases during transitional care. The Eular move-up project. Eular 2023 ; OP0167.
L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt.