1 Une nouvelle forme d’interleukine-2 pégylée pour le traitement des maladies auto-immunes
Les maladies auto-immunes et inflammatoires sont caractérisées par une diminution quantitative du nombre de lymphocytes T régulateur (Treg) circulants, ainsi que d’une altération de leur activité immunosuppressive. Ainsi, les stratégies visant à rétablir le nombre et la fonction des Treg semblent séduisantes dans ces maladies. L’interleukine-2 (IL-2) est une cytokine qui induit l’expansion des Treg et qui a montré son efficacité dans plusieurs maladies auto-immunes (1). Cependant, l’utilisation de l’IL-2 en clinique est rendue complexe par une demi-vie extrêmement courte (de l’ordre de l’heure), ainsi qu’un effet stimulant sur d’autres populations lymphocytaires pro-inflammatoires (Natural Killer, NK) potentiellement responsable d’une aggravation de l’activité de la maladie.
Les auteurs ont synthétisé une protéine de fusion entre un variant de l’IL-2 et un polyéthylène glycol nommée KKC80. L’objectif de cette étude pré-clinique était d’évaluer la pharmacocinétique (chez la souris) et la sélectivité sur les Treg de KKC80. Enfin, l’efficacité clinique de KKC80 était évaluée dans un modèle murin et primate de maladie inflammatoire (maladie greffe versus hôte).
Les analyses moléculaires retrouvaient une fixation sélective de KKC80 sur le récepteur à l’IL-2 des Treg mais pas celui des cellules NK. Ces résultats se confirmaient in vitro par activation spécifique des Treg et non des cellules NK par le KKC80 (Fig. 1). La demi-vie était de 3,5 jours. In vivo, le KKC80 induisait une expansion dose-dépendante du compartiment Treg. Enfin, les modèles murins et primates de maladies inflammatoires présentaient une amélioration significatives des paramètres cliniques et biologiques suite au traitement par KKC80.
En conclusion, de nouvelles molécules biologiques basées sur l’interleukine-2 pourraient constituer des traitements prometteurs dans les pathologies immuno-rhumatologiques telles que les connectivites, la polyarthrite rhumatoïde et vascularites.
• Ikeda M, Yamaguchi S, Murakami M et al. A novel site-specific pegylated il-2 with potent and treg-selective activity in vivo. OP0008 ; Eular 2022.
1. Rosenzwajg M, Lorenzon R, Cacoub P et al. Immunological and clinical effects of low-dose interleukin-2 across 11 autoimmune diseases in a single, open clinical trial. Ann Rheum Dis 2019 ; 78 : 209-17.
2 Les infections intercurrentes favorisent les poussées de lupus systémique
Le lupus érythémateux systémique (LES) est caractérisé par un surrisque infectieux lié notamment aux traitements immunosuppresseurs, au premier rang desquels figurent les glucocorticoïdes. Cependant, l’incidence des évènements infectieux sur l’histoire naturelle du LES est mal connue.
Pour répondre à cette question, l’équipe du centre hospitalier universitaire d’Amsterdam a mené une étude prospective de leur cohorte de patients atteints de LES. Les infections étaient définies comme des infections sévères nécessitant une hospitalisation ± antibiothérapie intraveineuse, et les infections non-sévères documentées ou non, ne nécessitant pas d’hospitalisation. Parallèlement, l’activité de la maladie était monitorée dans les 3 mois suivant un évènement infectieux pour identifier une association entre ces deux facteurs. Les poussées étaient définies comme une augmentation d’activité du LES nécessitant une majoration du traitement immunosuppresseur, et qualifiées de sévère en cas de mise en jeu du pronostic d’organe (ou vital).
203 patients étaient étudiés pour un suivi total de 1 060 patient-année. L’âge médian était de 40 ans, 91 % étaient des femmes, traités par glucocorticoïdes et immunosuppresseurs dans 52 et 37 % des cas, respectivement. 56 infections sévères étaient identifiées (incidence : 5,3/100 patient-année), ainsi que 670 infections non sévères (63,9/100 patient-année). L’incidence des poussées était de 18,7/100 patient-année, et de 3,6/100 patient-année pour les poussées sévères. Les évènements infectieux étaient significativement associés à la survenue d’une poussée de lupus dans les 3 mois suivant (hazard ratio = 1,9 ; IC95% [1,3-2,9], Fig. 2).
Les infections sévères, quant à elles, étaient associées de manière encore plus significative au risque de poussée sévères (HR = 7,4 ; IC95% [2,2-24,6]). Ainsi, les évènements infectieux sont significativement associés à la survenue de poussées lupiques dans les 3 mois suivant leur survenue. L’origine de ces poussées n’est pas identifié dans cette étude, mais semble indépendant des immunosuppresseurs qui n’étaient suspendus ou diminués chez un seul des patients ayant fait une infection sévère. Ainsi, des mécanismes d’activation immune suite à l’infection par des voies communes (interféron alpha; IL-12/23) de l’inflammation pourraient être responsables de ces poussées lupiques. Ces données viennent renforcer l’importance des stratégies de prévention des infections chez les patients atteints de LES, notamment des vaccinations. De plus, elles imposent au clinicien une attention accrue à l’activité de la maladie des patients atteints de LES dans les suites immédiates d’un épisode infectieux.
• El Hadiyen F, Tsang-A-Sjoe M, Lisenberg-Witte B et al. Intercurrent infection as a risk factor for disease flares in patients with systemic lupus erythematosus. OP0143 ; Eular 2022.
3 Les CAR-T cells : une thérapie novatrice dans le lupus sévère réfractaire ?
Les CAR-T cells sont des lymphocytes T ayant un récepteur TCR modifié reconnaissant spécifiquement un antigène défini et permettant une activation forte de la CAR-T et une mort de la cellule cible par cytotoxicité. Les CAR-T cells sont produites à partir des lymphocytes T du patient lui-même, qui sont infectés par un vecteur viral pour insérer le récepter CAR, suivi d’une expansion in vitro avant réinjection des cellules. Les CAR-T cells anti-CD19 ont révolutionné le traitement et le pronostic de nombreuses hémopathies B malignes, et la question de leur intérêt dans les formes réfractaires de lupus érythémateux systémique (LES) se pose. Par rapport aux thérapies anti-B (anti-CD20) classiques (rituximab, obinutuzumab …), les CAR-T cells ciblent le CD19 ce qui permet une déplétion B plus profonde, le ciblage d’une population B autoréactive CD19+CD20- (plasmablastes), y compris dans des « niches » immunologiques où les cellules auto-réactives peuvent persister.
Dans cette étude, les auteurs rapportent les résultats du traitement par CAR-T cells anti-CD19 de 5 patients (4 femmes, 1 hommes) atteints d’un LES réfractaire. Tous les patients présentaient une maladie rénale active malgré l’utilisation successive d’hydroxychloroquine, glucocorticoïdes, mycophénalate, cyclophosphamide, rituximab et de belimumab. Il était retrouvé une expansion rapide des CAR-T cells parmi les lymphocytes circulants, jusqu’à 59,1 % des lymphocytes T circulants à J9. Trois patient ont développé une fièvre dans le cadre d’un syndrome de relargage cytokinique de grade I, régressif spontanément (n = 2) ou après une unique perfusion de tocilizumab (anti-interleukine 6-recepteur ; n = 1).
Sur le plan de l’efficacité, une déplétion des lymphocytes B (CD19+) circulants était totale pour tous les patients. Cliniquement, la réponse clinique était constante (SLEDAI médian 0 [IQR : 0-2]), permettant le sevrage des autres immunosuppresseurs. La réponse biologique (protéinurie, anti-ADN, complément) était également constante (Fig. 3).
Au terme du suivi, les 5 patients satisfaisaient les critères de faible activité de la maladie (LLDAS) et avaient arrêté l’ensemble des immunosuppresseurs, y compris les glucocorticoïdes. Pour les deux patients ayant un suivi plus prolongé (> 3 mois), une repopulation B était retrouvée, sans toutefois de rechute de la maladie. Il était noté une rediversification du répertoire des lymphocytes B repopularisant le sang, en faveur d’un « reset » immunologique suite au traitement par CAR-T cells. Aucune infection n’a été rapportée durant le suivi. Les CAR-T cells semblent constituer une option thérapeutique prometteuse chez les patients atteints de LES sévère et réfractaire. Cette option reste toutefois toujours limitée par la complexité de la mise en œuvre du traitement (préparation des CAR-T) et son coût (autour de 300 000 € par patient).
• Schett G, Boeltz S, Müller F et al. CAR-T cell treatment of refractory systemic lupus erythematosus- safety and preliminary efficacy data from the first four patients. OP0279 ; Eular 2022.
4 L’inhibition de Tyk2 : une voie thérapeutique prometteuse dans le lupus systémique
Tyk2 est une tyrosine kinase de la famille des Janus kinase (JAK), responsable de la signalisation intra-cellulaire des interférons de type I, de l’interleukine 12 (IL-12) et l’IL-23. Ces cytokines ayant un rôle clé dans le lupus érythémateux systémique (LES), le blocage de Tyk2 semble être un candidat thérapeutique intéressant. Le deucravacitinib (DEUC) est un inhibiteur oral sélectif de Tyk2, avec un mécanisme d’action distinct des autres inhibiteurs de JAK : liaison à une région régulatrice de Tyk2, versus compétition à la liaison de l’ATP dans le site actif pour les autres JAKi.
Il s’agissait d’un essai randomisé de phase 2, où des patients ayant un LES immunopositif (anti-ADN/Anti-Sm) actif recevaient un placebo ou du DEUC à la dose de 3 mg (2 x/j), 6 mg (2 x/j) ou 12 mg (1 x/j) pendant 48 semaines avec maintenance du traitement de fond habituel. Un sevrage de glucocorticoïdes ≤ 7,5 mg/j était nécessaire entre la semaine 8 et 20. Le critère de jugement principal était la proportion de patient atteignant le critère de réponse SRI-4 à la semaine 32.
363 patients étaient randomisés ; il s’agissait de 92 % de femmes d’âge moyen 40,1 ans et le score d’activité SLEDAI-2K moyen était de 10,8. La proportion de patients atteignant le SRI-4 était significativement supérieure dans les groupes DEUC 3 et 6 mg par rapport au placebo (Fig. 4).
Plusieurs critères de jugement secondaires tels que l’atteinte d’un faible niveau d’activité (LLDAS), la réponse cutanée et l’index synovial étaient atteints pour le DEUC 3 mg versus placebo. Les effets indésirables sévères ou non étaient équilibrés entre le groupe placebo et les groupes DEUC, avec toutefois plus d’arrêt de traitement dans le groupe 12 mg ce qui pourrait expliquer de meilleurs résultats dans les groupes 3 et 6 mg. Le risque de zona était identique entre le groupe placebo (4,4 %) et les groupes DEUC (2,2 à 3,3 %), de même que pour le risque d’infection sévère.
En conclusion, l’inhibition de Tyk2 par le deucravacitinib semble efficace dans le traitement du LES, justifiant la mise en place d’une étude de phase 3 qui va prochainement débuter.
• Morand E, Pike M, Merrill JT et al. Efficacy and safety of deucravacitinib, an oral, selective, allosteric tyk2 inhibitor, in patients with active systemic lupus erythematosus: a phase 2, randomized, double-blind, placebo-controlled study. LB0004 ; Eular 2022.
5 La pseudo-polyarthrite rhizomélique n’entraîne pas de surmortalité
La pseudo-polyarthrite rhizomélique (PPR) est un rhumatisme inflammatoire relativement fréquent responsable d’inflammation systémique, de douleurs responsables de perte d’autonomie et d’un traitement prolongé par glucocorticoïdes. Ainsi, il n’est pas connu si la survenue d’une PPR entraîne une surmortalité dans la population âgée qu’elle touche exclusivement.
Pour répondre à cette question, une équipe norvégienne a identifié l’ensemble des individus diagnostiqué d’une PPR (critère de Bird) entre 1987 et 1997. Ces patients ont été suivis prospectivement jusqu’au 31 décembre 2021. Le ratio de mortalité standardisé des patients PPR a été calculé par rapport à la population norvégienne de référence. Un ratio statistiquement supérieur à 1 signifierait une surmortalité dans la PPR.
296 patients ont été suivi sur une durée moyenne de 13,8 ans. L’âge moyen au diagnostic était de 71,9 ans (± 8,4) et 67,6 % étaient des femmes. 7 % des patients étaient co-diagnostiqués d’une artérite à cellule géante avec biopsie de l’artère temporale positive. À la fin du suivi, 93,6 % des patients PPR étaient décédés. Cependant, il n’y avait pas de surrisque significatif de mortalité par rapport à la population générale avec un ratio de mortalité standardisé à 1,05 (IC95 % : 0,93-1,18 ; Fig. 5). Les analyses en sous-groupe suggéraient un possible surrisque chez les femmes (1,14 ; IC95 % [0,99-1,31], Fig. 5).
Le fait que les causes de mortalité et les doses cumulées de corticoïdes ne soient pas connues sont des limites à l’analyse de ces données.
Quoi qu’il en soit, ces données prospectives semblent rassurantes sur le pronostique à long terme de la PPR.
• Tengesdal S, Myklebust. Mortality in polymyalgia rheumatica: a 35-year prospective observational study from southern norway. OP0181 ; Eular 2022.
L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt en relation avec ce texte.