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Le 22 mai dernier, s’est tenu, à Lille, le 11e DMARDs Day organisé par le Laboratoire Nordic Pharma. Après la plénière animée par le président de l’édition 2024, le Pr Thierry Schaeverbeke, trois sessions étaient proposées à la centaine de participants. Les orateurs en charge de ces ateliers pratiques font le point sur les messages à retenir de ces échanges.

Fatigue : place des interventions non médicamenteuses (INM)

Pr Laure Gossec (Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris)

Pourquoi faut-il s’intéresser aux traitements non médicamenteux de la fatigue ?

La fatigue est un problème extrêmement fréquent dans les rhumatismes inflammatoires, que ce soit la polyarthrite rhumatoïde (PR), la spondylarthrite ou le rhumatisme psoriasique. On sait qu’environ la moitié de nos patients souffrent d’une fatigue importante. Il est donc primordial de la prendre en charge.

Quelles sont les interventions non médicamenteuses que nous pouvons proposer aux patients fatigués ?

La prise en charge non médicamenteuse de la fatigue se divise en trois volets. 

• L’éducation thérapeutique : puisqu’un patient qui reconnaît sa fatigue et qui sait l’auto-gérer la vivra mieux. La thérapie cognitivo-comportementale est efficace sur la fatigue. 

• L’activité physique régulière : dont nous connaissons les nombreux bienfaits en rhumatologie. Mais, ce que l’on sait peut-être moins, c’est que celle-ci, en particulier aérobie, quand le cœur accélère, a une efficacité sur la fatigue. La prescription de l’activité physique adaptée est maintenant possible et est remboursée par certaines mutuelles.

• L’alimentation : en effet, on peut appliquer les recommandations récentes de la SFR qui proposent un régime de type méditerranéen, qui a un certain effet sur la fatigue.

En conclusion, aujourd’hui, le rhumatologue, dans le cadre d’une prise en charge holistique, doit aller bien au-delà de la prescription médicamenteuse et les INM en sont une partie importante qui devraient se standardiser et se structurer à l’avenir.

Le Pr Laure Gossec déclare avoir des liens d’intérêt avec AbbVie, Amgen, BMS, Biogen, Celltrion, Janssen, Lilly, MSD, Novartis, Pfizer, Stada, UCB.

Levée de la Prescription Initiale Hospitalière (PIH) et actualités sur les csDMARDs

Dr Véronique Gaud-Listrat (Saint-Michel-sur-Orge)

La levée de la PIH pour les biothérapies était très attendue ! Quels avantages y voyez-vous, pour les rhumatologues et les patients ?

La PIH pour les biothérapies administrées par voie sous-cutanée a été levée le 17 avril 2024. Nous manipulons ces biomédicaments depuis 2003 (étanercept) et 2005 (adalimumab), les autres étant venus plus tard, Tous les rhumatologues formés depuis ont géré ou gèrent ces traitements à l’hôpital et ne peuvent pas les prescrire officiellement en ville. Pour les patients, cela permettra de réduire le délai de prise en charge et les recommandations de la SFR insistent bien sur l’objectif de rémission la plus précoce possible.

Les précautions d’emploi et le bilan pré-thérapeutique sont-ils connus de tous ?

Nous avons la chance de disposer des fiches du CRI (www.cri-net.com) qui sont actualisées régulièrement, donnant une check-list précise des bilans à effectuer avant la mise en place du traitement et dont les résultats devront bien entendu être consignés dans notre dossier. Tout est réalisable en ville, y compris le test du quantiFERON®, remboursé si vous indiquez bien « avant traitement par biothérapie ». 

Il est intéressant d’utiliser un questionnaire de comorbidités, comme celui présent dans le livre « La polyarthrite rhumatoïde, 100 questions pour mieux gérer la maladie » (www.rhumatismes.net).

Enfin, l’application HIBOOT+ (www.hiboot.fr) de la SFR ou le questionnaire BioSecure peuvent aider le rhumatologue à expliquer au patient comment gérer ce traitement.

Les fiches du CRI ne permettent pas de répondre à toutes les questions, que peut faire le rhumatologue ? 

Bien sûr, cette nouvelle prise en charge ne changera pas la collaboration étroite hôpital-ville. Certains patients avec des comorbidités continueront à bénéficier d’une discussion en staff, en RCP ou dans le cadre de DPC. Certains patients continueront à souhaiter bénéficier de consultation hospitalière, notamment en cas d’échec d’une première biothérapie.

Le Dr Véronique Gaud-Listrat déclare avoir des liens d’intérêt avec Nordic Pharma.  

Méthotrexate (MTX) et cœur 

Pr Jérôme Avouac (Hôpital Cochin, Paris)

Quel est l’effet de l’inflammation chronique sur la comorbidité cardiovasculaire de la PR ?

La PR induit un surrisque cardiovasculaire (CV) qui est lié à un processus d’athérome accéléré. En effet, l’inflammation chronique joue un rôle dans l’initiation et la progression de l’athérosclérose : elle entraîne l’activation et un dysfonctionnement des cellules endothéliales et va également réguler la coagulation et le métabolisme lipidique qui favorisent la progression de l’athérosclérose. Les deux cytokines clés de la PR (TNFα et IL-6) sont impliquées de manière très importante dans le processus d’athérosclérose. Ainsi, inhiber l’inflammation, par le MTX ou par certaines biothérapies, pourrait améliorer le profil CV des patients. 

Comment prendre en charge un patient PR à risque CV avéré ?

Il s’agit d’une prise en charge conjointe. 

• Pour le rhumatologue, en premier lieu, il est très important de contrôler l’inflammation à l’aide de traitements à profil CV bénéfique, de sevrer la corticothérapie (ou moins la limiter) et d’éviter les AINS. 

• Ensuite, il doit adresser le patient à un cardiologue pour une évaluation CV plus fine ainsi qu’une prise en charge et un contrôle des facteurs de risque (tension artérielle, dyslipidémies, diabète, tabac…).  

• Le médecin traitant fera la liaison entre le rhumatologue et le cardiologue, en vérifiant que les traitements sont bien pris et que la prise en charge est adéquate.

Le Pr Jérôme Avouac déclare avoir des liens d’intérêt avec Galapagos, Alfasigma, Lilly, Pfizer, Abbvie, BMS, Sanofi, Roche-Chugaï, Nordic Pharma, Medac, Novartis, Biogen, Viatris, Fresenius Kabi, Janssen, Celltrion et MSD. 

Méthotrexate et vaccination

Pr Jacques Morel (CHU de Montpellier)

Que faut-il retenir du nouveau calendrier vaccinal ?

Le nouveau calendrier vaccinal a été publié au mois d’avril 2024. Certaines nouveautés concernent nos patients. 

 Contre le pneumocoque : les adultes bénéficient d’un nouveau vaccin conjugué, 20-valent, le Prevenar 20®. Il correspond à un schéma vaccinal avec une dose unique. 

Le vaccin 20-valent peut être envisagé :

– si la vaccination complète date de plus de 5 ans ; ou

– 1 an après une dose de 13-valent ou de 23-valent ; ou

– chez les patients non vaccinés. 

• Contre la varicelle, Shingrix®, premier vaccin inerte à administrer en deux doses à 2 mois d’intervalle par voie intramusculaire (1 mois d’intervalle peut être envisagé chez les patients immunodéprimés). 

– Il peut être co-administré avec tous les vaccins inactivés (grippe, pneumocoque, DTP) et tous les traitements immunosuppresseurs peuvent être poursuivis. 

– À noter, des effets secondaires assez fréquents, en particulier au site d’injection (douleur, rougeur).

L’efficacité de la réponse humorale diminuant chez les patients sous immunosuppresseur, quelles sont les meilleures stratégies vaccinales ? 

• Concernant le MTX et le vaccin contre le pneumocoque, nous avons présenté une étude au congrès de l’EULAR cette année qui a montré que les patients atteints de PR vaccinés avec le Prevenar 13® 1 mois avant l’instauration du MTX répondent mieux à la vaccination que ceux qui débutent le MTX le même jour que le vaccin avec 10 à 13 % de répondeurs en plus selon la méthode de dosage des anticorps. La différence de réponse se maintient à 1 an. Il est donc préférable de réaliser la vaccination contre le pneumocoque avant de débuter un traitement par MTX. Concernant les patients qui sont déjà sous MTX, il est bien admis qu’un arrêt du traitement pour réaliser la vaccination anti-grippale, anti-Covid, voire anti-pneumococcique est associé à une meilleure réponse à ces vaccins. Si l’activité du rhumatisme inflammatoire est contrôlée, on peut donc envisager un arrêt du MTX durant 2 semaines après la réalisation du vaccin.

• Pour les traitements ciblés anti-cytokiniques, il y a très peu d’effet sur les réponses vaccinales contre le pneumocoque, la grippe, ou le Covid-19 et il n’y donc pas d’indication à leur arrêt. 

• Pour les traitements ciblés anti-lymphocytaires :

– seul le rituximab est une particularité : pour tous les vaccins, il est donc préférable de l’administrer 4 semaines avant la première perfusion s’il s’agit du premier cycle, et 4 semaines avant le cycle suivant pour les patients en ayant déjà reçu ;

– quant à l’abatacept, comme pour le MTX, un délai d’arrêt de 2 semaines après la réalisation du vaccin est préconisé. 

• Pour les vaccins vivants, il n’y a pas de modification : arrêt de 3 mois de tous les traitements immunosuppresseurs avant la réalisation des vaccins. 

Le Pr Jacques Morel déclare avoir des liens d’intérêt avec Abbvie, Amgen, Biogen, BMS, Boerhinger Ingelheim, Fresenius Kabi, Galapagos, GSK, Lilly, Médac, Novartis, Pfizer, Sandoz, Sanofi, Servier.  

Méthotrexate et poumons

Dr Pierre-Antoine Juge (Hôpital Bichat – Claude-Bernard, Paris)

Quelles sont les atteintes pulmonaires habituellement rencontrées au cours de la PR ?

• D’une part, il y a les atteintes spécifiques de la PR qui sont difficiles à estimer parce qu’il n’y a pas de dépistage systématique et certaines sont asymptomatiques ou mal caractérisées.

Les pathologies interstitielles : environ 10 % des patients PR présenteront des symptômes en rapport avec ces atteintes, mais si on réalise un scanner thoracique systématique, elles sont présentes chez 20 à 30 % des patients. Ces pathologies sont particulièrement hétérogènes, il est important de caractériser les aspects fibrosant et progressif associés à la sévérité.

Les atteintes des voies aériennes spécifiques de la PR sont mal caractérisées, mais peuvent mimer un asthme.  

• D’autre part, la PR peut être associée à des pathologies pulmonaires non spécifiques : asthme, emphysème, bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO)… qui induisent une forte morbi-mortalité. Elles peuvent être liées au tabac, un facteur de risque de PR, mais pas obligatoirement. Elles doivent également faire l’objet d’un bilan pneumologique.

Que reste-t-il de la pneumopathie immuno-allergique induite par le MTX, qui a fait tant parler d’elle il y a une vingtaine d’années ?

Les atteintes liées aux médicaments utilisés dans la PR, comme le MTX, existent, mais restent extrêmement rares. Elles sont souvent confondues avec les atteintes liées ou associées à la PR, l’absence de dépistage systématique optimal avant l’initiation du médicament compliquant le raisonnement. Cependant, les études récentes suggèrent que les pathologies interstitielles chroniques observées au cours de la PR ne seraient pas favorisées par le MTX.

Les pneumopathies liées au MTX sont des pneumopathies immuno-allergiques très rares et très spécifiques. Il s’agit d’un tableau aigu associant fièvre, dyspnée, hypoxémie. Les patients peuvent rapidement évoluer vers une détresse respiratoire. C’est donc assez différent des atteintes spécifiques de la PR qui sont plutôt chroniques et lentement progressives. Les pneumopathies liées au MTX doivent faire éliminer une pathologie infectieuse qui peut être favorisée par le MTX. Un bilan infectieux bactérien, viral et parasitaire exhaustif est nécessaire et doit comprendre, si possible, un lavage broncho-alvéolaire. Le diagnostic de pneumopathie immuno-allergique induite par le MTX est donc très difficile à poser, notamment par l’absence de critères diagnostiques performants. Il sera posé après concertation multidisciplinaire par des pneumologues experts en pneumopathies interstitielles.

Le Dr Pierre-Antoine Juge déclare avoir des liens d’intérêt avec Nordic Pharma et AstraZeneca.

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