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ACR 2024 – Maladies auto-immunes (PPR, artérite à cellules géantes, CAR-T cells)

L’essentiel en un clin d’œil

• Des nouveautés thérapeutiques dans la pseudo-polyarthrite rhizomélique (baricitinib, méthotrexate) et l’artérite à cellules géantes (upadacitinib).

• Mais aussi de nouveaux résultats avec les CAR-T cells dans les maladies auto-immunes systémiques. 

 

TOP 1 – Efficacité et tolérance de l’upadacitinib dans l’artérite à cellules géantes

L’étude SELECT-GCA

L’étude SELECT-GCA a évalué l’efficacité et la sécurité de l’upadacitinib (UPA) dans l’artérite à cellules géantes (ACG), en combinaison avec une décroissance accélérée des glucocorticoïdes (GC). Cet essai multicentrique de phase III, mené dans 24 pays, a inclus 428 patients âgés de 50 ans ou plus, atteints d’ACG débutante ou en rechute. 

Les participants, répartis en trois groupes (UPA15, UPA7,5 et placebo), ont reçu soit une dose quotidienne d’UPA (15 mg ou 7,5 mg) avec une réduction des GC sur 26 semaines, soit un placebo avec une décroissance standard sur 52 semaines. 

Les résultats

À la semaine 52, 46 % des patients sous UPA15 ont atteint une rémission prolongée, définie comme l’absence de symptômes cliniques et le respect du protocole de décroissance des GC, contre 29 % dans le groupe placebo (p = 0,0019). De plus, 37 % des patients sous UPA15 ont atteint une rémission complète prolongée, incluant la normalisation des biomarqueurs inflammatoires (VS et CRP), contre 16 % sous placebo (p < 0,0001). 

Analyse de sous-groupes

L’analyse des sous-groupes a confirmé l’efficacité de l’UPA15, quels que soient le sexe, l’âge, l’ethnie, le poids, l’association ou non à une pseudo-polyarthrite rhizomélique (PPR) ou le statut de la maladie (débutante ou en rechute) (Fig. 1).

Figure 1 – SELECT-GCA : taux de rémission prolongée à la semaine 52 selon le sous-groupe. 

Les patients sous UPA15 ont également présenté un risque significativement réduit de poussées sur 52 semaines (Fig. 2) et une amélioration marquée de la qualité de vie, mesurée par le score FACIT-Fatigue (augmentation moyenne de 1,7 point sous UPA15 contre une diminution de -2,4 points sous placebo, p = 0,0036). Par ailleurs, l’exposition cumulative aux GC a été significativement réduite avec UPA15, avec une médiane de 1 615 mg contre 2 882 mg dans le groupe placebo (p < 0,0001). 

Figure 2 – SELECT-GCA : risque de poussée sur 52 semaines.

Tolérance

Les données de tolérance sont rassurantes : aucun événement cardiovasculaire majeur (MACE) n’a été rapporté sous UPA15, contrairement au placebo. Bien que certains effets indésirables, tels que le zona ou la lymphopénie, aient été plus fréquents sous UPA15, aucun signal préoccupant de sécurité n’a été observé.

À retenir

Ces résultats montrent qu’UPA15 offre un profil bénéfice/risque favorable, combinant efficacité supérieure et réduction de la dépendance aux glucocorticoïdes. Ces données positionnent UPA15 comme une option thérapeutique prometteuse pour l’artérite à cellules géantes, répondant à des besoins non satisfaits dans cette population de patients.

• Merkel P, Penn S, Setty A et al. Efficacy and safety of upadacitinib in patients with giant cell arteritis (SELECT-GCA): a double-blind, randomized controlled phase 3 trial. ACR 2024 ; 0770.

• Merkel P, Setty A, Blanco-Alonso R et al. Efficacy of Upadacitinib in Patients with Giant Cell Arteritis: Subgroup Analysis of the SELECT-GCA Phase 3 Trial. ACR 2024 ; 1695.

 

TOP 2 – Baricitinib et pseudo-polyarthrite rhizomélique

La pseudo-polyarthrite rhizomélique (PPR) est une maladie inflammatoire fréquemment traitée par des corticoïdes, qui, bien qu’efficaces, exposent les patients âgés à des risques d’effets indésirables significatifs. 

L’étude BACHELOR

L’étude BACHELOR, un essai randomisé, contrôlé et en double aveugle, a exploré une alternative en évaluant le baricitinib, un inhibiteur de JAK1/2, dans la PPR récente sans recours systématique aux corticoïdes. Entre décembre 2020 et août 2023, 34 patients présentant une PPR récente (< 6 mois) naïve de traitement par corticoïdes ont été inclus. Ils ont reçu soit 4 mg de baricitinib par jour, soit un placebo, avec un recours aux corticoïdes uniquement en cas de forte activité de la maladie (stratégie de sauvetage). Une injection locale de corticoïdes était permise à l’inclusion et à la semaine 4.

Les résultats

Le critère principal, à savoir l’obtention d’un score DAS-PPR ≤ 10 sans utilisation de corticoïdes oraux à 12 semaines, a été atteint par 78 % des patients sous baricitinib contre seulement 13 % sous placebo (p < 0,0001). Ce bénéfice significatif a été observé dès la deuxième semaine de suivi, soulignant l’efficacité rapide de ce traitement (Fig. 3). 

Figure 3 – BACHELOR : pourcentage de patients obtenant un score DAS-PPR ≤ 10 selon le traitement.

Les patients sous placebo ont également eu un recours nettement plus fréquent aux corticoïdes pour contrôler la maladie, renforçant l’avantage thérapeutique du baricitinib. De plus, les analyses secondaires ont montré des améliorations significatives pour les patients traités par baricitinib en termes de qualité de vie.

Les patients traités par baricitinib ont également bénéficié d’un contrôle prolongé de l’activité de la maladie jusqu’à la semaine 36, sans récidive rapportée.

Tolérance

Sur le plan de la sécurité, le baricitinib a présenté un bon profil de tolérance. Aucun événement cardiovasculaire majeur ou signal de sécurité préoccupant n’a été rapporté, et les événements indésirables observés étaient comparables entre les deux groupes. 

À retenir

Ces résultats confirment que l’utilisation du baricitinib pourrait représenter une alternative efficace et bien tolérée, permettant de limiter l’exposition aux corticoïdes dans la prise en charge de la PPR.

Cette étude met en lumière le potentiel du baricitinib pour répondre aux besoins non satisfaits dans la PPR récente, en particulier chez les patients âgés, souvent vulnérables aux effets secondaires des corticoïdes. Cependant, des recherches complémentaires sur le long terme seront nécessaires pour préciser sa place dans les stratégies thérapeutiques et évaluer pleinement son rapport bénéfice/risque.

• Saraux A, Carvajal Alegria G, Dernis E et al. Baricitinib in early polymyalgia rheumatica (BACHELOR study). ACR 2024 ; 0858.

 

TOP 3 – Le méthotrexate dans la pseudo-polyarthrite rhizomélique

La prise en charge de la PPR repose principalement sur l’utilisation des GC, mais leur toxicité, notamment chez les patients âgés, soulève des préoccupations. Trois études randomisées contrôlées antérieures ont suggéré que le méthotrexate (MTX) pourrait réduire la dépendance aux GC, mais elles étaient limitées par de petits effectifs, des doses sous-optimales (10 mg/semaine maximum) et des méthodologies parfois faibles. 

L’étude PMR-MODE

Pour combler ces lacunes, l’étude PMR-MODE, un essai contrôlé randomisé de 52 semaines, a évalué l’efficacité du MTX à une dose de 25 mg/semaine chez 64 patients récemment diagnostiqués, traités par GC depuis moins de 8 semaines. 

Les résultats

Cependant, les résultats n’ont montré aucune différence significative entre les groupes MTX et placebo en termes de rémission sans GC à 1 an (67 contre 68 % ; p = 0,048). De plus, le DAS-PPR, les doses cumulées de GC et les taux de rechute étaient similaires entre les deux groupes, remettant en question le rôle du MTX comme agent d’épargne en GC dans la PPR (Fig. 4).

Figure 4 – PMR-MODE : DAS-PPR et doses cumulées de corticoïdes en fonction du traitement.

L’analyse des données de santé américaines

Parallèlement, une analyse fondée sur des données de santé aux États-Unis a comparé le sarilumab, un inhibiteur des récepteurs de l’IL-6 (IL-6R), au MTX. 

Les résultats

Parmi les patients ayant suivi ces traitements pendant au moins 6 mois, 59 % de ceux sous sarilumab ont pu interrompre les GC, contre seulement 35 % sous MTX. Le sarilumab a également permis une réduction plus rapide et plus importante de la dose cumulative de GC. Ces résultats sont cohérents avec les données publiées précédemment et soutiennent la supériorité des anti-IL-6R, comme le sarilumab, par rapport au MTX pour réduire l’utilisation des GC dans la PPR.

À retenir

Les recommandations de la Société française de rhumatologie (SFR) reflètent ces observations, privilégiant les inhibiteurs de l’IL-6R comme agents d’épargne en GC dans la PPR. En effet, les études sur le MTX, bien que méthodologiquement solides, comme PMR-MODE, n’ont pas démontré de bénéfices cliniques significatifs dans cette indication. Ces résultats confirment que le sarilumab pourrait représenter une alternative efficace et mieux adaptée pour limiter les effets indésirables associés aux GC chez les patients atteints de PPR. Cependant, des analyses supplémentaires sont nécessaires pour consolider ces conclusions et optimiser les stratégies thérapeutiques.

• Bolhuis T, Kooijman N, Marsman D et al. Results of a one year randomized double-blind placebo-controlled trial with methotrexate 25 mg per week for recently diagnosed polymyalgia rheumatica. ACR 2024 ; 1697.

• Curtis J, Xie F, Daigle S et al. Comparative effectiveness of sarilumab vs. methotrexate as a glucocorticoid-sparing agent in patients with polymyalgia rheumatica. ACR 2024 ; 1700.

 

TOP 4 – Nouveautés dans les CAR-T cells 

Les récentes communications au congrès ACR 2024 ont mis en lumière les avancées des immunothérapies cellulaires pour les maladies auto-immunes systémiques, en particulier les CAR-T et CAR-NK ciblant le CD19. Ces approches innovantes se distinguent par leur capacité à moduler l’activité des lymphocytes B, responsables de nombreuses pathologies auto-immunes.

Les études RESET-Myositis et RESET-SLE

Deux patients inclus dans les études RESET-Myositis et RESET-SLE (Tab. 1) ont montré une efficacité rapide et soutenue après une seule perfusion de CABA-201, suivie d’un conditionnement par cyclophosphamide et fludarabine. 

Les résultats

Le patient atteint de myosite nécrosante anti-SRP+ a obtenu une réponse majeure à 3 mois, avec une réduction des CPK, une amélioration du score musculaire MMT-8 et une diminution des auto-anticorps, tout en arrêtant les traitements conventionnels. 

• De son côté, le patient atteint de lupus réfractaire a présenté une amélioration du SLEDAI-2K et une résolution de plusieurs manifestations cliniques, permettant un sevrage des immunosuppresseurs.

CAR-T CD19 : données à plus long terme

Dans une autre communication, les données à long terme de 30 patients traités par CAR-T CD19 pour diverses maladies auto-immunes ont été rapportées. 

Les résultats

Chez les 18 patients atteints de lupus, tous ont atteint une rémission complète (DORIS). 

Les patients atteints de myosites ont montré une réponse majeure, bien que des rechutes aient été observées après 15 mois. 

• En revanche, les sclérodermies ont bénéficié d’une stabilisation pulmonaire. 

La tolérance globale était bonne, avec des syndromes de relargage cytokinique modérés dans la majorité des cas et aucun événement neurologique ou infectieux grave (Tab. 2).

Les cellules CAR-NL allogéniques

Enfin, la communication de Ming Sun et al. a présenté une nouvelle stratégie utilisant des cellules CAR-NK allogéniques chez 22 patients atteints de lupus sévère et réfractaire. 

Les résultats

Après une perfusion et un conditionnement similaire à celui des CAR-T, des réponses significatives ont été observées. À 9 mois, 50 % des patients avaient atteint une rémission complète (DORIS) et 75 %, une rémission partielle (LLDAS) (Fig. 5). Contrairement aux CAR-T, la déplétion des lymphocytes B a été plus brève, avec une repopulation dès le deuxième mois. 

Figure 5 – Évolution du SLEDAI-2K après transfert de CAR-NK.

Les effets indésirables étaient rares et de faible gravité, avec seulement deux cas de syndrome de relargage cytokinique de grade 1.

À retenir

Ces données confirment le potentiel des thérapies cellulaires dans les maladies auto-immunes systémiques, avec des profils d’efficacité et de tolérance prometteurs. Les CAR-NK, notamment, pourraient offrir une alternative allogénique accessible, mais des études complémentaires restent nécessaires pour valider ces résultats préliminaires.

• Sheikh S, Mozaffar T, Derebail V et al. Safety and efficacy of CABA-201, a fully human, autologous 4-1BB Anti-CD19 CAR T Cell therapy in patients with immune-mediated necrotizing myopathy and systemic lupus erythematosus from the RESET-MyositisTM and RESET-SLETM clinical trials. ACR 2024 ; 1733.

• Hagen M, Mïller F, Wirsching A et al. Safety and long-term efficacy of CD19-CAR T-cell therapy in 30 patients with autoimmune disease. ACR 2024 ; 1749.

• Yu Y, Kong R, Xu X et al. Allogenic CD19 CAR NK cells therapy in refractory systemic lupus erythematosus: an open-label, single arm, prospective and interventional clinical trial. ACR 2024 ; L17.

L’auteur déclare avoir des liens d’intérêt avec Galapagos, Alphasigma, Lilly, Pfizer, Abbvie, BMS, Nordic Pharma, Novartis, Biogen, Fresenius Kabi, Celltrion, Janssen et MSD.